L’art de créer une exposition de A à Z

Depuis samedi, petits et grands découvrent l’exposition jeunesse «Colorier, colorer, couleurer», mais cela fait plus d’un an que l’équipe des arts visuels y travaille en coulisses. L’Hebdo Journal a suivi l’équipe dans toutes ces étapes qui ont marqué la dernière année.

Février 2019 : la présentation du projet

Première rencontre avec Marie-Andrée Levasseur, directrice des arts visuels, Marie-Ève Bérubé, responsable des expositions en arts visuels, et Geneviève Guillemette, coordonnatrice des arts visuels,  pour discuter de ce projet d’exposition jeunesse, une rareté présentement en art actuel. Déjà, on sent que les bases de l’exposition sont établies.

L’histoire «Tirer ses ficelles» qui sert de trame à l’exposition a été écrite par Diane Longpré. Le conte amène le protagoniste à réaliser six actions pour remettre des couleurs dans le paysage.

«On lui a demandé d’écrire l’histoire, répartie en six actions différentes. Au moment de l’enregistrement, c’était important pour nous que le personnage soit non genré, de sorte que la voix, ressemblant à celle d’un enfant, peut être celle d’un garçon comme d’une fille», explique Marie-Ève Bérubé.

L’idée derrière chaque œuvre a été inspirée par le récit. «C’est tripant de travailler sur tous les aspects d’une exposition, souligne Marie-Ève Bérubé. Les artistes voient ces œuvres comme des commandes, puisqu’on leur a soumis le concept pour chacune d’elles. Cette fois-ci, on a pu exploiter ce côté créatif qu’on n’a pas à faire normalement. Il y a eu une part d’idéation pour chaque œuvre.»

Elles ont approché des artistes de la Mauricie pour créer les œuvres: Ève Tellier-Bédard, Valérie Morrissette, Geneviève Baril et Martin Brousseau. Et comme la subvention stipulait qu’il devait y avoir un volet numérique, l’équipe des arts visuels a fait appel à la firme Cinetic pour concrétiser leurs idées. Les œuvres ont été commandées selon la démarche respective de chaque artiste.

Il fallait aussi prendre en considération que les œuvres sont destinées à voyager. Les artistes ont dû s’adapter à cette contrainte. «Par exemple, l’œuvre ne doit pas être trop lourde pour faciliter le transport et elle doit être durable dans le temps. Ici, le plafond est à plus de huit pieds de haut, mais ce n’est pas comme ça partout. Il fallait le prendre en considération. L’œuvre doit aussi être relativement facile à monter. Par ailleurs, il était important que les matériaux soient lavables et sécuritaires pour les enfants», détaille Marie-Andrée Levasseur.

L’équipe des arts visuels a reçu de nombreuses expositions itinérantes, de sorte qu’elle a utilisé cette expérience pour établir ce qu’il était important de mettre de l’avant.

Le concept de l’exposition prévoit que les œuvres soient manipulées. C’est un autre élément qu’il a fallu prendre en considération.

«Ce sont des œuvres qui ont une certaine durée de vie, car elles seront manipulées»

«Le fait qu’on ait reçu plusieurs expositions itinérantes nous a donné de l’expérience pour maintenant», ajoute Marie-Ève Bérubé

Tout se retrouve documenté dans un document qui suivra l’exposition au fil de ses escales aux quatre coins du Québec, de la façon d’entreposer et d’installer les œuvres jusqu’au plan d’éclairage optimal. Les différentes étapes sont accompagnées de photographies. Objectif: que tout soit clé en main pour les prochains centres d’exposition qui accueilleront le tout.

Avril: les concepts se précisent

Déjà à la troisième rencontre, on voit que l’idée générale derrière certaines œuvres s’est légèrement modifiée.

Par exemple, au départ, l’idée était d’avoir des fleurs au sol et se prolongeant au mur. «La réalité et les contraintes que l’idée implique rendait ça plus difficile. Des fleurs au sol sur un tapis, en hiver, avec les bottes, disons que ce n’est pas l’idéal. Avec l’artiste, on a convenu d’utiliser une surface comme un tableau blanc effaçable et de le placer seulement au mur», précise Marie-Ève Bérubé.

Et le jardin de légumes, d’abord imaginé en quatre sections, a été réduit à trois sections, question d’espace. Aussi, des centaines de petites graines de porcelaine seront suspendues au-dessus du jardin. «C’est dans la démarche de Geneviève [Baril] de répéter de petites formes souvent. C’est une déclinaison qu’elle a amené et qui s’intègre parfaitement», ajoute-t-elle.

Mai : une idée à revoir

On l’oublie, mais la mise sur pied d’une exposition passe aussi par la conception du mobilier qui vient avec, qu’il s’agisse de bancs, de meubles ou autres supports. C’est là que Justin Marchand et Charlie Roy, de Marchand Roy, sont entrés en jeu. Ils ont reçu le mandat de créer un mobilier qui s’harmoniserait au reste de l’exposition.

Initialement, il était prévu que les contours des mobiliers blancs soient noirs, un peu à la manière d’un cahier à colorier. Toutefois, quand l’équipe du Centre d’exposition Raymond-Lasnier a vu que le Musée POP avait opté pour un visuel semblable pour une partie de sa nouvelle exposition permanente, le trio a décidé de développer un plan B : les couleurs s’estompent comme si elles étaient diluées par la pluie.

«Tout se tient. C’est le détail qui fait la différence. Chaque choix que l’on fait a un sens afin que tout soit harmonieux.»

Septembre: les demandes rentrent

La conception du livre «Tirer ses ficelles» est commencée. L’affiche a été approuvée la veille. Pour certaines œuvres, on en est aux derniers détails. Le concept de la maison a été peaufiné: elle sera accolée au mur et les enfants pourront y installer des formes découpées dans du plexiglas de différentes couleurs.

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D’autres centres d’expositions sont entrés en contact avec le Centre d’exposition Raymond-Lasnier pour recevoir l’exposition au cours des prochains mois. Les choses avancent comme prévu. «On a autant du dessin au crayon que des œuvres plus technologiques. C’était de passer de l’idée à la réalisation et ça fonctionne techniquement. C’est important que les enfants voient autre chose que de la technologie au musée», mentionne Marie-Ève Bérubé.

Novembre : J-23

Début novembre. Il neige. L’équipe est en mode attente. La publication est en impression et l’on termine le cartable de guide. Les ébénistes sont à l’œuvre également. C’est une course contre la montre pour que tout soit prêt à temps.

«On est en attente des plans finaux pour la cabane de lecture qu’on souhaite avoir. On désirait un lieu plus isolé pour que les enfants puissent s’installer pour entendre l’histoire au complet et lire le livre qui l’accompagne», explique Marie-Andrée Levasseur.

Des sous-traitants se tenaient sur le qui-vive pour réaliser le projet à temps pour l’ouverture de l’exposition. Finalement, le délai aura été trop serré pour que la cabane soit prête pour le vernissage. Le plan B a été mis en œuvre. Un espace défini par un tapis et des poufs en sacs de billes a été aménagé. La cabane devrait être construite et peinte pour la période des Fêtes si tout va bien.

19 novembre : l’exposition prend vie

On est à quatre jours du vernissage, ce qui coïncide également avec la première journée de montage de l’exposition. Ce fut essentiellement une journée d’ajustement sur à peu près toutes les œuvres. Au moment du passage de L’Hebdo, l’une des œuvres n’était pas encore arrivée.

Des panneaux ont dû être construits rapidement pour soutenir l’œuvre des fleurs, ceux prévus originalement n’ayant pas les bonnes mesures. De légères modifications ont aussi été apportées à l’œuvre de l’arbre et à celle du jardin.

***

23 novembre, jour du vernissage. Ça grouille d’enfants (et de parents, forcément!) au Centre d’exposition Raymond-Lasnier. Tranquillement, les œuvres sont de moins en moins blanches. Les couleurs fusent de toutes parts.

Et au gré de l’imagination des petits et grands qui s’y donnent à cœur joie, les œuvres prennent alors vie d’une toute autre façon.