Un ancien directeur de la GRC ne pouvait pas dévoiler des secrets, plaide la Couronne

OTTAWA — L’ancien directeur général du renseignement de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) Cameron Jay Ortis a violé la loi canadienne sur les secrets en envoyant des informations sensibles à plusieurs individus qui étaient la cible d’enquêtes de la police, a déclaré mardi une procureure fédérale.

Dans une déclaration liminaire, la procureure de la Couronne, Judy Kliewer, a présenté les grandes lignes du dossier contre M. Ortis, alors qu’un procès de plusieurs semaines devant juge et jury s’est ouvert, mardi, devant la Cour supérieure de l’Ontario.

En tant que haut responsable du renseignement de la GRC, M. Ortis avait accès à certaines des informations les plus confidentielles du pays.

Il est accusé d’avoir violé la Loi sur la protection de l’information en ayant prétendument révélé des secrets à trois personnes en 2015 et en ayant tenté de le faire dans un quatrième cas, ainsi que d’abus de confiance et d’infraction informatique.

M. Ortis, 51 ans, a plaidé non coupable à toutes les accusations.

Il a été placé en détention à Ottawa en septembre 2019, après une arrestation qui a profondément choqué la police nationale.

Me Kliewer a donné au jury une idée de la façon dont l’affaire a commencé, soulignant qu’un effort de la GRC connu sous le nom de Projet Saturation a révélé que des membres d’organisations criminelles utilisaient les appareils de communication cryptés d’une entreprise basée en Colombie-Britannique, Phantom Secure Communications.

La police fédérale américaine (FBI) a arrêté Vincent Ramos, président-directeur général de Phantom Secure, en mars 2018. En octobre de la même année, il a plaidé coupable d’avoir utilisé ses appareils Phantom Secure pour faciliter la distribution de drogues, notamment de cocaïne, au Canada, aux États-Unis et dans d’autres pays.

En examinant les dossiers saisis, la GRC est tombée sur des informations «étranges et alarmantes» : un courriel adressé à Ramos, provenant d’un expéditeur inconnu, contenant des parties de dix documents de la GRC, a déclaré Me Kliewer. L’expéditeur a proposé de fournir à Ramos les documents complets en échange de 20 000 $.

Des enquêtes plus approfondies, y compris l’analyse d’une clé de mémoire cryptée, ont éventuellement amené la GRC à conclure que M. Ortis avait communiqué des secrets à Ramos, a affirmé Me Kliewer au tribunal.

La Couronne devrait également faire valoir que M. Ortis a fourni des secrets à des individus qui faisaient l’objet d’une enquête pour des liens présumés avec une opération internationale de blanchiment d’argent.

Me Kliewer a affirmé que M. Ortis n’avait pas l’autorité pour le faire, ajoutant que rien n’indiquait qu’il avait transmis l’information dans le cadre d’une sorte d’opération d’infiltration.

Les accusations portées contre M. Ortis soutiennent qu’il a communiqué des «informations opérationnelles spéciales» sans autorisation, alors qu’il était désigné comme une personne «tenue en permanence au secret» – une catégorie qui inclut de nombreux responsables de la communauté canadienne de la sécurité et du renseignement.

À l’époque, M. Ortis était en formation linguistique après avoir été directeur d’une unité de recherche opérationnelle composée d’analystes. À son retour en 2016, il devient directeur général du Centre national de coordination du renseignement de la GRC.

La Couronne a suggéré, mardi, que le commissaire de la GRC, Mike Duheme, et l’ancien patron de la GRC, Bob Paulson, pourraient être témoins au procès.

La sélection du jury s’est déroulée rapidement, permettant aux remarques liminaires de l’affaire de commencer dans l’après-midi, mardi.

M. Ortis est libéré sous caution sous des conditions strictes, mais il a passé de nombreux mois enfermé dans une prison d’Ottawa.

L’affaire a progressé tandis que des procédures parallèles se déroulaient devant la Cour fédérale concernant des informations sensibles.

L’avocat initial de la défense de M. Ortis a été nommé juge l’année dernière, ce qui a entraîné un changement d’avocat qui a également retardé les procédures.