Lorsque le rêve s’achève

Maxim Lemire était un fan de la World Wrestling Federation (WWF) à la télévision lorsqu’il était enfant. Devenu lui-même lutteur lorsqu’il était jeune adulte, il a délaissé son sport pour intégrer le circuit des hommes forts du Canada. Le Trifluvien a ensuite décidé qu’il en avait assez de transporter des pierres et il est redevenu lutteur, rendant heureux le jeune Maxim en lui. Quelques années plus tard, le rêve s’achève alors qu’il devra faire un trait sur sa carrière.

En effet, le Trifluvien a décidé que le moment était venu pour lui de se retirer, contre vents et marées.

« Lorsque j’ai recommencé à lutter, je savais que j’avais une épée de Damoclès -au-dessus de la tête ayant, dans le passé, subi de nombreuses commotions cérébrales. J’ai promis à ma famille de me retirer à la moindre commotion ou aux moindres symptômes post-commotionnels importants », confie le lutteur.

« Or, comme vous savez l’amour que j’ai pour ce sport. Au cours des dernières années, j’ai donc subi de nombreuses commotions et de nombreux incidents de symptômes post-commotionnels… que j’ai cachés. Je ne voulais pas arrêter le sport que j’aimais tant. »

Puis le mois dernier, Maxim a reçu un choc assez brutal derrière la tête lors d’un combat.

« Non seulement je ne me souviens plus de ce match, mais de la soirée qui a suivi non plus, témoigne-t-il. J’ai voulu abdiquer, mais je ne voulais pas arrêter. Là, les symptômes ont commencé à s’aggraver. Deux semaines plus tard, je me cogne à nouveau la tête après un bête accident et s’en ai suivi un blackout qui m’a fait peur et à ma femme aussi. J’ai ensuite lutté, quelques heures après, dans la même journée et les symptômes ont de nouveau empiré. »

« Puis, au gala du samedi 9 octobre, j’ai lutté sans prendre de coup, tout s’est bien déroulé. Par contre, juste l’effort que m’a demandé le combat m’a causé des problèmes, encore. J’ai réalisé que j’en suis à un point où mon corps et ma tête ne peuvent plus continuer. »

Au final, le jeune Maxim Lemire voudrait continuer le sport qu’il a tant chéri, mais l’adulte qu’il est devenu ne peut plus supporter la charge de travail. Il doit se retire, à contre-cœur.

« Mes symptômes sont trop intenses et ma tête souffre, ce qui fait en sorte qu’elle ne fonctionne pas très bien en ce moment. Si vous saviez la peine que j’éprouve de quitter la lutte, je suis sans mot. Je dois délaisser ce que j’aime, je dois délaisser ma passion », admet-il.

« Je sais que les retraites n’existent pas à la lutte, mais j’aurais trop à perdre. Vous savez pourquoi je choisis de le faire ? C’est parce qu’il y a une chose que j’aime encore plus, soit ma femme et ma fille. Par respect pour elles, je vais prendre les moyens qu’il faut pour me faire soigner. »

Maxim peut se retirer la tête haute avec une carrière remplie de bons moments. Rappelons qu’il avait même reçu une invitation aux essais de la World Wrestling Entertainment (WWE), en 2019, alors qu’il était âgé de 38 ans.

« J’aime dire que ma vie est une collection de souvenirs, mais que vaudrait-elle si je ne peux plus me souvenir de rien ? », concède-t-il.

« Maintenant, il est temps de prendre soin de mon cerveau. Je serai toujours reconnaissant pour ceux qui ont été là à mes côtés. Je ne veux pas qu’ils soient tristes pour moi parce que j’ai passé de beaux moments. Malheureusement, il faut parfois changer notre direction et je suis sûr que d’autres belles aventures m’attendent. »

Commotions cérébrales : les impacts

Plusieurs athlètes ont subi et subiront des coups à la tête, principalement dans les sports où les contacts physiques sont permis, tous comme les sports de combat tels la boxe, la lutte et les combats ultimes. Comment ­doit-on réagir face à cette problématique et que peut nous réserver l’avenir ? ­Voilà ce que l’Hebdo ­a tenté de savoir auprès de ­Laurie-Ann ­Corbin-Berrigan, professeure au département des ­Sciences de l’activité physique à l’Université du ­Québec de ­Trois-Rivières (UQTR) et thérapeute du sport.

« C’est certain que c’est une sage décision de se retirer dans le cas des athlètes qui ont une forte historique de commotions cérébrales et surtout, si on commence en en voir les effets, ­confie-t-elle d’emblée. C’est sûr que c’est impossible de revenir en arrière et de se dire qu’on aurait dû arrêter à tel moment précis. On ne peut jamais dire que c’est noir ou blanc dans le cas des effets. Pour ce qui est des pertes de mémoire (comme ce fut le cas pour le lutteur trifluvien ­Maxim ­Lemire), ça veut dire que la personne a perdu le fil au cours de sa soirée, le fil de ce qui s’est passé, ce qui veut dire qu’il a été témoin de cet effet secondaire. »

« À ce jour, on ne parle plus seulement des commotions cérébrales. Beaucoup d’études démontrent qu’il y a également des effets, par exemple, pour les athlètes qui ont eu des impacts répétés à la tête dans leur sport ou activité, sans nécessairement faire de commotion cérébrale à chaque fois. Dans les deux cas, on voit des déficits à long terme et le phénomène va se produire plus tard. On constate des effets au niveau de l’état de l’humeur, de la dépression et de l’anxiété. Ça peut aussi être des répercussions physiques, comme des troubles de l’équilibre, notamment », ­ajoute-t-elle.

De plus en plus d’études ont été réalisées auprès d’athlètes retraités, ces dernières années, qui ont fait des commotions cérébrales ou qui ont été victimes de coups à la tête répétés.

« Ça commencer à être de plus en plus connu et on voit de plus en plus d’athlètes qui prennent la décision de se retirer parce qu’ils sont au courant des impacts futurs, ce qui fait en sorte qu’ils peuvent prendre une décision éclairée. On a aussi découvert une dégénérescence du cerveau chez des athlètes post mortem, soit l’encéphalopathie traumatique chronique. Ça engendre des problèmes physiques, cognitifs et émotifs. Évidemment, ce ne sont pas toutes les personnes qui ont subi des commotions cérébrales qui vont développer l’encéphalopathie traumatique chronique », explique ­Mme ­Corbin-Berrigan.

« C’est un sujet très chaud dans le monde de la science, qui est beaucoup étudié, et sur plusieurs angles. Il y a également beaucoup d’éducation de fait maintenant auprès des jeunes athlètes, notamment à propos de comment reconnaître les effets. ­Est-ce qu’il y a plus de commotions cérébrales qu’avant ? ­Probablement pas, mais on en parle beaucoup plus aujourd’hui. Pour voir les effets et en connaître davantage, il faut étudier les gens sur une longue période de temps. Maintenant, il y a des études qui sortent alors c’est ce qui fait que c’est plus populaire qu’auparavant », ­conclut-elle.