Plusieurs projets de loi au Congrès américain pour décriminaliser le cannabis

WASHINGTON — Le projet de loi surprise sur les dépenses climatiques au Congrès américain n’est pas le seul projet de loi phare du Sénat qui retient l’attention des Canadiens.

Les élus américains envisagent également une initiative  globale pour décriminaliser la marijuana partout aux États-Unis — une ouverture qui intéresse au plus haut point l’industrie légale du cannabis au nord de la frontière.

Les observateurs ne se font toutefois pas beaucoup d’illusions sur l’adoption rapide de ce projet de loi déposé la semaine dernière par le leader de la majorité démocrate au Sénat, Chuck Schumer.

Mais David Culver, vice-président des relations gouvernementales mondiales pour le producteur ontarien de cannabis Canopy Growth, estime néanmoins que ce projet de loi constitue une étape importante dans le lent cheminement des Américains sur cette question.

M. Culver croit que plusieurs autres projets de loi bipartites moins «larges», qui adoptent une approche fragmentaire de la décriminalisation du cannabis, ont de bien meilleures chances d’être adoptés avant les élections de mi-mandat, en novembre prochain.

Par contre, le projet de loi Schumer est «historique dans la mesure où il s’agit du premier du genre au Sénat américain, a déclaré M. Culver en entrevue. Maintenant que cette pièce législative est déposée, elle permet au Sénat de vraiment travailler sur une législation bipartite, et je pense que ça pourrait être fait avant les élections de mi-mandat.»

Le premier et le plus important de ces projets de loi «périphériques», qui concerne les banques, éliminerait les obstacles financiers et réglementaires les plus importants qui empêchent les entreprises en activité dans les États où le cannabis est déjà légal de se développer dans d’autres marchés américains.

Déposé à la Chambre des représentants en 2019, le projet de loi «SAFE» permettrait aux institutions financières de fournir des services aux activités légales liées au cannabis sans enfreindre les lois fédérales.

Un autre projet de loi, qui vise à réduire les sanctions financières et les formalités administratives autour de la production de marijuana, couvrirait un plus large éventail de fournisseurs de services, y compris les consultants en gestion, les assureurs, les agences de publicité et les sociétés informatiques. Il permettrait également aux producteurs de cannabis de s’inscrire en bourse aux États-Unis.

Le projet de loi bipartite «HOPE» offrirait quant à lui des fonds fédéraux afin d’aider à rationaliser les initiatives des États pour supprimer les infractions liées au cannabis.

Les vétérans et le SSPT

Le Congrès explore également des façons de permettre à la «Small Business Administration», l’agence fédérale de soutien aux PME, de fournir des prêts participatifs et d’autres soutiens aux entreprises en activité dans des États qui le permettent. Le Congrès examine aussi la possibilité de permettre aux vétérans d’utiliser du cannabis pour traiter les symptômes du syndrome de stress post-traumatique sans craindre de perdre leurs prestations fédérales.

Enfin, un autre projet de loi bipartite, déposé en avril, créerait une commission fédérale pour mieux préparer les États-Unis à une éventuelle décriminalisation fédérale.

«S’ils le font correctement, ils pourraient prendre les résultats de cette commission et les utiliser jusqu’en 2024, pour agir ensuite sur une réforme plus complète», croit M. Culver.

Le projet de loi «plus large» de M. Schumer, qui n’est pas bipartite celui-là, permettrait de faire une bonne partie du chemin des autres projets de loi «périphériques». Mais il irait également plus loin, en supprimant la marijuana de la liste des substances interdites réputées sans valeur médicinale et à haut risque d’abus, comme l’héroïne, le LSD et les champignons magiques.

«Les données probantes des États qui ont décriminalisé le cannabis sont extrêmement claires: il n’y a pas eu d’augmentation de la criminalité ni d’augmentation de la consommation de drogue», a plaidé la semaine dernière le sénateur Schumer lors d’une conférence de presse au Capitole. «Je pense que ça tombe sous le sens d’aller de ce côté.»

Une approche globale permettrait également aux élus de faire face à certains des risques de la décriminalisation du cannabis, a déclaré M. Culver, notamment pour protéger les jeunes et assurer la sécurité sur les routes. «Sans cela, ils n’auront tout simplement pas le soutien des républicains.»

Cela créerait également un cadre réglementaire et fiscal fédéral pour les ventes légalisées et confierait la responsabilité de la surveillance du secteur à la Food and Drug Administration – deux domaines où le Canada a connu des ratés, selon M. Culver.

Au nord de la frontière, a-t-il déploré, le Canada a accablé les producteurs et les détaillants avec un cadre réglementaire lourd et des taux d’imposition qui, selon lui et d’autres observateurs, sont trop élevés pour couper l’herbe au marché illégal.

Mais le projet de loi Schumer ne passera probablement pas tel quel au Congrès. Et même s’il l’était, il n’est pas certain qu’il obtiendrait la signature du président. Joe Biden n’a soutenu que du bout des lèvres la décriminalisation pendant la campagne électorale de 2020, et il n’en a pas beaucoup reparlé depuis.

Il y a deux semaines, M. Biden a simplement déclaré que son administration tenait toujours à respecter sa promesse de ne plus envoyer en prison de simples usagers de marijuana.