Un an après les excuses du pape, des communautés autochtones attendent réparation

Phil Fontaine a eu un an pour réfléchir depuis qu’il a entendu les excuses du chef de l’Église catholique romaine pour lesquelles l’ancien chef national de l’Assemblée des Premières Nations s’était battu une grande partie de sa vie.

«Sans excuses, il serait impossible de pardonner, déclare M. Fontaine après avoir pris quelques instants pour contempler le moment historique. Et sans pardon, il ne peut y avoir de véritable guérison.»

Cette semaine marque un an depuis l’arrivée du pape François au Canada. Celui-ci avait présenté ses premières excuses à Maskwacis, une communauté crie au sud d’Edmonton, devant des milliers de survivants, de dirigeants et de membres de la communauté.

Le pape François avait dit qu’il était désolé pour le rôle de l’Église catholique romaine dans la destruction culturelle et l’assimilation forcée des peuples autochtones, qui ont abouti aux pensionnats.

Le pontife avait présenté de nouvelles excuses alors qu’il faisait escale en Alberta, au Québec et au Nunavut au cours de la tournée de six jours. Lors de son vol de retour à Rome, en réponse à la question d’un journaliste, le pape avait déclaré que les abus auxquels les peuples autochtones étaient confrontés constituaient un génocide.

Réponse mitigée

Ces excuses ont rencontré une réponse mitigée. De nombreux Autochtones ont dit que c’était nécessaire, en particulier pour les survivants des pensionnats, car cela signifiait que le chef de l’Église catholique reconnaissait enfin que des torts avaient été commis.

Certains ont reproché à François de ne pas aller assez loin. D’autres pensaient que les peuples autochtones et les organisations devraient se désengager complètement de l’Église parce qu’ils y avaient consacré suffisamment d’énergie. Beaucoup ont appelé à des actions, pas à des paroles.

Pour M. Fontaine, les excuses étaient extrêmement importantes.

Les abus à l’intérieur des écoles sont longtemps passés sous silence à l’échelle nationale, mais M. Fontaine a rompu le silence en 1990 lorsqu’il a parlé de ses propres expériences au pensionnat de Fort Alexander au Manitoba.

Environ 150 000 enfants autochtones ont été forcés de fréquenter des pensionnats. Plus de 60 % des écoles étaient gérées par l’Église catholique.

M. Fontaine était allé au Vatican en 2009 pour rencontrer Benoît, qui était alors le pontife, et avait demandé des excuses, en vain.

M. Fontaine s’est de nouveau rendu au Vatican avec une délégation autochtone, l’année dernière. Cette fois, le pape François a présenté ses premières excuses et s’est engagé à apporter son expiation au Canada.

Les excuses n’ont peut-être pas été acceptées par tout le monde, mais la demande de pardon de François n’est qu’une partie du chemin que l’Église doit entreprendre, croit M. Fontaine.

«Nous avons reçu les excuses chacun à notre manière en tant qu’individus, dit-il. Et nous décidons en tant qu’individus si nous voulons pardonner.»

Le long chemin de la réconciliation

Donald Bolen, l’archevêque de Regina, a décrit la visite papale et les excuses comme «donnant la vie». Mais lorsque le pape François est parti, selon lui, il est devenu encore plus important pour l’Église d’agir.

« Le vrai travail de réconciliation se fait jour après jour sur le terrain, croit-il. Nous sommes sur un long chemin de réconciliation.»

Le pape François avait demandé aux catholiques canadiens de s’engager à quatre choses : veiller à ce que l’histoire soit racontée de manière véridique; soutenir la langue, la culture et les traditions autochtones; être un allié dans la poursuite de la justice; et apprécier la sagesse autochtone pour prendre soin de la terre et de l’environnement.

«C’est plus facile de le dire que de le faire», croit Mgr Bolen.

Celui-ci a réfléchi sur ce que l’Église a accompli au cours des 12 derniers mois. De nombreux diocèses, dont le sien, ont travaillé sur l’accès aux archives. Il y a eu un soutien financier pour les camps culturels et une campagne nationale de financement par la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Plus tôt cette année, le Vatican a officiellement dénoncé les bulles papales du XVe siècle utilisées comme base de la doctrine de la découverte, qui légitimaient la saisie des terres autochtones.

Mgr Bolen dit que la tâche quotidienne difficile pour les églises au niveau local sera d’établir des relations avec les peuples autochtones, d’écouter profondément et d’apprendre à marcher ensemble pour améliorer la société.

Mais l’archevêque reconnaît que tous les catholiques non autochtones ne se sont pas engagés de la même manière en faveur de la réconciliation. Les changements dans la société se produisent sur une longue période.

«Les gens sont à différents endroits du voyage», dit-il.

«Mauvais parents»

Paul Gareau, doyen associé en études autochtones à l’Université de l’Alberta, dit qu’il se sent «un peu confus et peut-être un peu plein d’espoir», un an après les excuses.

M. Gareau, un Métis originaire de Batoche Homeland en Saskatchewan, dit qu’il s’est senti «estomaqué» en voyant François participer au pèlerinage du lac Ste-Anne portant une ceinture métisse rouge autour du cou.

Dans la relation historique entre les catholiques et les peuples autochtones, M. Gareau dit que l’Église a agi «comme de mauvais parents», rendant les trahisons encore plus dévastatrices.

«L’Église doit réfléchir à la manière d’être un bon parent», dit-il.

Le pape François a déclaré dans ses excuses que le plus grand mal est l’indifférence, alors il appartient maintenant à l’institution catholique de travailler à raser 400 ans d’une mentalité coloniale envers les peuples autochtones, estime M. Gareau.

Ce dernier a souligné le concile Vatican II, qui a considérablement modernisé les pratiques de l’Église pour répondre aux changements culturels du début des années 1960. Tout le monde n’a pas immédiatement adopté les changements structurels, mais cela a finalement révolutionné l’Église.

Le souverain pontife dirige le navire dans la direction de la réconciliation, rappelle M. Gareau. Toutefois, l’Église doit maintenant reconnaître la souveraineté autochtone, ce qui signifie s’engager dans des relations diplomatiques et restituer des terres.

Cela signifie également changer le cœur et l’esprit des catholiques et éliminer le racisme structurel anti-autochtone — un travail qui ne peut pas et ne doit pas compter sur les peuples autochtones.