Post-pandémie: moins de grandes expositions dans les musées, anticipe un expert

MONTRÉAL — À la suite de la pandémie et de ses conséquences importantes, les musées doivent repenser leur rapport aux expositions, dont certaines ont été bloquées à l’échelle internationale durant la crise sanitaire. 

Le professeur au département d’histoire de l’art de l’UQAM, Yves Bergeron, explique que la pandémie a paralysé le fonctionnement des musées, d’abord parce qu’il n’y avait plus de visiteurs, mais aussi puisque des collections internationales n’ont pas pu quitter le sol de certains pays. 

Cela a eu des incidences sur les assurances, le calendrier, bref tout le travail des musées. «Ç’a remis en question le modèle de réalisation des grandes expositions internationales, ce qu’on appelle souvent les «blockbuster»; ces grandes expositions vedettes qui voyagent dans le monde», a déclaré M. Bergeron à La Presse Canadienne.  

Ce type d’exposition demande de cinq à sept ans avant d’être finalisé. «Il faut signer des ententes entre les musées, réserver les œuvres et planifier la restauration. Ce sont des montants financiers importants et les musées qui ont cela misent beaucoup sur la clientèle touristique et là, tout à coup, il n’y avait plus de touristes», relate M. Bergeron. 

Il mentionne que les musées ont constaté que ceux qui revenaient au musée étaient «leur clientèle de proximité». «Ç’a forcé d’une certaine manière les musées à repenser leur mission, c’est-à-dire: on fait ça pour qui?»

Avec l’inflation, qui touche aussi les dépenses des musées, les grandes expositions de type «blockbuster» deviennent ainsi moins intéressantes pour les musées, car cela nécessite de la planification, des ententes internationales et des investissements importants. 

Durant la pandémie, dans bien des cas, ce type de collection bloqué dans un pays a dû être annulé malgré des années de préparation. 

«La programmation de tous les musées s’est retrouvée décalée. Dans certains cas, il y a des œuvres qui ne peuvent pas être exposées trop longtemps, pour des raisons de conservation», a expliqué M. Bergeron. 

Enquête internationale sur le financement public

«C’est tout le système qui s’écroulait tout à coup», souligne M. Bergeron en entrevue. Et la réouverture des musées, avec notamment des accès limités, a été plutôt compliquée. Certains musées ont même perdu de l’argent en réouvrant après la pandémie, dit-il. 

«Dans le cas des musées nord-américains, le modèle de financement est à peu près le même partout. C’est vrai pour les musées privés et les musées nationaux», précise le professeur d’histoire. Les différents ordres gouvernementaux encouragent les musées à générer des revenus autonomes, par exemple par la billetterie, la location de salle, les boutiques souvenirs, etc. 

Yves Bergeron est aussi titulaire de la Chaire de recherche de l’UQAM sur la gouvernance des musées et le droit de la culture qui participe a une enquête internationale sur l’état du financement public des musées à travers le monde. Son dossier a été retenu par des instances du Conseil international des musées dans le cadre d’un appel de recherche lancée l’an dernier. 

Cette grande enquête internationale est née en raison de plusieurs remarques faites par des associations nationales et des muséologues selon lesquelles ils avaient l’impression que le financement public était de plus en plus en baisse. «Et c’est cela qu’on essaie de vérifier, mais c’est compliqué parce que les modèles de financement public ne sont pas les mêmes partout dans le monde», a soulevé M. Bergeron. 

Il a fait valoir que le Canada tirait bien son épingle du jeu, les gouvernements ayant débloqué des sommes et fait des investissements pour favoriser la diffusion numérique des musées. 

L’enquête internationale à laquelle participe l’UQAM vise aussi à identifier de nouvelles pratiques pour rejoindre un plus grand public. Le projet de recherche se poursuivra jusqu’à la fin de 2024.

Les musées ont certes un intérêt pour les profits, mais selon M. Bergeron, ce qui les intéresse surtout est la fréquentation. «C’est ça le grand objectif des musées, c’est qu’il y ait de plus en plus de personnes qui soient en contact avec la culture qui fréquentent les musées». 

«Quand on regarde les données de fréquentation des musées partout dans le monde avant la pandémie, on est en progression constante alors que d’autres pratiques culturelles éprouvent des difficultés», poursuit-il. 

Plusieurs facteurs expliquent cet engouement, entre autres, le fait que la scolarité des populations a progressé dans plusieurs pays, ce qui augmente l’intérêt pour la culture. Aussi, les gens voyagent davantage, le musée étant une destination privilégiée par de nombreux touristes.

Selon les données de l’Institut de la statistique du Québec publiées cet automne, les Québécois sont nombreux à se rendre dans les musées même si les taux de fréquentation n’ont pas encore atteint le seuil d’avant la pandémie. En 2022, les musées québécois ont enregistré 10,6 millions de visites, ce qui représente une augmentation de 57 % comparativement aux 6,8 millions de 2021.