Dans la foulée des souliers minimalistes
Une nouvelle tendance pointe le bout du nez dans le monde de la course à pied. Autrefois quasi réservé à l’élite, on retrouve depuis quelque temps de plus en plus de souliers minimalistes sur les tablettes des commerçants.
Il est important de savoir que ces derniers ne sont pas des accessoires pour les personnes de petite taille, mais bien que la principale différence de ces chaussures se situe au niveau du talon.
«Dans les souliers de jogging conventionnels, l’élévation du talon est de 11 millimètres tandis que celle des chaussures minimalistes est de 4 millimètres et parfois moindre dans les extrêmes. Ça fait trois ans qu’on entend parler de ces souliers par les compagnies, mais la vague commence seulement à se faire sentir chez les consommateurs», expose Michaël Gélinas, responsable des achats au magasin Sports Experts du boulevard des Récollets.
Toutefois, une question demeure. Ces souliers, qui réduisent considérablement l’espace entre le pied et le sol, sont-ils adéquats pour le joggeur nord-américain?
«Au niveau théorique, il n’y a pas d’inconvénient à ce soulier. L’être humain est né et est fait pour marcher pieds nus. Par contre, c’est autre chose au niveau pratique. Depuis que nous sommes petits, nous marchons avec de grosses chaussures qui ont des caractéristiques néfastes pour notre pied. La première étant que le talon est plus élevé que le devant ce qui crée des habitudes de biomécaniques différentes que si on marchait pieds nus. Le talon frappe le sol plus fortement et nous ne sentons pas la douleur, le pied se ramollit donc par la même occasion», souligne Sean Cannon, physiothérapeute spécialiste des blessures au pied.
«Selon des études, les pieds de l’homme moderne sont complètement différents au niveau musculaire, osseux et ligamentaire que ceux des populations qui marchent pieds nus depuis toujours, donc beaucoup plus faibles. Cela signifie que les blessures sont inévitables lorsqu’on décide d’aller courir du jour au lendemain avec des chaussures minimalistes, non pas parce que ce sont de mauvais souliers, mais bien parce que notre pied n’est pas du tout adapté», ajoute-t-il.
Prudence
Les spécialistes s’accordent sur le fait que la chaussure minimaliste possède beaucoup de bienfaits, mais qu’elle ne convient pas à tout le monde.
«Il y a un fond de vérité, car avant les gens ne se blessaient pas et la qualité des souliers était moindre. Les gens qui commencent à courir devraient éviter d’avoir une chaussure avec une grosse absorption, car la technique de course s’en trouve altérée», mentionne Isabelle Gagnon, kinésiologue au Centre sportif Alphonse-Desjardins (CSAD).
«Ce n’est pas donné à tout le monde de pouvoir courir avec des chaussures minimalistes. Le problème est que quelqu’un qui coure depuis 30 ans et qui décide de changer radicalement pour ce type de soulier va s’infliger des blessures», rajoute Michaël Gélinas.
Une adaptation de longue haleine
Avant de procéder à l’achat d‘un soulier de jogging minimaliste il faut être prêt à faire des sacrifices et affronter une longue période d’adaptation.
«Ça peut être très long surtout si quelqu’un a toujours couru avec une biomécanique d’homme moderne. En général, quelqu’un qui change du tout au tout doit se donner de trois à six mois en diminuant ses distances et écouter ses douleurs sinon l’état peut empirer. Par ailleurs, c’est normal lorsqu’on change d’avoir de petites douleurs qui peuvent persister jusqu’à un an», fait savoir Sean Cannon.
«Il faut y aller progressivement. Oui, il y a beaucoup de bien, mais ce n’est pas une recette miracle pour tout le monde», communique Mme Gagnon.
Question de bon sens
Certains spécialistes pensent différemment quant aux méthodes qu’on doit utiliser pour renforcer notre pied et s’adapter à notre nouveau soulier de course.
«Au départ, le mieux est d’avoir des souliers de diverses caractéristiques afin d’utiliser nos nouveaux souliers minimalistes graduellement. Cette option nous permet de faire travailler les pieds et les muscles des jambiers», établit Elizabeth Ledoux, kinésiologue au CSAD.
De son côté, Sean Cannon y va d’une autre alternative.
«Il y a différentes façons de faire lorsqu’on veut changer. Pour le joggeur sérieux, je crois que c’est pas mal mieux de garder le même type de souliers. Les évidences scientifiques sont claires à ce sujet afin de toujours garder la même biomécanique.»
Lui-même adepte de la course à pied, Michaël Gélinas y va d’une affirmation toute simple.
«On doit s’entraîner tranquillement en alternant marche et course, afin de muscler le pied. C’est de développer une nouvelle manière de courir. Toutefois, si tu es bien dans tes chaussures actuelles, tu n’es pas obligé de changer», conclut-il.
Pour plus d’infos: lacliniqueducoureur.ca