Pourquoi faut-il surveiller l’élection partielle dans Jean-Talon?

QUÉBEC — Avec le départ précipité de la députée caquiste Joëlle Boutin, les électeurs de Jean-Talon à Québec devront se rendre de nouveau aux urnes pour se choisir un représentant. Le résultat de cette élection partielle est toutefois bien difficile à prédire.

Les intentions de vote dans la région de Québec ont beaucoup bougé dans les derniers mois. Avec le recul de la Coalition avenir Québec (CAQ) sur le troisième lien, le parti de François Legault a perdu des appuis au profit du Parti québécois (PQ).

Les deux derniers sondages Léger publiés en mai et en juin placent le PQ en tête des intentions de vote à Québec.

Pour le créateur de l’agrégateur de sondages Qc125, Philippe J. Fournier, on risque de voir un transfert de vote des électeurs de la CAQ vers le PQ.

«Les électeurs caquistes déçus n’iront pas en masse vers Québec solidaire (QS). Ils vont soit rester à la maison ou retourner au PQ», a-t-il expliqué en entrevue à La Presse Canadienne.

Les projections actuelles de Qc125 placent le PQ, QS et la CAQ à égalité statistique dans Jean-Talon.

La division du vote risque donc d’être importante et pourrait créer des surprises. «Peut-être que 32 %-33 % du vote va être suffisant pour l’emporter dans Jean-Talon à cause de la division du vote», soutient M. Fournier.

Des électeurs pour tous les partis

Les citoyens votent généralement moins lors des élections partielles que lors des générales. Le taux moyen de participation pour les 10 dernières partielles était de 37 %.

Toutefois, les électeurs de Jean-Talon semblent plus motivés. La participation moyenne pour les trois dernières partielles dans cette circonscription était de 48 %.

Un taux de participation plus élevé peut changer la stratégie des partis politiques qui doivent tenter le plus possible, lors d’une partielle, de faire sortir le vote de leur électorat respectif pour l’emporter.

Un autre élément à prendre en considération est la démographie de Jean-Talon.

«On a une circonscription avec des gens qui ont un niveau d’éducation assez élevé et donc potentiellement avec des préoccupations plus progressistes», explique le professeur en communication stratégique et politique à l’Université de Sherbrooke, Emmanuel Choquette.

Ainsi, 48 % de la population de Jean-Talon détient un baccalauréat ou un diplôme universitaire supérieur, contre 24 % pour l’ensemble du Québec.

«La démographie de Jean-Talon est un mélange de personnes assez bien nanties qui habitent le quartier Sillery. Il y a des étudiants autour de l’Université Laval. Une partie de Sainte-Foy est aussi un bon mélange démographique», soutient pour sa part Philippe J. Fournier.

«Je pense que chacun des principaux partis peut trouver une base électorale», ajoute-t-il.

Le revenu moyen des ménages de deux personnes ou plus dans Jean-Talon est de 133 000 $, comparativement à 116 000 $ pour l’ensemble de la province.

Le PQ peut-il gagner?

«Quand on regarde les sondages, le PQ pourrait, au moment où on se parle, être en mesure de prendre la circonscription», affirme Emmanuel Choquette.

Le fait que Jean-Talon puisse être une circonscription gagnable pour le PQ peut sembler étonnant, car elle a été un château fort libéral jusqu’à l’arrivée de la caquiste Joëlle Boutin en 2019.

Toutefois, la circonscription a déjà failli tomber aux mains des péquistes.

En 1994, la candidate libérale Margaret F. Delisle l’emporte de justesse avec seulement 25 votes d’avance sur sa rivale péquiste Diane Lavallée. Un scénario similaire se reproduit en 1998. Le PLQ conserve la circonscription par seulement 156 voix face au PQ.

La possibilité que le PQ prenne ce comté à la CAQ n’est donc pas totalement absurde et le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon le sait. Le PQ a ouvert les hostilités jeudi, moins de 24 heures après la démission de Joëlle Boutin, sur les réseaux sociaux avec des publications indiquant vouloir «battre la CAQ à Québec».

Le candidat solidaire Olivier Bolduc a terminé deuxième lors de la dernière élection. Il a obtenu 24 % des votes. Bien qu’il s’agisse d’un bon score, Philippe J. Fournier doute des chances de QS lors de la partielle.

«Je ne pense pas qu’ils ont ce qu’il faut pour gagner ce comté, mais ils ont ce qu’il faut pour en avoir un bon morceau», dit-il.

Olivier Bolduc dit être actuellement en réflexion pour se lancer de nouveau dans Jean-Talon.

C’est dans la région de Québec que le Parti conservateur (PCQ) d’Éric Duhaime a obtenu ses meilleurs résultats le 3 octobre dernier. Ses chances de faire un gain dans Jean-Talon sont toutefois assez faibles.

Lors du précédent scrutin, le candidat conservateur dans Jean-Talon, Sébastien Clavet, n’a obtenu que 10 % des votes.

En comparaison, le PCQ a obtenu des scores de 30 % ou plus dans d’autres circonscriptions de Québec comme Chauveau, Bellechasse, Portneuf ou encore La Peltrie.

«Le PCQ a perdu des plumes depuis l’élection. Il en a perdu à Québec. Je ne le vois pas comme un gros joueur», soutient Philippe J. Fournier.

Éric Duhaime ne ferme pas la porte à se présenter dans Jean-Talon.

La tâche sera difficile aussi pour le Parti libéral du Québec (PLQ) même s’il s’agit d’une circonscription historiquement très rouge. Les deux sondages Léger donnent 6 % et 7 % à la formation politique dans la région de Québec. Ses appuis chez les francophones sont anémiques.

Le gouvernement a six mois pour déclencher une élection partielle après le départ d’un député. Le coût estimé d’une telle élection est de 585 000 $. Ce sera la quatrième partielle dans Jean-Talon depuis 2008.