Yves Bégin : arbitre de passion

Deux soirs par semaine, Yves Bégin s’empresse de terminer sa journée au bureau, entasse une poche de hockey dans le coffre et saute dans la voiture, se dirigeant vers un aréna de la Ligue nord-américaine de hockey. Aussitôt à bon port, Bégin lace ses patins et enfile son chandail rayé, prêt à examiner attentivement les moindres gestes de la dizaine de patineurs qui partagent la même glace que lui. L’arbitrage est bien plus qu’un travail pour Bégin, c’est une véritable passion.

À sa 11e saison dans la LNAH, Yves Bégin commence à connaître comme le fond de sa poche le réseau routier québécois, parcourant des milliers de kilomètres par mois pour vivre sa passion de l’arbitrage. «Je me trouve à faire beaucoup de kilométrage. Nous avons un dur hiver cette année, mais ce n’est pas grave parce que j’adore ce que je fais», explique Bégin, qui voyage tout autant dans le cadre de son emploi de directeur du développement dans une compagnie de matériaux de construction.

Comme bien des arbitres, Bégin a eu la piqûre très jeune. Dès l’âge de 15 ans, il arbitrait du hockey mineur dans sa région, en Mauricie, parallèlement à son développement comme joueur de hockey, jusqu’au calibre junior AA. Très rapidement, sa passion de l’arbitrage a pris le dessus sur son désir de jouer, lorsqu’il fut promu dans la LHJMQ. «À 19 ans, je faisais le saut dans le junior majeur après seulement trois ans d’expérience dans le hockey mineur.» À la suite de neuf années de loyaux services dans le calibre junior majeur, Bégin a quitté cette ligue de son propre gré lorsque des franchises se sont installées aux frontières du Québec et dans les Maritimes. «Je demeure à Trois-Rivières et je suis parti au moment où Val-d’Or et Rouyn-Noranda entraient dans la ligue. À cause de mes études et de mon travail, je ne pouvais plus continuer dans le junior; il ne faut presque pas avoir un emploi pendant l’hiver pour arbitrer dans le junior. J’ai donc arrêté un an», affirme-t-il, ne laissant pas sa passion sur les tablettes très longtemps. L’année suivante, il faisait son entrée dans la Ligue senior de la Mauricie, circuit qui fut l’embryon de la LNAH.

Le métier d’arbitre est l’un des plus exigeants et contestés dans le monde du hockey. Souvent visé par les remarques partisanes, l’officiel doit, au dire de Bégin, posséder une certaine carapace. «Quand je mets mon gilet d’arbitre avec mes bandeaux, il faut que je concentre et que je reste dans ma bulle. Il ne faut pas que tu penses à ce qui s’écrit dans les journaux ou sur Internet, ni à ce qui se dit à la radio ou à la télé. Sinon, tu ne peux pas rester dans ce domaine.»

Après toutes ces années dans la LNAH, Yves Bégin s’est forgé une réputation d’arbitre constant et impartial. «C’est sûr qu’avec deux parties par fin de semaine, il est possible que je l’aie un peu moins un soir, c’est comme un joueur. Par contre, il faut tout le temps donner son maximum. Évidemment, il est important d’avoir une bonne compréhension de la partie.»

Durable

La clé du succès et de la longévité dans ce domaine? «Je pense que c’est surtout le respect avec les joueurs, les entraîneurs et les organisations. Je ne mets pas mon gilet d’arbitre pour plaire. Sur la glace, je ne suis pas ami avec quiconque. Je respecte tout le monde, je suis là pour prendre des décisions et j’essaie de les prendre du mieux que je peux », dit celui qui participa aux six dernières finales de la ligue, la récompense ultime pour un officiel. «Cela te dit que tu es apprécié et que ça va bien. Ça te donne le goût de continuer. On peut comprendre que les officiels soient des gens passionnés par leur travail sur la glace, mais dans un domaine aussi peu gratifiant, il est parfois difficile de saisir ce qui motive autant les arbitres. Yves Bégin admet que ce n’est pas du tout la position autoritaire qui plaît aux hommes rayés. «Je n’ai pas le power trip de gouverner. Ce qui est trippant, c’est de vivre l’émotion sur la glace avec les joueurs. Arbitrer devant des foules de 8000 ou 9000 personnes au Colisée de Québec en finale de la ligue pendant l’année du lock-out ou devant 2300 personnes à Saint-Georges, c’est vraiment plaisant. C’est cette adrénaline qui me passionne», complète Bégin, mentionnant auparavant qu’il côtoie chaque match d’excellents joueurs, des gars possédant une vaste expérience dans le domaine du hockey. Âgé de 41 ans, Bégin sait pertinemment que sans un entraînement rigoureux, il ne pourrait suivre le rythme encore longtemps. Habitué d’être le seul en son genre sur une patinoire pendant dix ans, il s’est ajusté, comme tout le monde, à l’arrivée d’un deuxième arbitre. «J’aime cela parce que j’ai un autre point de vue, je vois le match d’un autre angle. Je n’ai pas besoin de patiner autant, et cela peut me permettre de prolonger ma carrière de quelques années. L’ajustement a été fait et nous sommes rendus au point où nous avons du bon hockey intéressant.» Ayant une expérience indéniable dans le milieu, Bégin tente d’aider les jeunes officiels à leur première année dans la ligue. «Les gars nous regardent aller, prennent de l’expérience et embarquent dans le sillon. C’est bien correct, parce que nous avons besoin de relève. C’est la ligue la plus tough au monde à arbitrer. C’est de la gestion de match et non seulement de l’application. Il faut vraiment aimer le sport et l’arbitrage!» Source: Pier-Luc Nappert, www.lnah.ca