Trois ans après la mort de Joyce Echaquan, une marche s’est tenue en sa mémoire

MONTRÉAL — Trois ans jour pour jour après la mort de Joyce Echaquan sous une pluie d’insultes racistes au Centre hospitalier régional de Lanaudière, sa mémoire a été honorée, jeudi soir, lors d’une marche à Joliette. 

Les participants à la marche commémorative se sont réunis sur le coup de 18h devant le Centre d’amitié autochtone de Lanaudière. Le conjoint de Mme Echaquan, Carol Dubé, et le chef du Conseil des Atikamekw de Manawan, Sipi Flamand, ont pris part à l’événement. 

Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, a souligné le message de détermination laissé par Joyce Echaquan.

«Ce que nous faisons tous et toutes, c’est de porter son courage. (…) Nos enfants naissent dans l’adversité, et ça, je n’apprends rien à personne. Mais ce qu’on sait moins, c’est que l’adversité bâtit et construit la résilience. L’adversité ajoute à notre détermination. C’est aussi le message que notre soeur Joyce nous a laissé il y a trois ans maintenant», a-t-il déclaré, soulignant que le Principe de Joyce est devenu un «principe phare qui devrait inviter l’ensemble des gouvernements à se mobiliser comme nous le faisons ce soir».

«Au lieu de cela, il y a le pouvoir politique qui a choisi de s’isoler dans un déni tout à fait inacceptable, que le racisme systémique existe, que nos populations ont besoin de cette garantie d’une sécurisation culturelle qui reconnaît leur réalité», a-t-il ajouté.

Mme Echaquan, une femme atikamekw de 37 ans, a dévoilé au Québec, le 28 septembre 2020, le traitement qu’elle recevait à l’hôpital situé à Joliette, au moyen d’une vidéo diffusée en direct sur Facebook dans laquelle on entendait des employés de l’établissement l’insulter, peu de temps avant son décès tragique. 

La coroner Géhane Kamel a statué dans son rapport concernant les causes et les circonstances du décès de Mme Echaquan, déposé en septembre 2021, que «le racisme et les préjugés auxquels Mme Echaquan a fait face ont certainement été contributifs à son décès». Le rapport conclut toutefois que le décès était accidentel. 

La mort de la mère de huit enfants, originaire de Manawan, ne doit pas être oubliée, martèle Jennifer Petiquay-Dufresne, directrice générale du Bureau du Principe de Joyce, qui a participé à l’organisation de la marche. 

«C’est important ce devoir de mémoire-là envers la femme qu’elle était, ce qu’elle faisait dans la communauté, qui elle était comme femme, comme mère, comme personne en général, et de dire: comment on s’allie ensemble pour que les choses changent à partir d’aujourd’hui?», affirme Mme Petiquay-Dufresene, en entrevue. 

«Dans la communauté c’est encore très marquant. Ce sont des situations qui arrivaient avant Joyce (et) qui continuent d’arriver depuis Joyce», a-t-elle indiqué, soulignant que des événements de discrimination envers des personnes autochtones dans le réseau de la santé sont rapportés au Bureau du Principe de Joyce «toutes les semaines». 

Le Bureau a ouvert ses portes au mois de juillet dernier, à Manawan. L’organisation a pour but de faire appliquer le Principe de Joyce, qui vise à «garantir à tous les Autochtones un droit d’accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle», peut-on lire sur le site web du Bureau. 

«On a plusieurs projets qui sont en cours, dont on espère pouvoir commencer à parler plus amplement vers la fin de l’automne, début de l’hiver», déclare la directrice générale du Bureau. Mme Petiquay-Dufresne précise que ces projets «vont avoir des répercussions concrètes pour la sécurité et l’équité d’accès en santé pour les personnes autochtones». 

Le Bureau poursuit également sa mission concernant la promotion et l’adoption du Principe de Joyce auprès de différents partenaires, autant dans les domaines de la santé, des ressources éducationnelles et des différents ordres de gouvernement. 

Le gouvernement du Québec ne reconnaît pas le racisme systémique, et n’a pas adopté le Principe. 

Pour Mme Petiquay-Dufresne, pour s’attaquer à la discrimination, «il faut qu’on reconnaisse le problème, et il faut qu’on puisse aller de l’avant avec ça». 

Le Bureau du Principe de Joyce est toutefois porteur d’espoir. «On a espoir que les droits des personnes autochtones puissent être respectés dans un avenir à court et moyen-terme», soutient-elle. 

Des performances musicales de Laura Niquay et de Mikon Niquay Ottawa ont été présentées lors de l’événement en l’honneur de Mme Echaquan, qui visait à «honorer sa vie». 

-Avec des informations d’Ugo Giguère et de Jean Philippe Angers