Un dangereux champignon détecté dans un hôpital de Longueuil

MONTRÉAL — Un dangereux champignon connu pour sa résistance aux traitements antifongiques a été détecté à l’Hôpital Pierre-Boucher de Longueuil, a confirmé le Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Est (CISSSME).

Le CISSSME précise que deux cas de patients porteurs du Candida Auris ont été dépistés depuis le 8 septembre. Aucun de ces deux patients n’aurait toutefois développé une infection à la dangereuse levure.

À cette date, une première personne suspectée d’être porteuse du champignon a été placée en isolement de même que «tous ses contacts étroits», a confirmé par courriel la conseillère aux relations médias Caroline Doucet.

D’autres mesures de précautions ont aussi été déployées, selon le CISSSME, dont une série de consignes à respecter pour le personnel de l’unité concernée. On parle notamment du port d’équipement de protection personnelle, du lavage des mains et de la désinfection fréquente des surfaces et du matériel touchés.

On assure que tous les patients ayant été en contact avec les deux cas porteurs ont subi des tests de dépistage et le CISSSME estime que l’Hôpital Pierre-Boucher demeure un lieu de soins sécuritaire.

La Direction de santé publique de la Montérégie a dit par communiqué travailler en collaboration avec le CISSS de la Montérégie-Est pour la réalisation de l’enquête épidémiologique liée à cette situation.

Elle affirme que la population ne doit pas hésiter à se rendre à l’hôpital si son état de santé le requiert ou si elle y a affaire.

«L’éclosion de Candida Auris est bien circonscrite dans l’hôpital et les mesures de prévention et de contrôle des infections requises y sont appliquées», soutient la Direction de santé publique de la Montérégie. L’ensemble des activités de l’hôpital se poursuivent, affirme-t-on.

Le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos, a réagi à la nouvelle en disant être préoccupé par la présence de ce pathogène au Québec comme ailleurs au pays. Il dit avoir demandé à la santé publique fédérale d’accélérer la cueillette d’information auprès des provinces afin d’obtenir un meilleur portrait épidémiologique de la situation.

Un microbiologiste-infectiologue spécialisé en mycologie médicale, Dr Simon F. Dufresne, affirme qu’il est tout à fait possible que le Candida Auris soit plus présent qu’on ne le croit. Cependant, il considère que les équipements actuels au Québec permettent d’identifier assez bien les différentes souches de Candida et que jamais jusqu’ici on n’avait détecté la forme Auris.

Tous les experts du milieu s’attendent depuis environ cinq ans à ce que de premiers cas soient signalés dans la province, révèle le Dr Dufresne.

Un article du «Relevé des maladies transmissibles au Canada», datant de novembre 2018, publié par l’Agence de la santé publique du Canada, mettait déjà en garde les médecins contre la présence possible du Candida Auris. On y lance un appel à la vigilance et on y rappelle l’obligation de signaler les cas à la santé publique.

Qu’est-ce que le Candida Auris?

Il s’agit d’une levure (un champignon) identifiée il y a un peu plus d’une décennie, comme l’explique le mycologiste et directeur du Centre d’excellence pour la recherche génétique des maladies infectieuses et immunitaires du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), le Dr Donald Vinh.

D’entrée de jeu, il faut préciser qu’une personne porteuse du Candida Auris ne s’en rendra même pas compte puisque le champignon peut coloniser la peau sans symptômes. La présence du pathogène devient toutefois un grave problème s’il pénètre dans le sang. On parle alors de candidémie.

«Quand ça arrive, ces patients sont dans le trouble!», reconnaît sans détour le Dr Vinh. Les personnes infectées tombent gravement malades. On parle alors de fièvre, de pression sanguine qui chute radicalement, de problèmes respiratoires et même d’organes pouvant défaillir.

Ces patients doivent être rapidement hospitalisés et idéalement traités dans une unité de soins intensifs. L’autre enjeu majeur, c’est que ce champignon résiste aux traitements actuellement connus.

Le Dr Vinh mentionne qu’il existe quatre classes de médicaments antifongiques pour les humains, dont trois qui sont plus fréquemment utilisées parce que la quatrième entraîne des effets secondaires sévères. Le hic, c’est que le Candida Auris présente une résistance aux trois traitements.

«On doit se tourner vers des traitements plus innovateurs, comme des combinaisons d’antifongiques», décrit celui dont les travaux portent sur une autre souche de la famille Candida.

En ce qui concerne la transmission du Candida Auris, le Dr Simon F. Dufresne révèle que l’on nage un peu dans l’inconnu. Si l’on sait que la contamination peut passer par contact direct ou indirect, on n’a pas de données sur la durée d’un contact ou la proximité nécessaire. En revanche, on sait que la transmission se fait assez facilement.

«Ce qu’on voit de l’expérience d’autres pays, c’est que lorsqu’il commence à y en avoir beaucoup dans un hôpital ou dans l’environnement de l’hôpital, y a l’air d’avoir beaucoup de patients qui deviennent colonisés. Alors, ça semble assez persistant et assez facile d’être colonisé s’il y a une éclosion active, mais c’est dur d’être plus précis que ça», observe le spécialiste affilié au Centre de recherche de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont.