Pluie de témoignages sur le compte Instagram de victims_voices_tr

Avec la vague de dénonciation d’agressions des derniers jours, deux femmes, l’une âgée de 30 ans et l’autre de 17 ans, ont choisi de créer une page Instagram où l’on peut parler des agressions verbales, sexuelles et physiques subies.

Elles n’avaient pas imaginé que la réaction des internautes de Trois-Rivières et de Shawinigan allait être si forte. Il s’est fallu de 48 heures pour que victims_voices_tr attire près de 1400 abonnés et reçoive une centaine de témoignages. Au moment d’écrire ces lignes, le compte Instagram a publié une trentaine de dénonciations.

La page Instagram @Victims_voices_tr a été créée pour que les personnes victimes d’agressions sexuelles, verbales et d’intimidation de Trois-Rivières puissent se raconter. « Nous sommes là pour vous écouter, vous supporter », écrit d’entrée de jeu Victims Voices sur son compte Instagram.

Les deux femmes qui administrent la page ne sont ni psychologues ni travailleuses sociales ou des spécialistes de la question, mais bien deux femmes, victimes elles aussi d’agressions sexuelles.

«Ma collègue de 30 ans a été victime trois fois dans sa vie et elle n’a toujours pas parlé de ce qu’elle a vécu. Moi, ça m’a pris deux mois pour parler et porter plainte », nous dit la jeune femme de 17 ans qui coadministre le compte.

Ne cherchez pas : elle n’a pas publié son histoire.

Elles ont toutes deux voulu ouvrir la parole aux victimes. « C’est important pour ces personnes qui ont gardé le silence pendant si longtemps de pouvoir témoigner d’une façon totalement sécuritaire. Qu’elles sachent qu’elles ne sont pas toutes seules là-dedans, que beaucoup de personnes ont vécu la même affaire et qu’on va réussir à passer à travers ça et libérer ce poids qu’on porte depuis si longtemps », confie la jeune administratrice.

Les témoignages affluent

Victims Voices précise : « Nous, on a vu tout ça et on s’est dit : Trois-Rivières a sa place ». Elles ont créé le compte Instagram le 8 juillet à 6 h. Vingt-quatre  heures plus tard, tout le monde en parlait. Souvent, il faut un déclencheur et on ne sait si on l’a, jusqu’à ce qu’il arrive.

« On s’attendait pas à ce que ce soit aussi gros, puis que la radio et les nouvelles viennent nous voir. Le nombre de témoignages reçu est énorme ». Plusieurs centaines de personnes, estime Victims_voices_TR.

On peut déjà lire des récits terribles parmi les témoignages publiés. On ne s’imagine pas autant des crimes devenus aussi communs, répandus, impunis. Secrets. Celui d’une jeune fille violée à l’âge de 12 ans au camping d’été, d’une femme dénonçant la violente jalousie de son copain ou de cette autre personne humiliée en plein restaurant, traitée de «sale féministe».

Et cette dénonciatrice décrivant un homme avouant fièrement disposer à sa guise d’un groupe de 20 femmes qui lui doit obéissance et respect, espérant lui attribuer un numéro… Et de celles à qui on a glissé la drogue du viol. Et tant d’autres, qui demeureront anonymes, mais non moins réelles.

« C’est vraiment dangereux ce qu’on fait et on a réalisé ça il y a quelques heures à peine », indique Victims Voices qui fait déjà l’objet de menaces.

«On ne va nommer personne. On tient à notre sécurité. C’est vraiment dangereux et je ne m’attendais pas à ça.»

En tant que victimes, est-ce que ça leur fait du bien de faire tout ça? « En tant que victime, ça me rend extrêmement heureuse et fière de moi, puis fière de toutes les filles qui parlent en ce moment, de savoir que j’aide des gens. On comprend pourquoi les gens ont besoin de parler parce que ce n’est pas facile. C’est un moyen de libération pour que toutes les victimes comprennent qu’elles ne sont pas seules. On ne pose de jugement sur personne. On leur dit bravo. On va les féliciter, leur dire que notre parole vaut quelque chose ».

Victims Voices qui fait un suivi, les écoute, les conseille comme elles peuvent, avec leur cœur.

La suite des choses?

La suite est difficile à prévoir. Les administratrices de la page sont déjà débordées et verront bien où elles en seront dans une semaine, un mois.

Chose certaine, c’est une grande responsabilité à porter. « Violence physique, verbale, agressions sexuelles. On capote sur le nombre de victimes qu’il y a eu ici [à Trois-Rivières]. De savoir que même des barmans sont complices. Je ne comprends pas pourquoi des gens n’agissent pas. Ça arrive dans notre ville. Lorsqu’on a fait la page, on ne s’attendait jamais à ce que ça aille aussi loin. Dans une semaine? Je ne le sais pas. Franchement, je n’ai pas de réponse à ça ».

Pour les femmes de Trois-Rivières et Shawinigan intéressées à partager leur vécu, voir sur Instagram @victims_voices_tr