Québec déploie un plan d’action pour réduire le nombre d’accidents de la route

MONTRÉAL — Québec veut mettre un frein aux accidents de la route avec un nouveau plan d’action qui comprend notamment l’ajout de radars photo, une limite de vitesse de 30 km/h dans toutes les zones scolaires et des amendes plus sévères. 

Ce sont quelques-unes des 27 mesures présentées par la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, mardi matin à Montréal, accompagnée du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville. La stratégie est assortie d’une enveloppe de plus de 180 millions $. 

Le bilan routier de la province a été peu reluisant en 2022: 392 décès, en hausse de 13 % par rapport à 2021, selon les données de la Société de l’assurance automobile du Québec (SSAQ). 

«On a eu aussi plus de blessés graves, plus de blessures légères l’année dernière que par rapport aux années précédentes. Le bilan s’est alourdi en 2022. On se devait d’agir», a affirmé Mme Guilbault en conférence de presse. 

Selon elle, l’enjeu de la sécurité routière s’est «réimposé» dans l’espace public après la mort de Maria Legenkovska, une réfugiée ukrainienne de 7 ans happée par un chauffeur alors qu’elle se rendait à l’école à Montréal, en décembre dernier. 

La ministre caquiste prévoit déposer à l’automne un projet de loi «qui sera la courroie pour une foule de mesures».

Parmi celles-ci figure une hausse des amendes et des points d’inaptitude pour certaines infractions, principalement celles commises envers les piétons et les travailleurs sur les chantiers routiers. L’augmentation sera établie par la SAAQ. 

Les modifications législatives comprendront aussi une bonification des radars photo et la manière dont ceux-ci sont gérés. Le Québec en compte seulement une cinquantaine, dont la moitié peuvent être déplacés, a fait remarquer Mme Guilbault. 

La ministre ne s’est pas avancée sur le nombre de nouveaux radars, mais souhaite une augmentation «significative» de ces dispositifs. 

Mme Guilbault souhaite revoir la technologie utilisée — un appel de propositions a été lancé en ce sens — de même que la gouvernance entourant les radars de façon à libérer des ressources policières et judiciaires qui traitent les constats d’infraction. 

Limite de 30 km/h

Le plan s’échelonnant sur cinq ans accorde également une attention particulière aux abords des écoles. 

En plus d’ajouter des radars photo, Mme Guilbault vise l’implantation d’une limite de vitesse de 30 km/h dans toutes zones scolaires. Bien que cette règle s’applique déjà pour la grande majorité des écoles, la loi permet encore une limite de 50 km/h aux alentours de celles-ci. 

Certaines exceptions seront autorisées, mais elles devront faire l’objet d’une réglementation municipale.

Qui plus est, le gouvernement Legault entend étendre la période d’application du 30 km/h en dehors du calendrier scolaire, puisque ces zones sont aussi considérées comme des milieux de vie, a soutenu Mme Guilbault.

Les municipalités auront aussi une obligation d’avoir des «aménagements sécuritaires» pour les piétons et les cyclistes. 

Un guide de conception et des moyens financiers seront mis à la disposition des municipalités pour les accompagner dans ces aménagements. Québec réserve un montant de 140 millions $ aux villes pour la réalisation de projets. 

Une mise à jour est aussi prévue pour le guide «Redécouvrir le chemin de l’école». «Il va introduire des normes favorables aux déplacements piétonniers sécuritaires, pas juste pour les élèves, mais aussi pour les aînés et les personnes qui sont handicapées», a indiqué M. Drainville. 

Le plan d’action repose sur l’approche «Vision zéro» déjà implantée à Montréal et qui vise à éliminer tous les décès liés aux collisions routières. 

Le gouvernement prévoit par ailleurs réactiver la Table d’action concertée en sécurité routière afin d’assurer un suivi sur l’application des mesures prévues au plan d’action. 

«Un pas dans la bonne direction»

Plusieurs intervenants du milieu de la sécurité routière saluent dans son ensemble le plan de Québec, bien qu’ils y voient des améliorations possibles. 

«Un pas dans la bonne direction», a commenté Piétons Québec, qui applaudit l’adoption de l’approche «Vision zéro». 

«Notre principale déception concerne l’absence d’un message clair sur la volonté du MTMD (ministère des Transports et de la Mobilité durable) de faire preuve d’exemplarité de l’État en intégrant systématiquement les besoins des piétons sur ses propres routes», a toutefois déclaré la directrice générale de Piétons Québec, Sandrine Cabana-Degani, dans un communiqué. 

Un avis partagé par Québec solidaire. Le porte-parole du parti en matière de transports, Etienne Grandmont, déplore l’absence de responsabilité du ministère pour son propre réseau qui compterait, avance-t-il, pas moins du deux tiers des accidents mortels. 

«Or tout ce qui est proposé aujourd’hui relève du diagnostic. Le ministère doit prendre ses responsabilités et proposer des aménagements sécuritaires, à ses frais, sur toutes ses routes qui traversent les villes et villages», a affirmé M. Grandmont, dans un communiqué.

D’après une porte-parole de Vélo fantôme, Séverine Lepage, le plan est ambitieux et comporte de «très bonnes mesures». Cependant, elle reproche que la limite de 30 km/h s’applique seulement aux zones scolaires. 

«Une ville au complet, c’est une zone scolaire si on compte le fait que les enfants y vivent et s’y déplacent à temps plein. Toutes les personnes ont le droit de se déplacer comme il faut. Il y a moyen de sécuriser tous les quartiers denses», a dit Mme Lepage, en entrevue. 

Elle était présente à la conférence de presse avec d’autres membres du collectif Pas un mort de plus, mis sur pied par des parents à la suite de la mort de la petite Maria.  

Vélo Québec mentionne, pour sa part, que le ministère «semble vouloir assurer un réel leadership sur la question de la sécurité routière». Mais l’organisation aurait souhaité que la stratégie aborde la question de la taille croissante des véhicules, puisqu’il s’agit d’«un facteur contributif important dans la gravité des blessures lors de collisions impliquant des véhicules», dit-elle par voie de communiqué. 

Le milieu des signaleurs routiers a aussi réagi aux intentions de Québec. Le Syndicat des Métallos, qui représente plus de 1000 travailleurs de la signalisation routière au Québec, presse le gouvernement «d’implanter les mesures le plus rapidement possible». 

Le syndicat demande de doubler les amendes et les points d’inaptitude pour les infractions commises dans les zones de chantiers routiers. 

L’Association québécoise des entrepreneurs en infrastructure estime que «les mesures présentées sont ancrées dans la réalité vécue par les travailleurs et les signaleurs de chantier et permettront d’accroître concrètement leurs conditions et leur sécurité en milieu de travail».

Chez CAA-Québec, la vice-présidente affaires publiques et responsabilité sociétale, Sophie Gagnon, espère que l’action gouvernementale en sécurité routière va instaurer «un changement de culture visant à sécuriser les déplacements quotidiens de tous les usagers de la route».