Un avenir sombre pour le pétrole canadien dans un monde carboneutre, selon la REC

CALGARY — Une nouvelle modélisation de la Régie de l’énergie du Canada (REC) suggère que la production pétrolière au pays chutera d’ici 2050 si la planète atteint l’objectif de Paris de zéro émission nette de gaz à effet de serre au cours de cet horizon.

Le rapport, publié mardi, présente pour la première fois les perspectives à long terme de l’énergie canadienne en prenant pour référence l’objectif de zéro émission nette.

Il brosse le portrait d’un secteur énergétique radicalement différent, en particulier si le monde parvient à atteindre ses objectifs climatiques pour 2050 et à maintenir le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius.

Dans ce scénario, où les politiques climatiques nationales et mondiales parviennent à réduire les émissions nettes de la planète à zéro, le régulateur canadien de l’énergie indique que l’utilisation mondiale de combustibles fossiles diminuera de 65 % entre 2021 et 2050.

Cela entraînerait un effondrement des prix mondiaux du pétrole, qui tomberaient à 35 $ le baril d’ici à 2030 et à 24 $ le baril d’ici à 2050, selon le rapport.

Celui-ci conclut qu’en raison de ces prix très bas, la production canadienne de pétrole brut tomberait à 1,2 million de barils par jour d’ici 2050, soit 76 % de moins qu’en 2022.

«Dans un monde à consommation nette zéro, non seulement pour le Canada, mais aussi pour le reste de la planète, la dynamique de l’offre et de la demande que nous observons aujourd’hui sera très différente à l’avenir», a déclaré mardi aux journalistes Jean-Denis Charlebois, économiste en chef de la REC.

«Comme la demande d’hydrocarbures sera moindre, les producteurs d’hydrocarbures devront être de plus en plus efficaces dans la gestion de leurs coûts afin de rester compétitifs», a-t-il ajouté.

L’autorité de régulation a également modélisé deux autres scénarios, dont l’un prévoit que le Canada parviendra à un bilan net nul d’ici à 2050, mais que les grands pays en développement comme la Chine et l’Inde progresseront plus lentement.

Selon ce scénario, les prix mondiaux du pétrole resteront probablement supérieurs à 60 $ le baril jusqu’en 2050, alors que la production pétrolière canadienne ne diminuera que de 22 %.

Le rapport a également examiné ce qui se passerait dans le cas où le statu quo demeure, qui suppose qu’il n’y a pas d’efforts supplémentaires pour réduire les émissions au-delà de ce qui est déjà en place, et qu’il n’y a pas d’autres tentatives pour atteindre les objectifs climatiques de Paris.

Dans ce scénario, la production pétrolière canadienne augmenterait pour atteindre 6,1 millions de barils par jour en 2050, soit 20 % de plus qu’en 2022.

Pas des prévisions

M. Charlebois a précisé que les trois scénarios présentés sont des modèles et non des prévisions, et que l’autorité de régulation n’a pas fait de prédictions sur celui qui a le plus de chances de devenir réalité.

«En fin de compte, nous n’émettons pas de commentaires ou d’opinions sur la probabilité que cela se produise, a-t-il indiqué. Il reste à voir si les choses se passeront ainsi dans le monde réel.»

M. Charlebois a toutefois reconnu que, dans le cadre d’un scénario mondial net zéro, la baisse rapide des prix du pétrole obligerait les entreprises canadiennes à réduire de façon draconienne leurs coûts pour rester rentables.

D’après lui, cela pourrait exercer une pression sur les producteurs à coûts plus élevés, en particulier les entreprises de sables bitumineux, qui ont une plus forte intensité de carbone que les producteurs conventionnels et doivent faire face à des coûts plus élevés pour réduire leurs émissions.

«Dans les deux scénarios de zéro net, nous constatons que la production conventionnelle résiste mieux que la production de sables bitumineux», a soutenu M. Charlebois.

L’Alliance Nouvelles voies, un consortium de sociétés d’exploitation des sables bitumineux, s’est engagée à réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Cependant, elle a indiqué que le réseau de captage et de stockage du carbone qu’elle souhaite construire pour atteindre cet objectif coûtera 16,5 milliards $.