Requête d’un employeur pour révoquer un syndicat sans consentement; la juge perplexe

MONTRÉAL — Une juge du Tribunal administratif du travail s’est montrée perplexe lorsqu’elle a été amenée à trancher une requête en révocation d’un syndicat présentée… par l’employeur qui s’était «arrogé l’identité» d’une salariée pour signer la requête en son nom, sans son consentement.

La juge administrative Marie-Claude Grignon avait été saisie d’une requête du nom d’une salariée pour révoquer l’accréditation syndicale au «Centre Wei Kang pour aider les personnes âgées». On y alléguait que le syndicat avait cessé d’exister et qu’il ne représentait plus la majorité absolue des salariés qui faisaient partie de l’unité de négociation pour laquelle il avait été accrédité le 20 novembre 2020.

Lors de l’audience, «l’employeur confirme que cette requête a été signée par l’un de ses représentants et qu’il croyait que la salariée en question était d’accord pour déposer cet acte de procédure au tribunal», relate la juge administrative.

Or, la salariée en question a indiqué au tribunal «qu’elle n’a aucunement transmis la requête en révocation», qu’elle ne souhaite pas procéder au dépôt et que «la signature qui y est apposée n’est pas la sienne».

«Le représentant de l’employeur s’est en quelque sorte arrogé l’identité de (la salariée) pour signer un acte introductif en son nom, et ce, sans son consentement», ajoute la juge administrative.

Elle s’est montrée perplexe devant cette façon de procéder. «Le Tribunal ne peut cautionner cette façon de faire de l’employeur et ne peut valablement se saisir d’un acte de procédure ainsi vicié. Cela suffit en soi pour rejeter la requête en révocation», écrit-elle.

«Il y a par ailleurs lieu de souligner la grande préoccupation du Tribunal devant ce procédé retenu par l’employeur et le caractère nocif d’une telle conduite sur les relations du travail au sein de l’entreprise», ajoute-t-elle.

La requête a donc été rejetée. Qui plus est, elle n’avait pas été déposée en temps opportun.

«Le Tribunal conclut qu’il ne peut valablement se saisir de la requête en révocation, car elle a été déposée sans le consentement de la personne identifiée à titre de requérante. Par ailleurs, même si cela avait été le cas, cette requête devrait être rejetée, puisqu’elle n’a pas été déposée en temps opportun.»

L’employeur avait aussi argué que le syndicat avait «harcelé ses salariés» en tenant des réunions syndicales sur les lieux de travail sans son consentement, au moment de l’accréditation.

Là encore, la requête a été rejetée. «Cette accréditation a déjà été rendue et la décision est finale. Le Tribunal ne peut, à ce stade-ci, remettre en question sa validité en raison d’une insatisfaction de l’employeur quant au comportement qu’aurait eu le syndicat avant que celle‑ci ne soit délivrée», tranche la juge administrative Grignon.