Pont-tunnel: les mesures d’atténuation souffrent d’un manque de coordination

MONTRÉAL — L’imposant chantier de réfection du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine illustre de manière désolante le manque de coordination entre les différentes instances pour en atténuer les impacts.

La vice-première ministre et ministre des Transports, Geneviève Guilbault, était sur place jeudi matin pour faire une visite du chantier.

Mme Guilbault a de nouveau fortement invité les citoyens qui seront affectés par ce chantier et les bouchons monstres qu’il risque de provoquer à compter de lundi prochain à se trouver un «plan B», comme le martèlent les publicités gouvernementales.

Un demi pont Victoria

Par contre, la coordination avec plusieurs autres acteurs n’a pas été au rendez-vous, à commencer par celle avecle CN. Le transporteur ferroviaire, propriétaire du pont Victoria, devait rouvrir celui-ci à pleine capacité à la fin de septembre. Cependant, les travaux ont révélé d’autres besoins de sorte que le chantier sur la travée ouest a été prolongéjusqu’à la fin novembre.

C’est donc dire que non seulement le pont-tunnel sera à moitié de sa capacité avec deux voies vers Montréal et une vers la Rive-Sud plutôt que trois voies dans chaque direction, le pont Victoria n’offrira lui aussi que la moitié de sa capacité durant tout le premier mois des travaux. 

«C’est sûr que c’est plate, un peu comme le REM qui a été reporté. Ça aurait été intéressant que le REM soit en fonction en décembre comme prévu, mais ce sont des réalités qui sont hors de notre contrôle avec lesquelles on n’a pas le choix que de composer», a reconnu Mme Guilbault en mêlée de presse à l’issue de sa visite.

«Le CN est une instance qui est indépendante. J’ai parlé à (un vice-président) du CN le jour de mon assermentation et il m’a dit ça, justement, que Victoria allait s’allonger jusqu’à la fin de novembre, mais bon, une fois que c’est dit», a-t-elle laissé tomber sans terminer sa phrase.

Pas de lien fluvial avec le Vieux-Port

De plus, après avoir fait état d’une fréquentation de près d’un quart de million d’usagers cet été des navettes fluviales, l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) annonçait avec enthousiasme cette semaine la prolongation et la gratuité du service de navette fluviale entre Boucherville et le parc Promenade Bellerive, un peu à l’est du pont-tunnel. 

Or cette destination présente peu d’attrait, puisqu’elle n’offre aucune correspondance efficace pour atteindre le centre-ville ou même le métro.

Les navettes fluviales qui offrent un réel effet atténuateur sont celles entre Pointe-aux-Trembles et le Vieux-Port, entre Boucherville et le Vieux-Port et celle entre Longueuil et le Vieux-Port, une destination qui, elle, est à dix minutes de marche du métro. Ces trois navettes ont comme point commun d’utiliser le quai Jacques-Cartier, dans le Vieux-Port.

Cependant, elles ne sont plus en service. «On avait des raisons contractuelles pour lesquelles celles dans le Vieux-Port ont dû être arrêtées», a expliqué Jean Séguin, sous-ministre adjoint aux Transports.

«On a des échanges avec le Port de Montréal pour voir, pour (ces trois) navettes, quelle sera la fréquence de service et la durée, surtout la prolongation», a dit M. Séguin, qui se trouvait aux côtés de la ministre Guilbault. 

«Les navettes, on prévoit les ramener, les remettre en service au printemps et c’est ça qu’on va essayer de voir avec le Port de Montréal et les infrastructures du côté de la Rive-Sud, si on peut étirer la saison au maximum, soit plus tôt au printemps et plus tard à l’automne», a-t-il poursuivi.

Mme Guilbault elle-même pourrait s’en mêler. «Je n’ai pas eu personnellement de discussions encore avec le Vieux-Port, mais toute la question des navettes, c’est probablement quelque chose que je regarde. Encore ce matin j’avais des discussions pour peut-être évaluer la possibilité d’autres navettes», a-t-elle précisé.

Des mesures d’atténuation importantes

Cela ne signifie pas que rien n’a été fait, au contraire. Des stationnements incitatifs ont été aménagés le long de l’autoroute 20 et leurs utilisateurs auront droit à un service de navette en autobus gratuit jusqu’au métro Radisson, où des titres de transport – deux, pour un aller et un retour – leur seront remis gratuitement pour prendre le métro. Ces navettes emprunteront une voie réservée aussi aménagée en vue des travaux qui accueillera aussi les taxis et les automobilistes en covoiturage. 

Une rame de métro additionnelle a aussi été ajoutée à la ligne jaune, entre Longueuil et Berri-UQAM. 

D’autres ajouts d’autobus ont été prévus dans différents secteurs affectés.

En bout de ligne, par contre, il ne fait aucun doute que ce chantier de près de 2,5 milliards $, qui privera les usagers de la moitié du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine durant trois ans, aura de nombreux et désagréables impacts. «Je ne m’attends pas à un miracle, je pense que ça va être corsé», a reconnu la ministre Guilbault. 

«Il y a sans doute des gens qui vont dire: je vais l’essayer, je vais aller voir, je vais prendre mon auto et on va voir ce que ça va donner et qui vont peut-être voir que le trafic, effectivement, est contraignant et agaçant et qui vont faire le choix peut-être par la suite, soit de télétravailler, de prendre le transport collectif ou de covoiturer et de profiter de la voie réservée.»

Elle a d’ailleurs profité de l’occasion pour inviter à nouveau les employeurs «à être très flexibles et très créatifs» en matière de télétravail et d’horaires de travail, promettant que son gouvernement donnerait l’exemple.

Elle a par ailleurs écarté l’idée d’interdire le pont-tunnel à l’auto-solo, c’est-à-dire les automobilistes qui voyagent seul, du moins pour l’instant. «On n’est pas en ce moment à un stade où on veut interdire ou obliger quoi que ce soit. On est dans la très forte recommandation. On va attendre de voir lundi comment ça se passe.»