Jonathan Beaulieu Richard espère être entendu

En septembre dernier, Jonathan Beaulieu Richard consultait son médecin puisqu’il se sentait essoufflé au moindre effort. Le Trifluvien était loin de s’attendre à être opéré à cœur ouvert quelques jours plus tard.

« Je suis rentré à l’hôpital à la fête du Travail et le 11 septembre, on m’opérait à cœur ouvert. Ils ont retiré une masse de mon cœur qu’ils ont fait analyser et il découvert ce qu’on appelle un sarcome, ce qui est assez rare. J’ai déjà des métastases au niveau des vertèbres du dos et de l’os iliaque. C’est un sarcome de stade 4, alors ça fait partie des cancers assez agressifs. La masse qu’on m’a enlevée repousse déjà dans mon cœur, mais tranquillement. Ma première séance de chimiothérapie a ralenti un peu sa progression », confie-t-il d’emblée.

« Ma conjointe avait commencé à travailler à temps partiel après son congé de maternité, parce que son employeur permettait un retour progressif. Peu de temps après, elle est tombée en congé sans solde. Pendant les semaines qui ont suivi, elle m’a aidé dans ma réhabilitation et on a appris qu’il existait deux subventions auxquelles on aurait droit, dont du chômage de proches aidants. »

Ne pouvant travailler lui non plus, cet argent viendrait aider à éponger les pertes. Or, on lui a refusé l’accès puisqu’elle venait de recevoir des prestations du Régime québécois d’assurance parentale (RQAP). 

« Par souci d’équité avec les autres provinces canadiennes qui, elles, offrent un chômage de maternité, on s’est doté d’un RQAP qui est cotisé. Elle n’était pas éligible parce qu’elle est allée chercher du RQAP. Le député Yves Perron (député de Berthier/Maskinongé) a dit qu’il y a eu des femmes qui, après leur congé de maternité, ont été mises au chômage et n’étaient pas éligibles elles non plus. Ça ne fait aucun sens », martèle-t-il.

Des comptes à payer

Évidemment, salaire ou non, les comptes à payer rentraient.

« Elle se disait que son chômage allait arriver, mais il n’est jamais arrivé. Ma conjointe a ensuite pris la décision de retourner au travail pour ensuite se faire mettre en arrêt. Elle a ensuite pu toucher son assurance-emploi à partir de là, précise-t-il. Le but de ma démarche, ce serait de faire changer cette règle. Si je peux faire évoluer le dossier plus rapidement, tant mieux. On a essuyé plusieurs refus et nos demandes de révision ne fonctionnaient pas. »

« Si ma présence dans les médias peut faire avancer les choses, tant mieux. Il faudrait que cette loi change, surtout au Québec, parce qu’on s’est doté de cette loi, alors c’est propre à nous. C’est une particularité du Québec et ça tombe bien que nos députés de la région soient du Bloc Québécois. Mme Louise Charbonneau avait travaillé là-dessus, alors le nouveau député a probablement hérité du dossier. »

Heureusement, le principal intéressé possédait une bonne assurance emploi.

« On a été un peu privilégié par mon assurance-emploi, mais je me mets à la place d’une femme enceinte qui est victime d’une malchance après son congé de maternité ou que son employeur a fermé les portes, elle a le même problème et elle se retrouve sans aide financière, avec un enfant à s’occuper », ajoute le pharmacien de profession.

Un battant

Bien qu’il soit confronté au combat de sa vie, le papa de deux enfants n’entend pas baisser les bras pour autant. 

« J’ai fait de la chimiothérapie en décembre, avec un succès mitigé. On a regardé pour de nouvelles options de traitement et je me pose certaines questions, alors on jongle avec les alternatives de traitement. Pour l’instant, je suis en pleine forme et je recommence à travailler à raison de quatre heures par semaine », témoigne-t-il.

Jonathan Beaulieu Richard n’avait jamais eu de problème de santé. Au contraire, c’était un athlète de haut niveau, lui qui est parvenu à atteindre la Ligue canadienne de football (LCF) avec les organisations des Alouettes de Montréal et du Rouge et Noir d’Ottawa.

« C’est certain que sur le coup, et à différentes étapes du processus, c’était plus dur pour le moral, mais sinon, le moral est bon parce qu’il y a beaucoup de positif qui ressort. Je reçois beaucoup d’amour de parents ou amis, et de gens qui sont sympathiques et empathiques face à ma situation. Malgré tout, il y a beaucoup de beau et peu importe le temps qu’il me reste à vivre, j’essaye d’en profiter le plus possible, et j’essaye de m’occuper. »

Chose certaine, sa vision de la vie désormais changée.

« Il y a des gens qui meurent soudainement et c’est triste. De pouvoir réaliser un peu la chance qu’on a et modifier un peu comment on vit est aussi un cadeau en soi. Autant que c’est triste, autant que ça amène aussi du positif. Je n’abandonnerai pas, même si les médecins me donnent un chiffre et un laps de temps. Étant donné que c’est un cancer rare, et que chaque individu est différent, on ne sait jamais ce qui peut se passer, ni ce qui peut arriver », conclut-il.

La loi modifiée dès juin?

Le jeune père de famille n’est pas seul dans sa bataille. En mars 2020, un mémoire intitulé Éliminer la discrimination à l’égard des femmes dans l’assurance-emploi a été adressé au gouvernement et aux partis politiques fédéraux. Ce dernier fut présenté par un consortium de groupes de femmes. 

D’abord, le Conseil demande d’éliminer la discrimination l’égard des femmes à l’assurance-emploi. « Le régime d’assurance-emploi (AE) du Canada comporte deux principales mesures qui limitent injustement l’accès des femmes aux prestations de chômage. En premier, l’utilisation d’un critère d’heures pour déterminer l’admissibilité aux prestations et leur durée font en sorte que, pour chaque heure travaillée, les personnes travaillant à temps partiel, majoritairement des femmes, sont moins souvent admissibles aux prestations et en reçoivent moins », peut-on y lire.

« Deuxièmement, la règle qui limite à un maximum de 50 semaines la combinaison des prestations spéciales et les prestations de chômage affecte presque exclusivement les femmes. Une femme qui perd son emploi avant, pendant ou peu après un congé de maternité/parentale est rarement admissible aux prestations de chômage. »

Le Conseil ajoute que « cette discrimination a été créée en 1996 lors de la décision d’utiliser les heures de travail pendant la période de référence pour déterminer l’admissibilité, plutôt que les semaines de travail comme c’était le cas auparavant. Le nouveau critère visait surtout à faciliter l’accès aux prestations aux personnes travaillant de longues heures pendant une courte saison, en majorité des hommes. »

Par ce mémoire, il implore que des modifications à la Loi sur l’assurance-emploi soient apportées afin d’éliminer ces deux éléments de discrimination. Le Conseil présente également plusieurs autres mesures pour rendre l’assurance-emploi plus accessible et pour renforcer son rôle d’assurer une continuité du revenu lorsqu’une travailleuse ou un travailleur se trouve en chômage.

Selon ce que L’Hebdo Journal a appris via une source à l’interne, le vœu du Conseil, et celui de Jonathan Beaulieu Richard et de sa conjointe, pourrait être exaucé en juin prochain. La ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes en situation de handicap, Carla Qualtrough, pourrait annoncer la modification dans la publication de son tout récent rapport.