Opioïdes: Ottawa doit s’attaquer à la stigmatisation des utilisateurs

OTTAWA — Une nouvelle recherche du gouvernement fédéral indique qu’une partie importante de la population continue d’avoir des opinions stigmatisantes sur les troubles liés à l’utilisation d’opioïdes.

Un répondant sur quatre avait des opinions stigmatisantes à l’endroit des personnes qui utilisent des opioïdes, un sur quatre avait des opinions compatissantes et la moitié avait un mélange des deux, des taux stables depuis la première étude menée en 2017.

Préparée pour Santé Canada, la recherche a été menée de décembre 2021 à janvier de cette année, et les résultats ont récemment été rendus publics.

Les opioïdes, qui peuvent être obtenus sur ordonnance ou illégalement, sont un type de médicament analgésique et peuvent également induire des sentiments d’euphorie.

Depuis janvier 2016, plus de 29 000 Canadiens sont décédés de causes liées aux opioïdes, selon l’Agence de la santé publique du Canada.

Bien que les militants se disent prudents quant à certains des résultats de la recherche, ils conviennent que le gouvernement peut en faire plus pour réduire la stigmatisation des personnes qui consomment des opioïdes.

Eugenia Oviedo-Joekes, professeure à l’École de santé publique de l’Université de la Colombie-Britannique, affirme que la méthodologie du sondage fait en sorte que les résultats ne peuvent pas être généralisés à l’ensemble de la population canadienne.

«C’est un groupe auto-sélectionné», a-t-elle indiqué, notant que le sondage invitait les participants d’un panel en ligne à répondre volontairement en échange de récompenses.

Malgré les limites de l’enquête, ses résultats pourraient tout de même être utiles, a déclaré Mme Oviedo-Joekes, qui étudie la toxicomanie.

Bien que les gens soient conscients que la crise des opioïdes est un problème, elle a déclaré: «Je pense que nous devons maintenant travailler à décoder pour les gens pourquoi c’est un problème.»

Campagne auprès des parents

Le rapport indique que les adolescents âgés de 13 à 15 ans sont moins familiarisés avec les opioïdes et la crise, mais que quatre sur cinq d’entre eux citent leurs parents comme l’une de leurs sources d’information les plus fiables.

Mme Oviedo-Joekes affirme que les parents d’adolescents ne parlent généralement pas beaucoup à leurs enfants de la réduction des méfaits des opioïdes, ce qui offre au gouvernement l’occasion de cibler les parents dans le cadre de campagnes de sensibilisation.

Alors qu’environ 70 % des parents de ces jeunes disent parler à leurs enfants de la drogue en général, seulement un sur trois a parlé de surdoses de drogue ou d’opioïdes, et 17 % ont discuté de la manière d’obtenir de l’aide relative à la consommation d’opioïdes.

Andréa Richer, porte-parole de Santé Canada, affirme qu’en 2018, le ministère a lancé une campagne pluriannuelle pour sensibiliser à la crise des opioïdes, éduquer les Canadiens sur les risques et souligner les effets de la stigmatisation contre les personnes qui consomment des drogues.

Le gouvernement a mis en place un programme de sensibilisation pour les adolescents et les jeunes adultes au cours des quatre dernières années, impliquant plus de 1100 sessions dans les écoles secondaires, a déclaré Mme Richer dans un communiqué.

Santé Canada a également lancé un site web pour relayer «des histoires vraies sur la façon dont la stigmatisation de la consommation de substances affecte les gens», a-t-elle indiqué.

Une approche gouvernementale défaillante

Garth Mullins, membre du Vancouver Area Network of Drug Users, a déclaré que malgré les campagnes fédérales de sensibilisation du public visant à réduire la stigmatisation contre la consommation d’opioïdes, les propres actions du gouvernement sapent ces efforts.

«Ils pensent que la stigmatisation existe naturellement dans le monde. Que toutes les petites gens ont de mauvaises idées dans la tête sur les toxicomanes», a déclaré M. Mullins.

Selon lui, la source des «mauvaises idées» vient du gouvernement lui-même, à travers ses lois et politiques qui promeuvent une approche d’interdiction de la consommation de drogues illicites et nuisent aux consommateurs de drogues en les traitant comme des «marginaux».

«Qui criminalisons-nous et arrêtons-nous, et qui n’est pas criminalisé et arrêté? C’est de là que les gens tirent leurs idées sur la stigmatisation», a déclaré M. Mullins.

La façon dont fonctionnent la police, le système médical et le gouvernement crée et reproduit la stigmatisation des personnes qui consomment de la drogue, a-t-il soutenu.

Mme Oviedo-Joekes et M. Mullins ont souligné que l’enquête ne fait aucune mention d’un approvisionnement sûr en drogues ou de la dépénalisation de la possession personnelle de drogue, deux solutions réclamées depuis longtemps par des militants pour faire face à la crise des opioïdes et à l’approvisionnement en drogues toxiques qui l’alimente.

M. Mullins a déclaré que «la meilleure publicité pour ne pas stigmatiser les consommateurs de drogue» serait que le gouvernement fédéral déclare une urgence de santé publique concernant la crise des opioïdes, semblable à ce qui a été fait en Colombie-Britannique en 2016.

«Ils devraient le faire. Cela ne révolutionne pas nécessairement le monde, mais cela peut certainement les aider à surmonter un tas de petits obstacles réglementaires. Et cela enverrait ce message géant sur la stigmatisation, s’il s’agit d’une campagne de santé publique», a-t-il fait valoir.

Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière des Bourses de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.