Tuerie en N.-É.: un agent a eu une impression d’ingérence politique dans l’enquête

HALIFAX — Un membre supérieur de la GRC dit qu’il croit que de l’ingérence politique a été à l’origine de la décision de la commissaire de la GRC, Brenda Lucki, de demander à la police de publier des détails sur les armes utilisées lors de la tuerie de masse en Nouvelle-Écosse.

Le surintendant Chris Leather a fait ce commentaire jeudi lors de l’enquête publique sur la tuerie qui a fait 22 morts les 18 et 19 avril 2020. Il a tenu ces propos dans le cadre du contre-interrogatoire par Tom MacDonald, un avocat qui représente deux membres de la famille des victimes.

M. MacDonald a demandé à M. Leather s’il croyait, à la suite d’une téléconférence avec Mme Lucki à laquelle il avait participé peu après la fusillade, que les commentaires de la commissaire reflétaient une ingérence politique dans l’enquête criminelle en cours à l’époque.

M. Leather a répondu «c’est mon impression», et il a dit qu’il en était arrivé à cette conclusion après avoir rassemblé les faits sur la «préparation» à la rencontre avec Mme Lucki.

Le surintendant en chef de la GRC Darren Campbell a allégué que lors d’une réunion le 28 avril 2020, Mme Lucki a déclaré qu’elle avait promis au bureau du premier ministre que les informations sur les armes à feu seraient publiées en lien avec la «loi en attente sur le contrôle des armes à feu» du gouvernement libéral.

Le gouvernement libéral était en train de concevoir de nouvelles mesures de contrôle des armes à feu pour réduire l’accès aux armes semi-automatiques dans les semaines qui ont suivi la fusillade de masse. MM. Campbell et Leather ont tous deux témoigné cette semaine que la divulgation des informations sur les armes à feu aurait interféré avec l’enquête cherchant à déterminer qui avait fourni au tueur les armes semi-automatiques.

M. Leather, qui est le chef des opérations criminelles en Nouvelle-Écosse, a témoigné mercredi qu’il avait reçu un appel dans la soirée du 22 avril – trois jours après la fusillade de masse – de Mme Lucki et qu’elle lui avait demandé de lui envoyer des détails sur les armes. Le surintendant a déclaré qu’une liste d’armes à feu qu’il avait envoyée à Mme Lucki était uniquement à des fins internes.

La déclaration de M. Leather au sujet de l’appel du 22 avril avec la commissaire Lucki et d’une série de courriels qui ont suivi n’avait pas été évoquée lors d’un entretien du 6 juillet avec des avocats chargés de l’enquête.

Lors du contre-interrogatoire jeudi par Michael Scott – un avocat qui représente la majorité des familles des victimes – M. Leather a déclaré qu’il n’avait pas discuté de l’appel avec Mme Lucki ou des courriels du 6 juillet parce que les avocats du ministère fédéral de la Justice lui avaient suggéré de prendre «une posture réactive».

«Le conseil que j’ai reçu était de ne pas divulguer de manière proactive la conversation (avec Mme Lucki) et les courriels menant à la réunion du 28 avril (2020)», a déclaré M. Leather.

«Je savais d’après mes notes et mes courriels que j’avais préparés et soumis que c’était évidemment pertinent pour ce qui allait devenir le tristement célèbre appel téléphonique (réunion) du 28 avril (…) et j’en étais troublé et je voulais leurs conseils et on m’a conseillé de prendre une posture réactive», a-t-il dit.

Lori Ward, une avocate du ministère fédéral de la Justice et de la GRC, a déclaré aux commissaires jeudi qu’elle pensait qu’il y avait eu un «malentendu» de M. Leather au sujet de cet avis. Elle a dit qu’elle et un autre avocat fédéral avaient compris que M. Leather avait un document relatif à la réunion du 28 avril 2020 avec Mme Lucki qu’ils devaient examiner, car il pouvait contenir des informations privilégiées.

«À aucun moment nous avons conseillé (au surintendant) Leather de ne pas en parler et de ne pas dire la vérité», a-t-elle déclaré.

Me Ward a déclaré que le document en question, qu’elle n’a pas décrit en détail, sera bientôt divulgué à l’enquête.

Mme Lucki a nié toute ingérence dans l’enquête policière. Elle a témoigné lundi devant un comité de la Chambre des communes qu’elle ne se souvenait pas avoir dit au ministre de la Sécurité publique de l’époque, Bill Blair, qu’elle avait «promis» de divulguer les détails sur les armes à feu. Elle a dit qu’elle se souvenait d’avoir utilisé des mots différents avec M. Blair.