Postes de police clandestins: le Canada a sermonné l’ambassadeur chinois

OTTAWA — Le Canada a sermonné à «plusieurs reprises» l’ambassadeur chinois après avoir appris l’existence de soi-disant postes de police clandestins au pays, a révélé un haut fonctionnaire devant un comité parlementaire.

«Le gouvernement du Canada a officiellement insisté pour que le gouvernement chinois rende compte, y compris l’ambassadeur et son ambassade, de toutes les activités au Canada qui ne relèvent pas de la Convention de Vienne et veille à ce qu’elles cessent immédiatement», a déclaré mardi soir Weldon Epp, le directeur général pour l’Asie du Nord-Est au ministère des Affaires étrangères.

Dans sa réponse à la porte-parole conservatrice en matière de sécurité publique, Raquel Dancho, M. Epp a précisé qu’Ottawa se réserve la possibilité de prendre «d’autres décisions» en fonction de la réaction de la Chine. Le diplomate canadien a refusé de fournir de plus amples détails en public, comme dans la réunion à laquelle il participait.

Comme c’est son habitude sur le sujet, le premier ministre Justin Trudeau a esquivé jeudi toutes les questions qui lui ont été posées sur ce sujet, notamment s’il était au courant de l’existence de ces postes de police avant qu’une ONG étrangère le révèle au grand public et quelles sont les options que le Canada envisage si la Chine ne les ferme pas. 

«Nos services de renseignement (…) suivent et ils sont au courant, ils me donnent de l‘information régulièrement sur l’interférence qu’amènent différents gouvernements étrangers contre les communautés canadiennes», a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse, à London, en Ontario.

En mêlée de presse, le lieutenant conservateur pour le Québec, Pierre Paul-Hus, a affirmé avoir été surpris d’apprendre la nouvelle de cette manière en comité parlementaire alors que, depuis des semaines, le gouvernement garde «très secrets» tous les enjeux relatifs aux implications de la Chine sur le territoire canadien, notamment une possible tentative d’ingérence dans les élections.

«Ça prend une direction claire de la part de Justin Trudeau, a-t-il poursuivi. On doit vraiment savoir où on s’en va avec tout ça, parce qu’il y a trop d’éléments un peu partout, comme les postes de police, les interférences dans les universités.»

Le porte-parole du Bloc québécois en matière d’affaires étrangères, Stéphane Bergeron, a jugé qu’il est «d’autant plus préoccupant» que le gouvernement fédéral puisse avoir été au courant de l’existence de tels postes de police qui pourraient soumettre à des pressions des membres de la communauté chinoise du pays sans avoir rendu cette information publique.

Ces postes de police extraterritoriaux, s’ils existent, contreviendraient à des dispositions des traités internationaux, devraient être fermés et leur existence ne pourrait «rester impunie», a-t-il insisté. Selon lui, le Canada doit offrir une réponse «énergique» et «à la mesure de la gravité des gestes posés».

Le porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière d’éthique, Matthew Green, a pour sa part affirmé que «les Canadiens s’attendent à ce que toute ingérence dans leur démocratie fasse l’objet d’une enquête. Les gens doivent avoir confiance que nos institutions sont justes et non influencées par les intérêts d’autres pays. Toute conclusion de la GRC devrait être communiquée au Parlement afin que nous puissions apporter les améliorations nécessaires.»

Les situations troublantes concernant les activités de la Chine au Canada s’accumulent. Le réseau Global a rapporté en citant des sources anonymes, plus tôt ce mois-ci, que le premier ministre a été averti en janvier d’un vaste effort allégué d’ingérence chinoise dans la campagne électorale de 2019, notamment par des fonds qui auraient été touchés par au moins 11 candidats.

La Gendarmerie royale du Canada a confirmé mardi que des enquêtes sont en cours sur des «activités d’ingérence par des acteurs étrangers» auprès d’un comité qui tente d’éclaircir quels efforts auraient fait la Chine pour influer sur les élections générales de 2019.