L’oléoduc, moins apeurant que le train?

Alors que la poussière commence à peine à retomber à Lac-Mégantic, on nous arrive avec un nouveau projet concernant le pétrole au Québec, celui de TransCanada, dont l’oléoduc passerait par la Mauricie pour effectuer le transport de l’or noir de l’Alberta vers le Nouveau-Brunswick.

D’emblée, j’ai parfois l’impression qu’on se sert de la tragédie qui a fait 47 morts comme d’un coup de marketing : «Ne transportez plus par train, vous voyez ce que ça donne. Utilisez plutôt l’oléoduc». En tout cas, comme dirait l’autre, le timing est bon pour sortir cette idée.

Or, la vérité, c’est  que même si les incidents sont plus nombreux avec le transport de pétrole par rail, les volumes de déversements issus de pipelines sont trois fois plus importants, selon l’Agence internationale de l’énergie.

Les oléoducs, ces tuyaux enfouis sous terre qui traversent une bonne partie du pays, émettent de trois à quatre fois plus d’émissions de gaz à effet de serre (GES) que le pétrole conventionnel du Canada ou des États-Unis.

Alors, côté environnemental, c’est un gros zéro.

Surtout quand on se rappelle que l’heure est aux efforts à la réduction des GES.

On estime en moyenne à quatre heures l’amorce d’une intervention d’urgence si l’oléoduc venait à rencontrer un problème dans «une région métropolitaine».

Alors, chez nous, combien?

Les environnementalistes se gâtent

Pendant ce temps, les Équiterre, Greenpeace et autres défenseurs de l’environnement sortent la mitrailleuse à arguments et rappellent un élément qu’il ne faut jamais oublier, peu importe le moyen de transport : ça demeure du pétrole que l’on transporte.

«Les risques ne sont jamais nuls. Il faut plutôt se sortir de notre dépendance aux énergies fossiles et repenser nos villes et nos déplacements», soutient Steven Guilbeault, directeur principal d’Équiterre.

La WWF-Canada, elle, par le biais de sa directrice pour le Québec, Marie-Claude Lemieux, affirme que ce genre de projet aura pour effet «de nous enfermer encore longtemps dans une économie axée sur le pétrole».

En ce sens, elle n’a pas tort.

Développer des énergies vertes, tout le monde est pour ça.

Sauf quand ça coûte plus cher à appliquer que le bon vieux pétrole.

Et vous savez comme moi que des tuyaux enfouis dans le sol, ça rouille, ça casse, ça craque. Pas différent pour les oléoducs.

Les gens d’affaires croisent les doigts

Pendant ce temps, à Trois-Rivières, les intervenants voient poindre au loin le signe de piastre et les nombreux emplois que le projet de 12 milliards $ de TransCanada pourrait générer.

«Il y aura toujours des gens qui sont contre tout. C’est sûr que comme dans tout, il y a des risques, mais il ne faut pas partir sur la prémisse que les gens impliqués dans ce dossier, que ce soit l’entreprise, le gouvernement ou autre, ne feront pas cela selon les règles de l’art. Dans un projet comme celui-là, c’est sûr que ça serait fait comme il le faut», exprime le maire de Trois-Rivières, Yves Lévesque, avant d’y ajouter un bémol.

«Le développement doit se faire de façon correcte en respectant les propriétaires riverains. On ne peut pas empêcher le développement, on est dans un monde économique. Mais au niveau de la sécurité, l’oléoduc semble la meilleure façon de faire».

La Chambre de commerce et d’industries de Trois-Rivières (CCITR) abonde dans le même sens, dans un communiqué envoyé récemment aux médias.

«La Chambre croit que les investissements […] effectués par TransCanada pour la réalisation de ce projet seront responsables de la création de milliers d’emplois pendant la phase de construction et de centaines d’emplois pour l’entretien et l’exploitation de la structure», peut-on y lire.

«Aussi, la Chambre pense que la réalisation de l’oléoduc permettra de réduire la forte dépendance face au pétrole d’outre-mer en plus d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en hydrocarbures et l’accès à des réserves moins coûteuses», poursuit-on.

On se rappellera que la CCITR était allé au front, en compagnie de son homologue de la Rive-Sud pour défendre bec et ongles la centrale nucléaire Gentilly-2 et demander qu’elle survive.

Cette fois, la possibilité d’un oléoduc en Mauricie, parions, fait saliver abondamment les acteurs économiques.

L’oléoduc passerait par le secteur Saint-Louis-de-France, par Notre-Dame-du-Mont-Carmel, selon les premiers plans. Il transporterait un million de barils de pétrole chaque jour et serait mis en service à la fin de 2017.

Un mot sur Aussant

Dans un tout autre registre, Jean-Martin Aussant ne cesse de surprendre ces derniers temps.

Après avoir quitté le parti qu’il a lui-même fondé il y a un peu plus d’un an et demi, voilà que l’ex-péquiste retourne à Londres, en Angleterre, pour œuvrer dans ce qu’il connaît le mieux : les chiffres.

Depuis une semaine, il a tous les séparatistes sur le dos, ceux-ci l’accusant de trahir le message qu’il a véhiculé pendant cinq ans.

J’ai connu Jean-Martin Aussant en 2009, dans un passé où je commençais ma carrière à Bécancour. Je lui ai jasé une fois par semaine pendant un an et demi, avant de quitter pour un nouvel employeur, mais en maintenant toujours cette relation que je jugeais privilégiée avec l’homme politique, un des plus brillants et drôles à qui j’ai eu la chance de parler.

Sous l’apparence timide et parfois élitiste se cache un bon vivant, sympathique, qui n’hésite pas à prendre du temps pour discuter avec les gens et chez qui, le sourire était omniprésent.

Mais je me demanderai toujours, malgré tout, si Aussant aura quitté Option nationale véritablement pour «des raisons familiales».

Je sais qu’il est très attaché au concept de famille et qu’il voulait être un père présent avec ses jumeaux en bas-âge, tâche colossale s’il en est une quand, en plus, on est chef de parti politique, nouvellement crée par surcroît.

Je me demande alors pourquoi, il y a à peine quelques mois, il s’en croyait capable. Jeune père moi-même, j’avais sursauté de le voir fonder son propre parti en étant doublement papa. Peut-être a-t-il réalisé que la tâche était beaucoup plus imposante que prévu.

Certains lui reprochent de retourner à Londres et d’ainsi tourner le dos à ses principes.

La question qui me vient en tête : a-t-on ce qu’il faut pour lui offrir un pareil emploi au Québec?

Chez MSCI, Jean-Martin Aussant engrangera plus d’argent que vous et moi ensembles et œuvrera au sein d’une entreprise plus que reconnue dans son domaine. Moins de taxes, aussi.

Qui dirait non?

Poser la question, c’est y répondre.

Pour «se payer» un Aussant, il aurait fallu lui offrir le poste de tête à la Caisse de dépôt et de placement. Et encore.

Comment rivaliser pour s’offrir les services de quelqu’un qui a reçu des offres de Shanghai, Hong Kong, Singapour, Abu Dhabi et Londres?

Même s’il affirme lui-même qu’il aurait écouté les offres du Québec, s’il en avait reçu une qui méritait considération.

Dans tout ça, rien ne dit qu’il ne reviendra pas au Québec, et en politique, à court, moyen ou long terme.

La preuve : il est revenu dans sa province deux fois déjà, après ses études et après un séjour entre 2003 et 2005.

En attendant, toute allégeance politique exclue, le Québec perd un de ses bons cerveaux.