Nouveaux arrivants: le français et l’autonomie en priorité

Pas moins de 250 à 300 nouveaux arrivants, en moyenne, s’installent à Trois-Rivières chaque année. Dès le jour #1, ils sont pris en charge par Service d’accueil des nouveaux arrivants (SANA) de Trois-Rivières. Mais quelle est la procédure? L’Hebdo Journal s’est entretenu avec son chef d’orchestre, soit le directeur général Ivan Suaza.

«La personne arrive directement à l’hôtel, seule ou avec sa famille. Généralement, ils vont arriver en soirée et nous allons les accueillir. On doit leur expliquer tous les fonctionnements de l’hôtel d’abord, car la plupart arrivent de camps de réfugiés. On va faire une procédure de plus de 65 points qui comprend d’aller chercher des numéros d’assurance sociale, chercher un logement dans les cinq jours suivants, accompagner les familles à une première épicerie et inscrire les enfants à l’école. Nous allons toujours promouvoir l’autonomie chez les gens», explique-t-il d’entrée de jeu.

«On va aussi leur donner des informations sur la société québécoise pour leur expliquer tout ce qui est permis ici, et surtout ce qui n’est pas permis. Cette formation va toujours être en répétition. On leur parle aussi des valeurs du Québec, ce que l’on considère très important. On va ensuite leur expliquer qu’il va falloir apprendre le français, car ils ne pourront rien faire sinon. Et les gens sont d’accord avec ça. Il le faut pour pouvoir s’exprimer et être capable de se vendre ensuite.»

Il est normal que les réfugiés, qui arrivent avec leurs enfants ou sans enfant, aient besoin d’une période d’adaptation et ce ne serait probablement pas réalisable sans l’implication du SANA. Par contre, il est faux de dire que ces gens-là doivent «recommencer à zéro».

«J’avais fait l’erreur de dire ça et une petite fille africaine avait commencé à pleurer. Elle me disait que si elle recommençait à zéro, elle perdait tous ses amis. J’ai compris qu’on ne recommence pas à zéro. J’ai compris que les gens arrivent avec leur parcours auquel ils vont ajouter des expériences, des amis et des valeurs», se souvient-il.

«Ces gens-là sont des richesses. Ils ne peuvent pas effacer leur vécu, mais ils peuvent maintenant avancer. Dans nos séances d’informations, on fait comprendre aux gens qu’il y a des valeurs qu’ils apportent ici et qu’on peut arrimer. On n’est pas ici pour promouvoir le multiculturalisme. Tout le monde va se retrouver à l’intérieur d’une seule culture qu’est la culture québécoise. Tu as tes coutumes et tes valeurs, tu peux les vivre et les partager, mais on ne les impose pas aux autres.»

Composer avec les préjugés

Malheureusement, même en 2019 et dans une société plus ouverte, les réfugiés sont encore victimes de jugements tels que «ils viennent se faire vivre par nous» ou encore «ils sont dangereux».

«On essaye de ne pas leur en parler en arrivant pour ne pas les faire paniquer, car ce sont des victimes de la guerre et la façon dont certains pensent ferait d’eux des victimes à nouveau. Lorsque tu te retrouves dans un camp de réfugiés, tu sais quand tu y rentres, mais tu ne sais jamais quand tu y sors. Certains y passeront 5, 10 ou 20 ans», confie celui qui est directeur général du SANA depuis le 7 mai 2007.

«C’est décourageant pour eux d’être jugés par des gens qui ne connaissent pas leur histoire personnelle et les avancements qu’ils ont faits depuis qu’ils sont arrivés ici. Ce sont des gens qui sont partis avec leur courage que beaucoup de gens n’ont même pas. Lorsqu’on lit les parcours des gens, on se rend compte ce que nous avons vécu, nous, ce n’est rien. Ce sont des gens qui tombés et se sont relevés, et qui sont tombés encore et qui se sont relevés.»

Monsieur Suaza est catégorique et tenait à rappeler que la langue française n’est pas menacée, bien au contraire.

«Les gens disent qu’on devrait recevoir que des francophones et que le français est menacé. C’est faux et c’est mathématique! On favorise l’apprentissage du français pour que les gens puissent fonctionner ici, sans oublier les enfants de ces familles-là qui vont apprendre la langue. Ce n’est pas contre la francophonie, c’est en faveur de la francophonie», explique-t-il.

«Adis Simidzija ne parlait pas français lorsqu’il est arrivé ici avec sa famille et maintenant, il est un écrivain francophone. Lorsque les familles arrivent au Québec, on leur explique qu’elles sont devant une grande porte et qu’il faut la traverser. Pour ouvrir cette porte, on leur dit qu’il va falloir aller chercher la clé, ce qui est l’apprentissage du français. Ensuite, vous allez trouver des choses extraordinaires de l’autre côté.»

Le SANA compte sous son aile un intervenant Ici-Santé et Ici-Scolaire qui s’occupent d’inscrire les enfants dans les écoles et de leur expliquer le fonctionnement, aux enfants et aux parents. Ici-Santé s’occupe de faire tous les liens avec les services de santé et les examens auxquels se soumettre. Il y a aussi des familles de jumelage qui s’occupent de les accompagner, en plus d’une banque d’interprètes pour assurer les discussions et la traduction.

Vendre Trois-Rivières

De son propre aveu, celui qui est arrivé ici le 19 mai 2000 depuis la Colombie confie que le SANA aime bien vanter les bienfaits d’habiter à Trois-Rivières.

«On leur explique qu’on a beaucoup de temps à Trois-Rivières, car on a beaucoup moins d’embouteillages dans nos déplacements. Je me rappelle cette mère, à Montréal, qui passait deux heures par jours dans le transport en commun. On parle de dix heures par semaine et de 40 heures par mois. Je lui ai dit ‘’Si je vous donne ces 40 heures-là pour passer du temps avec vos amis et votre famille, ça vous convient?’’ C’est ça la qualité de vie qu’offre Trois-Rivières», raconte-t-il.

Pour les travailleurs qualifiés qui viennent s’installer en sol trifluvien, des séances d’informations appelées Les premières démarches d’installation sont offertes.

«On va les informer de ce qui les attend et on va communiquer avec notre partenaire en employabilité Stratégie Carrière et eux vont les orienter vers un emploi. Dans ces cas-là, au moins une personne dans la famille doit parler français et généralement, c’est le demandeur principal et il est prêt à intégrer le marché travail. S’il arrive avec sa famille, on va les aider à s’installer et à trouver une école et un logement, comme c’est le cas pour les réfugiés.»

«Souvent, on voit des familles pendant trois ou quatre mois et ensuite, on ne les voit plus. Nous allons ensuite chercher l’information à savoir où elles en sont rendues et comment ça se passe dans la famille? La plupart du temps, un des deux parents, ou encore les deux se sont trouvé un travail, ou un des deux parents s’est trouvé un travail et l’autre est retourné à l’école. On va les rappeler plus tard pour qu’elles sachent qu’on est toujours-là pour eux», conclut-il.

Le SANA de Trois-Rivières compte une dizaine d’employés maintenant. Pour en savoir plus à propos de ses services, visitez le https://sana3r.ca/.