Pour moins jeter, des emballages réutilisables pour les Fêtes

MONTRÉAL — Les Canadiens enverraient aux rebuts chaque année environ 540 000 tonnes de papier d’emballage et de sacs cadeaux, selon les statistiques de l’organisation Zéro déchet Canada, et on peut logiquement penser que la problématique sera particulièrement aiguë au cours des prochaines semaines.

Et c’est sans parler du papier d’emballage métallisé, des choux, des rubans décoratifs et du ruban adhésif, pour ne nommer que ceux-là, qu’il n’est pas possible de récupérer.

Flairant là un marché à développer, et conscients des préoccupations environnementales croissantes des consommateurs, plusieurs entrepreneurs, dont quelques-uns au Québec, proposent aujourd’hui des emballages qu’il est possible de réutiliser pratiquement à l’infini.

«On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas nécessairement de solutions qui rejoignaient notre traditionnel papier cadeau, avec la joie de déballer les cadeaux et tout», a dit Gabrielle Huppé, la cofondatrice de l’entreprise Next Chance.

Fondée il y a deux ans, Next Chance offre une gamme de produits qui vont des choux aux poches d’emballage. Tous sont faits à partir de restants de textiles neufs qui ont été récupérés auprès d’entreprises locales, et qui auraient autrement été destinés à l’exportation ou même à l’enfouissement.

Du côté d’Eco-Cado, la fondatrice Karine Laflamme utilise plutôt un tissu qui provient de bouteilles d’eau recyclées pour produire un emballage qu’on enveloppe autour du cadeau et qu’on attache avec un bouton.

«Les gens ont identifié le problème, a-t-elle dit. Quand ils voient mon produit, souvent ceux qui étaient rendus là, qui ont essayé d’autres méthodes ou qui voulaient et qui n’étaient pas trop sûrs, mais qui étaient presque rendus là, eh bien ils ont un coup de cœur.»

Engouement

Le chiffre d’affaires de Next Chance double chaque année depuis son lancement, assure Gabrielle Huppé, ce qui témoigne de l’engouement croissant du public pour les emballages réutilisables et pour la protection de l’environnement.

«En deux ans d’existence, on est rendus à 15 000 livres de tissus récupérés, a-t-elle dit. Ça représente 50 ans d’achats de vêtements pour 7,5 personnes.»

Mais avant d’en arriver là, Mme Huppé et sa cofondatrice Maude Girard ont dû dénicher les entreprises qui allaient les alimenter en tissus à récupérer, ce qui impliquait de trouver des entreprises qui non seulement partageaient leurs valeurs, mais qui allaient aussi accepter de changer leurs façons de faire.

Si certaines ont sauté dans le projet à pieds joints, a dit Mme Huppé, d’autres ont dû prendre le temps d’y réfléchir.

«Ça devient vraiment un travail collaboratif, a-t-elle expliqué. Les gens qui nous approvisionnent, ce ne sont pas seulement des fournisseurs, on ne prend pas le téléphone pour commander une ‘batch’, c’est vraiment de façon ponctuelle.

«Alors la clé, c’est vraiment d’élaborer des partenariats et des collaborations solides avec ces gens-là qui ont finalement des valeurs comme les nôtres, de réduire les déchets ou l’empreinte environnementale. Mais ce ne sont pas toutes les entreprises qui sont rendues là.»

Réduction à la source

Réduire, réévaluer et réutiliser… voilà les trois thèmes qui reviennent le plus souvent quand on demande aux experts comment on peut amenuiser notre empreinte environnementale pendant le temps des Fêtes.

Réduire notre consommation, réévaluer nos besoins et nos décisions d’achat, et réutiliser tout ce qui peut l’être seraient trois bonnes stratégies à adopter pour gâter Dame Nature en même temps qu’on gâte nos proches.

«Dans le temps des Fêtes, on donne souvent beaucoup de cadeaux qui ne vont pas nécessairement répondre à un besoin, a dit Amélie Côté, qui est analyste en réduction à la source chez Équiterre. Donc je pense que la réflexion doit aussi être sur nos pratiques de consommation pendant le temps des Fêtes. Le papier d’emballage en est une partie, mais plus largement, les impacts environnementaux des objets qu’on donne, surtout s’ils ne sont pas utiles aux personnes à qui on les donne, sont très importants également.»

Le papier d’emballage, poursuit-elle, fait partie de la «problématique plus large» des produits à usage unique, au même titre par exemple que les pailles ou les contenants pour emporter. La réflexion doit donc dépasser le seul papier d’emballage et englober ce qu’elle qualifie de «gaspillage des ressources naturelles».

La production de papier d’emballage, ajoute Mme Côté, consomme «beaucoup de ressources naturelles et d’énergie» et accouche d’un produit qui, souvent, ne sera utilisé qu’une seule fois avant d’être envoyé au recyclage ou à la poubelle.

Mais seul le papier d’emballage qui peut être déchiré (faisant apparaître les petites fibres dont il est fait) peut être recyclé, a précisé Grégory Pratte, qui est responsable des affaires publiques pour Tricentris. Le papier métallisé ou plastifié doit plutôt être jeté.

«On évalue que sur dix camions qui rentrent chez nous, il y en a l’équivalent d’à peu près deux qui sont remplis d’indésirables, a dit M. Pratte. C’est quand même grave.»

Sapins artificiels toujours décorés, lumières de Noël, boîtes contenant parfois encore leur cadeau, emballages de styromousse… la liste des objets que les consommateurs mettent dans leur bac de recyclage (par ignorance ou par paresse) est longue, ce qui cause des ennuis considérables aux centres de tri et provoque même des arrêts d’équipements.

Il prône lui aussi la réutilisation de tout ce qui peut l’être, comme les choux ou les rubans, ou encore le recours à des sacs cadeaux, des circulaires ou des journaux pour emballer les cadeaux.

«Sur notre page Facebook, on donne toujours au temps des Fêtes plein de trucs sur comment emballer de façon plus environnementale en visant la réduction puis le réemploi, bien entendu», a-t-il dit.

L’obstacle de la gêne

Au fil des échanges avec les clients qu’elle rencontre dans les différents marchés de Noël auxquels elle participe, Karine Laflamme a vu émerger un obstacle inattendu à l’utilisation de ses produits: celui de la gêne.

Ses emballages coûtent entre 15 et 20 dollars, et chacun ne peut servir que pour un seul cadeau à la fois. Quand on les compare à un rouleau de papier d’emballage traditionnel à deux ou trois dollars qui pourra servir pour plusieurs cadeaux, on réalise rapidement qu’on ne parle pas du même genre de produit.

Mme Laflamme n’hésite donc pas à faire l’éducation de ses clients.

«Je leur dis, écoutez, si vous voulez le donner avec le cadeau, il n’y a aucune logique là-dedans, il faut le réutiliser, a-t-elle expliqué. Il faut s’en servir le 22 décembre chez votre nièce, le 24 avec notre conjoint, le 31 pour l’échange de cadeaux, ensuite pour la fête de vos enfants ou de votre cousine… Une fois que je les ai mis en contexte comme ça, j’ai vraiment leur attention.»

Mais pour pouvoir réutiliser l’emballage de multiples fois, encore faut-il le reprendre et le ramener à la maison une fois le cadeau déballé. C’est là qu’entre en jeu le facteur de la gêne «et c’est tellement légitime!», ajoute Mme Laflamme en riant.

Pourtant, des clients qui en ont fait l’expérience lui ont ensuite dit qu’il n’y avait réellement «rien là», assure-t-elle.

«Je pense qu’on accorde plus d’importance à notre gêne qu’à l’empreinte écologique qu’on pourrait laisser, a-t-elle dit. Il suffit d’expliquer qu’on est rendus là (à utiliser des emballages réutilisables) et ça passe très bien. J’invite même les gens à se lancer le défi en famille: cette année tout le monde arrive avec un emballage réutilisable, tout le monde repart avec son emballage réutilisable, on brise la glace en famille, et puis voilà, c’est fait.»

Les produits de Next Chance sont disponibles dans plusieurs boutiques de la grande région de Montréal, mais aussi à Sherbrooke, à Trois-Rivières, aux Îles-de-la-Madeleine et à Val-des-Sources. On peut également les commander sur le site de l’entreprise.

Les produits d’Éco-Cado sont offerts en ligne. On pourra aussi se les procurer lors de différents marchés de Noël au cours du prochain mois.