Une mère autochtone propose une action collective sur les signalements à la naissance

WINNIPEG — Une femme autochtone dont le nouveau-né a été enlevé par la police et des travailleurs sociaux dans un incident capté sur vidéo et diffusé en direct sur les réseaux sociaux a proposé une action collective contre le gouvernement du Manitoba.

La femme affirme dans une déclaration déposée cette semaine que les signalements à la naissance sont illégaux, violent les droits de la Charte et causent un préjudice important aux mères et aux enfants.

La mère a fait valoir jeudi à La Presse Canadienne qu’elle avait eu le sentiment que quelque chose clochait, qu’il y avait eu une «trahison».

La Presse Canadienne n’identifie pas la mère pour ne pas identifier l’enfant.

Une vidéo en 2019 de l’appréhension du bébé de deux jours dans un hôpital de Winnipeg a provoqué un tollé public. La vidéo sur Facebook a montré la mère pleurant à proximité avant que les agents n’emmènent le bébé dans un siège d’auto.

Selon des documents judiciaires, tandis que la femme était encore enceinte, elle avait contacté les services sociaux pour obtenir de l’aide et prendre des dispositions pour que le bébé soit placé chez sa tante.

Elle a appris qu’elle faisait l’objet d’un signalement de naissance que lorsque les autorités se sont présentées à l’hôpital pour emmener l’enfant, selon les documents judiciaires.

Les signalements de naissance sont des notifications envoyées par les sociétés d’aide à l’enfance aux hôpitaux lorsqu’elles estiment qu’un nouveau-né peut avoir besoin de protection. L’identité de la mère est alors communiquée aux hôpitaux à son insu.

La mère a déclaré qu’elle s’était sentie complètement prise au dépourvu et manipulée lorsqu’elle a appris qu’elle avait été signalée pour avoir demandé de l’aide avant l’accouchement.

Environ deux mois après la prise du bébé par les responsables, la tutelle a été transférée à la tante. Les documents judiciaires indiquent que la femme reste dans la vie de son bébé et s’occupe de lui régulièrement.

La province a déclaré jeudi qu’elle n’était pas en mesure de commenter la poursuite, car l’affaire est devant le tribunal.

La mère a déclaré que de nombreuses autres mères autochtones l’avaient approchée après avoir vu la vidéo et lui avaient dit qu’elles avaient vécu une expérience similaire. Elle a dit qu’elle avait réalisé qu’elle souhaitait faire quelque chose pour s’assurer que ce qui lui était arrivé ne se reproduirait plus.

«J’ai l’impression que c’est mon travail d’aider à mettre fin à cela, d’aider à arranger les choses pour la mère, pour l’enfant et, espérons-le, pour le système en entier – parce que ce n’est pas bien», a-t-elle soutenu.

La mère est représentée par Alisa Lombard, une avocate de la Saskatchewan qui a également travaillé sur une action collective impliquant des femmes autochtones qui alléguaient avoir été stérilisées de force.

Des signalements «discriminatoires»

Les signalements de naissance sont critiqués depuis longtemps par des dirigeants autochtones qui disent que la pratique s’en prend particulièrement aux familles de leurs communautés. Le rapport final de l’enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées a déclaré que les signalements sont «racistes et discriminatoires et constituent une violation flagrante des droits de l’enfant, de la mère et de la communauté».

Le signalement est lancé sans répondre à aucune exigence spécifique et n’est pas réexaminé ultérieurement, indique la poursuite. Un document est délivré aux hôpitaux contenant des informations sur la femme enceinte, y compris les préoccupations présumées en matière de protection de l’enfance.

L’action collective allègue que les signalements de naissance sont fondés sur «des stéréotypes discriminatoires et nuisibles sur les capacités parentales de personnes de certains milieux».

«Le résultat inévitable de ce processus a donc été que la plupart des signalements de naissance au Manitoba sont émis contre des personnes autochtones ou racialisées, ou des personnes vivant avec un handicap mental ou physique, à des taux totalement disproportionnés par rapport à leur représentation dans la population canadienne en général», soutient-on dans l’action collective.

Les statistiques du gouvernement du Manitoba au moment de la vidéo de 2019 montraient que les appréhensions de nouveau-nés se produisaient, en moyenne, une fois par jour. Il y a environ 10 000 enfants pris en charge au Manitoba et environ 90 % sont autochtones.

La province a cessé d’utiliser les signalements de naissance en 2020 après qu’un examen a révélé que la pratique décourageait les femmes enceintes et les familles de demander un soutien prénatal.

Les signalements ont également été arrêtés au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario, en Saskatchewan, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Yukon.

Cora Morgan, défenseuse des familles des Premières Nations pour l’Assemblée des chefs du Manitoba, a déclaré que son bureau continue de recevoir des appels de mères à qui on a enlevé leur nouveau-né.

«Les appréhensions de nouveau-nés et le retrait des enfants sont une pratique extrêmement traumatisante qui a des effets physiques, mentaux et émotionnels durables pour les familles des Premières Nations», a déclaré Mme Morgan dans un communiqué.

La mère a dit qu’elle se sentait chanceuse que sa tante ait pu intervenir. Mais trois ans après la naissance de sa fille, la femme navigue toujours devant les tribunaux pour ramener l’enfant à la maison un jour.

Elle a dit que les autres mères avec lesquelles elle parle n’ont pas le même soutien ou sont incapables de parler des injustices auxquelles elles peuvent être confrontées.

«On m’a donné cette force, ce pouvoir, ce courage. Je vais dire quelque chose si quelque chose ne va pas.»