Attention ça va chier!

Plein de petits « Occupy Wall Street » se propagent dans le monde. Après New York, c’est Montréal, Rome, Amsterdam. Même Trois-Rivières s’est payé la traite. Les gros et méchants capitalistes doivent s’inquiéter: « As-tu vu la grosse bactérie en train d’infecter la planète? Ouach! »

Avant d’aller plus loin, je vous raconte une fable. Il était une fois un p’tit nouveau venu dans les usines de Duchesne et fils, fabricant de matériaux de construction à Yamachiche. Ce p’tit nouveau venu, c’est moi. Mon travail : procéder au chargement des camions.

On regardait tous les trois le camion qu’on venait de charger. Gendron, un type de St-Élie-de-Caxton, se montre inquiet: « Ça va chier! » dit-il. Dupuis, un gars de Louiseville, met son grain de sel : « Sûr que ça va chier! » Moi, j’observe le chargement et je fais face à mon ignorance: « Ça va chier, ça va chier, de quoi ils parlent? ». Orgueilleux, je n’ose le demander. J’observe les amoncellements de boîtes de clous, de soffite, de lambris. « C’est quoi le rapport? », me dis-je. Je ne vois aucun détail susceptible de me faire dire :«Ça va chier!»

On me l’a dit ou je l’ai deviné, me rappelle pu. Mais je l’ai finalement su. « Ça va chier » voulait dire « Ça va glisser, ça va s’écrouler, les boîtes vont tomber. »

Plus tard, le torse bombé et les yeux rivés sur un chargement, j’ai proclamé: « Ça va chier, c’est sûr! » J’étais fier parce que j’avais le premier à le dire. Et puis, je commençais à maîtriser le vocabulaire des gars travaillant à l’usine. Et n’y voyez rien de péjoratif. J’ai travaillé trois ans dans des usines et je peux dire que les gars ont un sens de l’humour admirable. Souvent caustique.

Des images qui cognent

Je sais, je vous parlais d’Occupy Street. J’y arrive dans pas long.

C’est à l’usine que j’ai commencé à trouver la poésie cool. Avant, ça me tapait sur les nerfs. Quand j’entendais un prétendu poète débiter des vers en public, j’avais juste avant de hurler un gros : « Ta gueule! » Pas ma faute, j’ai horreur des plaintes, complaintes et lamentations qui n’en finissent plus.

Mais à l’usine, j’ai appris que la poésie pouvait être comique . Prenez la phrase : « Ça va chier » pour dire que tout va s’écrouler. Pas laid du tout. Et ça veut tout dire. L’image s’impose par elle-même.

À partir de ce moment, j’ai ouvert l’oreille à l’usine. Du bonbon, je vous dis. Des images tordantes. Victor Hugo et Shakespeare? Des « has been ».

Je me suis mis à rechercher des vers drôles un peu partout. C’était devenu un jeu. Charlebois, Plume, Ferland, des poètes au coeur léger. Ils nous ont gâtés. Sans oublier Beau Dommage et Daniel Bélanger à l’occasion. Son image : « Une coche au-dessus d’une poire» est savoureuse.

Le peuple décide

Oui je sais, Occupy Street, j’y arrive.

Converti à la poésie comique, je me suis mis à bouquiner pour en trouver. Et je suis tombé sur un linguiste français, Pierre Fontanier, auteur de l’essai : « Les figures du discours » qui aborde l’art de s’exprimer et d’écrire efficacement à l’aide d’images percutantes.

Le savant linguiste écrit quelque part que la vraie poésie se forme chez le peuple, et non chez les bourgeois ou les aristocrates. Pour la simple raison que le peuple, souvent à court de vocabulaire et de mots précis, communique à l’aide d’images.

Les docteurs en français ont beau vouloir interdire une expression, dit Fontanier, c’est le peuple, tête de cochon, qui va la consacrer. Le docteur peut bien décréter tant qu’il veut: « Ca ne se dit pas en bon français! C’est inacceptable» Le peuple va rétorquer : « Essaie donc de nous barrer la route pour le fun! »

À l’usine, les gars avaient opté pour « Ça va chier » au lieu de « Ça va s’écrouler ». Et fuck les docteurs en langues.

En regardant le mouvement « Occupy » faire des petits dans le monde, je ne peux m’empêcher de crier: «Attention ça va chier! »

Derrière mon épaule, j’entends le savant linguiste Fontanier murmurer: «Et c’est le peuple qui a toujours le dernier mot.»

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