Procès du tueur au sabre: dans une «quête narcissique», selon un expert

Un expert au procès de Carl Girouard affirme que le tueur au sabre était dans une «quête narcissique» pour exprimer ses ressentiments contre la société, et «nourrir son estime», lorsqu’il a commis l’attaque dans le Vieux-Québec. 

Le psychiatre légiste Dr Sylvain Faucher a présenté aux jurés, jeudi, son analyse sur l’état mental de l’accusé au moment de commettre ses gestes.  

Selon le spécialiste, il est «très improbable» que Girouard soit atteint d’une schizophrénie. Le Dr Faucher dit ne pas avoir observé de symptômes ou d’éléments annonciateurs de la maladie. 

À ses yeux, le fonctionnement de l’homme de 26 ans ne présentait pas de «fléchissement» ou de «glissade» qui aurait pu mener à la maladie. 

Celui-ci a été appelé par la Couronne afin de contester la conclusion d’un témoin de la défense, le Dr Gilles Chamberland. Ce dernier avait soutenu au procès que l’accusé souffrait de schizophrénie et était en plein délire psychotique au moment du carnage.

Girouard est accusé de deux chefs de meurtre au premier degré et de cinq chefs de tentative de meurtre. Il a admis les crimes, mais plaide qu’il n’est pas criminellement responsable pour cause de trouble mental.

La Couronne tente de démontrer que l’individu était capable de distinguer le bien du mal. 

Le Dr Faucher a rencontré Girouard à deux reprises en mars dernier. D’après le psychiatre, les actes de l’accusé constituent «plus un fantasme qu’un projet délirant». 

Un diagnostic de schizophrénie chez l’accusé comporte plusieurs improbabilités, a exposé le Dr Faucher. La plus grande parmi elles est la disparition soudaine du «mauvais Carl» — celui de la «mission» que Girouard a dit combattre pendant des années — quelques instants après avoir passé à l’acte. 

«Pour moi, c’est exceptionnel, a affirmé le psychiatre. En 26 ans de carrière, je n’ai jamais vu ce phénomène-là. Quand ça survient, c’est parce qu’il n’avait pas d’idées délirantes ou les idées délirantes venaient d’une substance que la personne avait ingérée.

«Et même là, la personne qui est intoxiquée et qui développe un délire, ça dure des heures, des jours, mais pas des minutes, des fractions de seconde.»

Les préoccupations personnelles de l’accusé ont pris rapidement le dessus sur celle de la mission, et ce, sans traitement, a noté le Dr Faucher, qui a basé son analyse sur d’autres évaluations psychiatriques, des notes de professionnels et des témoignages.

Il aussi évoqué l’absence de propos ou de comportements déplacés au moment de l’arrestation. 

Girouard a exprimé avoir eu un doute sur la pertinence de poursuivre l’attaque pendant les événements, alors qu’une personne psychotique n’a habituellement plus d’ambivalence, «il fait ce qu’il doit, il complète. Quand l’ambivalence arrive, il arrête», a soulevé le psychiatre.

«Au moment des faits, monsieur savait ce qu’il faisait et il était capable d’en apprécier la qualité, de savoir que c’était inadéquat», a conclu le Dr Faucher.

Un homme «blessé»

Plus tôt dans son témoignage, le psychiatre a relaté que l’accusé a eu un désir de tuer à l’âge de 16 ans. 

«L’idée de tuer n’arrive pas dans un ciel bleu», a déclaré l’expert.

Celui-ci a expliqué qu’il y a une souffrance derrière tout cela. Girouard est arrivé à l’adolescence «blessé» en raison des reproches sur sa différence. Ce qui a entraîné une insatisfaction, une colère et un ressentiment chez l’accusé envers la société, a décrit le Dr Faucher. 

Le fossé entre son mode de vie et celle des autres s’est creusé avec le temps, a soutenu le psychiatre. L’accusé s’est réfugié dans les jeux vidéo pour «se couper de sa réalité», où il peut gagner et s’«imaginer d’être le meilleur», a mentionné le Dr Faucher. 

Il estime d’ailleurs que la mission de Girouard s’inspire des jeux vidéo et le fait d’en avoir consommé en grande quantité a eu pour effet de désensibiliser l’auteur de l’attaque aux conséquences d’agresser des gens. 

Pour mettre un terme à sa souffrance et «se procurer une valeur», il a décidé de commettre des actes «inhabituels et spectaculaires» à l’encontre de la société à laquelle il n’arrive pas à s’intégrer, a analysé l’expert. 

Selon lui, les «ingrédients» étaient réunis quand il a décidé de passer à l’acte le 31 octobre 2020, dont la «goutte d’eau» a été une chicane avec l’un de ses frères, la veille. 

Par ailleurs, le Dr Faucher a mentionné qu’il ne peut conclure que l’accusé est atteint d’un trouble du spectre de l’autisme, mais sans complètement l’écarter.

Certains éléments pointent vers un tel diagnostic, mais les évaluations psychiatriques menées à différentes années sont «incomplètes» par manque de suivi et représentent une «photo» au moment des rencontres avec l’accusé, a indiqué le Dr Faucher. 

La défense contre-interrogera le psychiatre vendredi. 

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Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.