Un rapport indique que les dénonciateurs fédéraux craignent des représailles

OTTAWA — Selon un récent sondage, les travailleurs fédéraux sont de plus en plus cyniques, sceptiques et désabusés à l’idée de signaler des actes répréhensibles dans la fonction publique.

Ce pessimisme est plus «palpable et répandu» maintenant qu’il ne l’était avant la pandémie, et les fonctionnaires sont devenus plus susceptibles de craindre des représailles en cas de dénonciation.

La firme de recherche canadienne Phoenix Strategic Perspectives a remis un rapport en mars au Commissariat à l’intégrité du secteur public, qui enquête sur les abus graves au sein du gouvernement fédéral.

Le commissaire Joe Friday affirme qu’il existe un labyrinthe de mécanismes de surveillance à la disposition des fonctionnaires et qu’il peut être décourageant ou épuisant de savoir où déposer une plainte.

Il pense que les fonctionnaires se sentent plus isolés et déconnectés pendant la pandémie, ce qui rend plus difficile de se sentir en confiance pour se manifester – sans parler de rassembler le type de documentation dont les dénonciateurs ont besoin.

Le président de l’Alliance de la fonction publique du Canada, Chris Aylward, affirme que les protections en place pour les dénonciateurs sont inadéquates et que le régime doit être renforcé.

«C’est décourageant de voir que les travailleurs fédéraux sont devenus plus cyniques à l’égard de la dénonciation et du signalement d’actes répréhensibles dans la fonction publique, mais ce n’est pas surprenant», a déclaré M. Aylward dans un communiqué.

«Il peut être intimidant de se présenter comme dénonciateur, et nos membres ont raison de craindre des représailles. Des mesures strictes sont nécessaires pour protéger les travailleurs qui s’expriment. Au lieu de cela, les dénonciateurs sont soumis à trop de conditions qui restreignent inutilement la divulgation.»

Crainte sur la confidentialité

Le rapport, basé sur neuf séances de groupes de discussion tenues en mars, a révélé que les travailleurs craignaient une grande variété de répercussions hypothétiques, dont beaucoup sont fondées sur la crainte que la confidentialité puisse être compromise.

Parmi ces craintes, l’on compte le potentiel impact négatif sur le bien-être physique ou psychologique du dénonciateur, un manque de soutien, l’idée qu’il acquérait une réputation de fauteur de troubles, une diminution de la confiance et de la division entre collègues et «une atteinte à l’image ou à la réputation de la fonction publique.»

Certains ont dit qu’ils craignaient que leur carrière déraille – qu’ils reçoivent de mauvaises évaluations, qu’ils soient retirés de projets, qu’ils se voient confier des tâches moins stimulantes ou que leur charge de travail augmente.

En comparaison à un rapport similaire réalisé en 2015, les fonctionnaires étaient plus susceptibles de dire que leur attitude à l’égard de la dénonciation avait changé au fil du temps. Cette fois-ci, ils se sont décrits comme étant devenus «moins naïfs, plus pessimistes, plus cyniques, plus blasés, moins d’enthousiasme et plus désabusés».

Les travailleurs ont tendance à considérer la dénonciation comme une bonne chose et décrivent les dénonciateurs comme des personnes courageuses qui doivent être encouragées et soutenues. Mais ils ont souligné que les dénonciateurs potentiels «doivent comprendre à quoi ils sont confrontés»: un processus qui est «long, ardu, stressant et incertain quant au résultat».

Les participants ont indiqué avoir une meilleure sensibilisation et éducation sur le processus de signalement des actes répréhensibles, mais ils ne lui font pas confiance.

«Beaucoup étaient d’avis que de tels changements équivalaient à une « vertu ostentatoire » ou à une « façade » par opposition à un véritable changement culturel», indique le rapport.

Un peu plus de la moitié des participants aux groupes de discussion ignoraient l’existence du bureau qui avait initialement commandé la recherche.

Ce n’est pas nécessairement une si mauvaise chose, estime le commissaire Friday.

«Je pense que si chaque fonctionnaire se réveillait chaque matin et que la première chose qui leur venait à l’esprit était:  »Comment puis-je mettre en lumière les actes répréhensibles », cela pourrait suggérer qu’il y a plus d’actes répréhensibles que quiconque ne le pense», dit-il.

Pourtant, il est évident que beaucoup ne savent pas comment fonctionne le processus de dénonciation ou n’y font pas confiance s’ils le savent. «De toute évidence, il y a plus à faire», souligne M. Friday. 

Il peut être frustrant de faire pression pour un changement de culture en marge d’une organisation de 300 000 personnes, dit-il – et sans aucune influence ou autorité sur les procédures internes spécifiques au département qui régissent en grande partie le système de dénonciation.

Pourtant, son bureau de 35 personnes a atteint des milliers de fonctionnaires avec des événements et des présentations au cours de la pandémie dans une tentative de démystifier le processus.

Au cours des sept années où il a été commissaire – et pendant son mandat de sous-commissaire et de conseiller juridique avant cela – M. Friday affirme qu’il n’a jamais fait de présentation qui n’a pas abouti à un suivi avec quelqu’un dans l’auditoire qui envisageait de signaler des actes répréhensibles.

«Nous parlons de quelque chose de très personnel, très souvent de quelque chose dont quelqu’un n’a encore parlé à personne», dit-il, déplorant que la pandémie ait réduit les possibilités d’avoir des conversations en face à face.

Il dit faire de son mieux pour poursuivre ses efforts de sensibilisation.