Un plan de 3,8 milliards $ est proposé pour décarboner le réseau de la santé

MONTRÉAL — Un plan de 3,8 milliards $ est requis pour atteindre l’objectif de décarbonation dans le réseau de la santé d’ici 2040, selon un nouveau rapport de la firme Dunsky Énergie + Climat. 

Le gouvernement du Québec s’est doté d’une cible de zéro émission directe de gaz à effet de serre pour les bâtiments de l’État et l’ensemble du parc de véhicules institutionnels en 2040, et le rapport présenté mardi se veut une feuille de route «clé en main» de décarbonation du système de santé. 

Il vise les bâtiments, les véhicules et les émissions indirectes de gaz à effet de serre (GES). 

Décarboner les bâtiments

Le rapport, commandé par l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) et financé par la Fondation familiale Trottier, propose entre autres de décarboner les bâtiments en instaurant des mesures d’économie d’énergie, notamment en récupérant la chaleur perdue des hôpitaux.

La récupération de chaleur perdue provenant des équipements médicaux et de l’air ambiant est une mesure phare du plan, comme l’a souligné la consultante de la firme Dunsky Audrey Yank.

«Les bâtiments du secteur de la santé sont assez uniques, en ce sens qu’ils ont des taux de changement d’air à l’heure importants pour rencontrer des normes sanitaires. Ce qui veut dire qu’on évacue l’air chaud dans les bâtiments à l’extérieur, pour changer l’air dans les bâtiments. Donc en récupérant la chaleur de cet air-là qui est évacuée, ou de la chaleur qui est présente dans les bâtiments, on est capable de réduire de 15 % la demande en énergie.»

La récupération de chaleur réduit de 540 millions $ les investissements requis dans les équipements de géothermie et de thermopompes pour substituer le gaz naturel  selon le rapport.

Il est également recommandé de privilégier l’installation de systèmes de chauffage électrique efficaces, dont la géothermie principalement. 

Il faut aussi réduire la demande en énergie en mettant en place de l’éclairage à diodes électroluminescentes (DEL), selon la firme Dunsky qui souligne que «l’éclairage est le deuxième poste en importance de consommation d’électricité après les équipements auxiliaires (tels les appareils médicaux)».

Selon les auteurs du rapport, la décarbonation des bâtiments pourrait, à terme, permettre des économies d’énergie de l’ordre de 571 millions $.

Électrifier les véhicules

Le plan suggère également de remplacer les véhicules à combustion à la fin de leur vie utile et commencer à électrifier les ambulances en 2024, afin d’atteindre un parc de véhicules «zéro émission directe» d’ici 2040.

L’électrification de la flotte de véhicules pourrait permettre d’économiser 216 millions $, selon les estimations.

Plus précisément, l’électrification des véhicules générerait des économies de «80 % en coût d’énergie et de 50 % en coût d’entretien comparativement aux véhicules à combustion».

Il serait également possible d’éliminer les GES provoqués par l’utilisation de gaz médicaux grâce au remplacement de ces «gaz à haut impact carbone» comme les gaz anesthésiants, les gaz inhalateurs et les gaz réfrigérants par «l’adoption de pratiques médicales à plus faible empreinte carbone».

Le coût de l’inaction serait «plus élevé»

Selon l’étude, le secteur de la santé émet actuellement 3,6 % des émissions totales de GES de la province, l’équivalent de 2,74 millions de tonnes de GES. 

Les hôpitaux et autres immeubles du réseau représentent, toujours selon la firme Dunsky, «65 % des émissions des bâtiments de l’État».

Ces émissions de GES ne sont pas seulement néfastes pour le climat, mais aussi pour la santé des gens, a rappelé la médecin de famille et présidente de l’Association québécoise des médecins pour l’environnement (AQME), Claudel Pétrin-Desrosiers.

Elle a tenu à préciser que la décarbonation du réseau de la santé aurait un impact direct sur la santé des Québécois et sur les coûts liés au réseau de la santé. 

«Quand on intègre les bénéfices qu’on en retire sur la santé en termes de réduction de morts, de réduction de morbidités, donc de maladies, l’investissement est rentable», car «la pollution atmosphérique, c’est 30 milliards $ en soins de santé annuellement», a souligné la médecin.

Santé Canada estimait en 2016 que le coût économique total de tous les impacts sanitaires de la pollution atmosphérique s’élevait à 120 milliards $ par année au pays.

Claudel Pétrin-Desrosiers fait valoir que les médecins qui s’impliquent dans  l’Association québécoise des médecins pour l’environnement «sont motivés par le fait d’offrir des soins qui répondent à l’urgence climatique, donc des soins qui ne nuisent pas aux gens».

Elle a ajouté que «si on veut être cohérent avec le premier serment qu’on prête comme médecin, qui est de ne pas nuire aux patients, le réseau de la santé doit faire sa part» et se décarboner.

La firme Dunsky estime que le coût de l’inaction «se situe autour de 5 milliards $ à l’horizon 2050, soit 3,4 milliards $ de coût social du carbone et 1,5 milliard $ d’économies potentielles perdues».

La consultante Audrey Yank, de la firme Dunsky, a précisé que «le coût social du carbone considère le coût de l’ensemble des impacts sociétaux associés aux GES, tels les risques d’impacts physiques des changements climatiques, les effets sur la santé humaine ainsi que sur les infrastructures».

Thomas Bastien, directeur général de l’ASPQ, a indiqué que le rapport avait été présenté au ministère de l’Environnement et à celui de la Santé et que «d’autres rencontres» sont prévues.