Témoignage du policier de la SQ qui avait tué par balle un adolescent à Lac-Brome

SHERBROOKE, Qc — Le policier de la Sûreté du Québec qui a tué par balle un adolescent à Lac-Brome, en Estrie, affirme que le jeune homme représentait clairement un danger pour les policiers.

Joël Desruisseaux a déclaré mercredi à l’enquête de la coroner sur la mort de Riley Fairholm qu’un de ses collègues avait demandé à plusieurs reprises à l’adolescent de déposer son arme. Il a ajouté qu’il n’y avait aucun signe que la situation pourrait être désamorcée.

Il a témoigné avoir eu peur pour ses collègues et leurs vies et que l’adrénaline était au maximum. Il a ajouté qu’il n’y a pas eu de désescalade, qu’à partir du moment où il a posé le pied sur l’asphalte, l’adolescent pointait son arme partout et était agité. 

L’interaction entre Riley Fairholm, âgé de 17 ans, et les policiers de la SQ au petit matin du 25 juillet 2018 a duré un peu plus d’une minute, avant que l’agent Desruisseaux ne tire une balle à la tête de l’adolescent, dans le stationnement d’un restaurant abandonné. 

On a appris jusqu’ici à l’enquête de la coroner que la police ne savait pas que l’adolescent, peu de temps avant qu’il compose lui-même le 9-1-1, avait laissé à ses parents une note annonçant qu’il allait se suicider.

L’agent Desruisseaux a indiqué mercredi que les policiers qui avaient répondu à l’appel ne savaient pas non plus que l’arme tenue par l’adolescent était en fait un pistolet à air comprimé, et non une arme de poing.

Il a ajouté qu’il croit avoir été patient, que ses collègues et lui ont tenté de désamorcer la situation. Il dit avoir essayé de répéter l’ordre à Riley Fairholm de laisser tomber son arme, qu’ils étaient menacés dès le début et qu’ils auraient pu être blessés mortellement. 

Les six policiers qui sont intervenus cette nuit-là ont affirmé que l’adolescent se déplaçait de manière erratique, criant et balayant l’arme autour de lui, mais n’a jamais pointé un d’entre eux directement. 

Certains d’entre eux ont témoigné avoir entendu Riley Fairholm dire qu’il avait planifié cette journée depuis cinq ans. 

La coroner Géhane Kamel a fait preuve de scepticisme à plusieurs reprises, mercredi, sur le fait que les policiers semblent tous l’avoir entendu prononcer cette phrase, mais rien d’autre. 

Elle a questionné le policier Claude Charest à ce sujet, disant qu’il l’entendait crier sans savoir ce qu’il faisait, qu’il aurait pu dire «aidez-moi» et que personne ne l’aurait entendu. 

Elle a concédé que la situation était tendue en raison de la présence d’une arme, mais que les policiers n’avaient pas tenté de calmer Riley Fairholm. 

Les membres de la SQ ont affirmé qu’ils craignaient pour leur sécurité et que la possibilité que l’adolescent soit suicidaire ne leur était pas venue à l’esprit. 

Les agents Desruisseaux et Charest ont témoigné mercredi qu’ils étaient prêts à tirer. L’agent Desruisseaux a estimé qu’il s’est écoulé 15 à 20 secondes entre le moment où il a visé l’adolescent et celui où il a tiré, ajoutant que le stationnement était faiblement éclairé et que Riley Fairholm portait des vêtements sombres. 

L’agent Charest a dit qu’il était également prêt à ouvrir le feu, mais que son collègue l’avait fait en premier. 

Guillaume Marion, un des autres policiers présents ce soir-là, a précisé que de nombreux détails ne se sont révélé qu’après coup, notamment que Riley Fairholm était un adolescent. 

Il a également contredit le témoignage d’une collègue, Geneviève Racine. La veille, cette dernière a affirmé que l’agent Marion avait senti le pouls de Riley Fairholm et donc choisi de ne pas pratiquer de manœuvres de réanimation. Au contraire, l’agente a dit n’en avoir pas senti et, compte tenu de la blessure à la tête, avait conclu que l’adolescent était mort. 

Un ambulancier paramédical, Brandon Rodrigue, a quant à lui indiqué qu’il n’avait pas trouvé de pouls à Riley Fairholm, ni à son arrivée sur les lieux, ni lors du transport à l’hôpital. 

M. Rodrigue a déclaré que l’adolescent saignait à la tête et ne respirait pas. Il a demandé à un premier répondant sur place de commencer un massage cardiaque. Cependant, il a ajouté que, compte tenu de la blessure, il était peu probable que commencer les manœuvres de réanimation plus tôt aurait changé le résultat. 

La fusillade a fait l’objet d’une enquête du Bureau des enquêtes indépendantes du Québec (BEI), et le Directeur des poursuites criminelles et pénales a ensuite décidé de ne pas porter d’accusations.

La famille de Riley Fairholm critique le travail de la police et du BEI pour leur manque de transparence dans ce dossier.

Plusieurs policiers de la SQ doivent témoigner dans le cadre de cette enquête présidée par la coroner Géhane Kamel, au palais de justice de Sherbrooke.