Transport en commun: Québec offre 265 millions $, la CMM veut les «chiffres réels»

QUÉBEC — Le gouvernement Legault a déposé vendredi une «offre finale» aux villes pour éponger les déficits anticipés des 10 sociétés de transport en commun du Québec en 2024, mais les municipalités de la région métropolitaine de Montréal demandent plus. 

Pour un déficit estimé au total à 424 millions $ pour l’ensemble des sociétés de transport au Québec, les villes obtiendront 265 millions $, assortis d’un examen externe de leur gestion: le gouvernement leur impose ainsi un audit de performance, de même qu’à l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), en vue d’améliorer leur fonctionnement.

Mais après une rencontre en après-midi, les maires de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) ont invité la ministre à «se baser sur les chiffres réels du déficit anticipé».

En conférence de presse vendredi matin, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, s’est targuée de couvrir 70 % des déficits prévus en 2024, non pas sur les 424 millions $ calculés par les villes, mais sur son estimation à 376,4 millions $, après efforts d’optimisation, etc.

«Solidaires, les municipalités de la région métropolitaine prennent néanmoins acte et accueillent favorablement l’engagement du gouvernement de payer 70 % du déficit des sociétés de transport pour l’année 2024, en réitérant que cette entente doit être établie sur la base du déficit réel», peut-on lire dans un communiqué transmis par la CMM en fin de journée.

Les villes de la CMM reprochent notamment à la ministre d’exclure de ses calculs du déficit «les sommes réservées au développement de l’offre de service».

Concernant les risques de diminution de services brandis par les municipalités, Mme Guilbault a dit en matinée qu’il reviendra aux sociétés de transport de trancher.

«C’est à eux de prendre leurs décisions», a-t-elle déclaré en conférence de presse à Québec pour présenter son «offre finale». 

Elle leur a toutefois suggéré d’«adapter l’offre» aux nouvelles habitudes post-pandémie des usagers et elle a critiqué les menaces de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, de réduire les heures de fonctionnement du métro.

«Gouffre sans fin»

À l’origine, les villes demandaient de l’aide au gouvernement pour faire face à un déficit projeté estimé à 2,5 milliards $ sur cinq ans, mais la ministre a finalement souhaité régler d’abord le trou financier de l’année 2024.

Elle a laissé entendre qu’il devra y avoir des discussions par la suite pour qu’on en vienne à une entente sur cinq ans, afin d’éviter des règlements in extremis à la fin de l’année au moment où les villes bouclent leur budget.  

«C’est un gouffre sans fin», a-t-elle déploré. 

«Ce n’est pas fonctionnel, ce n’est pas réaliste. Ça ne peut pas être que le gouvernement vous envoie 2,23 milliards $ sans plus de solutions. On ne peut pas seulement envoyer de l’argent à l’arraché. (…) Ce sont les mêmes contribuables qui paient.»

Les administrateurs devront par conséquent revoir leurs budgets et la ministre les a appelés à entreprendre des efforts de rationalisation, trouver des revenus, réaffecter des dépenses.  

«Ils gèrent leurs affaires. À partir du moment que tu invoques l’autonomie municipale, il y a une responsabilité qui vient avec ça. Tu adoptes un budget, tu en es responsable. Quand il y a des déficits, on ne peut pas dire: quelqu’un va payer ma facture.»

La part du lion à la région métropolitaine

Sur l’enveloppe de 265 millions $, 238 millions $ iront à la région métropolitaine, dont 20 millions $ qui devront être affectés aux services des couronnes nord et sud.

Les autres sociétés de transport du Québec se partageront les 27 millions $ restants.  

Québec avait proposé au départ de couvrir 20 % du déficit résiduel des sociétés de transport en commun pour la période 2024-2028, une proposition que les villes jugeaient inacceptable et insuffisante pour maintenir la fréquence des services.

La ministre estime que 18 % des déficits anticipés des sociétés de transport provient de la baisse d’achalandage qui a suivi la pandémie, mais l’autre part de 82 % constitue un déficit structurel auquel il faut s’attaquer.

«On est mûr pour un examen», a-t-elle plaidé, après des décennies d’un modèle de financement qu’il faut réviser en fonction des nouvelles réalités d’après la pandémie.

Audit de performance

L’audit de performance offrira des pistes de solutions. La ministre veut que «cela aille vite», qu’un cabinet qui fait déjà affaire avec le gouvernement soit mandaté ou qu’il y ait un appel d’offres dans les meilleurs délais.

«Je vois d’un bon oeil que ce soit la même firme qui le fasse pour les 11 organismes pour qu’ainsi il y ait une cohérence dans la méthodologie», a-t-elle détaillé.

Elle s’attend à un «diagnostic réel» et des recommandations qui pourraient aussi aborder la complexité de la gouverne du transport en commun dans la région métropolitaine.

«Est-ce qu’ils vont nous arriver en nous disant: ‘tout va bien, tout est parfait’? J’en doute, mais ça se peut.»

Un audit de performance est un examen indépendant d’activités et de programmes d’une entité, dans le but de mesurer et d’améliorer la gestion des ressources. 

L’organisme qui représente les sociétés de transport, l’Association du transport urbain du Québec (ATUQ), n’a pas donné suite à nos demandes d’entrevue.