Nouvelle-Écosse: l’industrie touristique veut attirer les superyachts au Cap-Breton

HALIFAX — Il n’y a pas si longtemps, la plus grande communauté du Cap-Breton était surtout connue pour abriter l’un des sites de déchets les plus toxiques d’Amérique du Nord : les tristement célèbres étangs bitumineux de Sydney.

Contenant un million de tonnes d’eaux usées suintantes et de boues industrielles – laissées sur place après des siècles de fabrication d’acier – le site a depuis été recouvert de béton et transformé en un vaste parc urbain ouvert il y a dix ans.

«Il s’agit d’une transformation d’une économie industrielle vers une économie davantage axée sur les services, les entreprises technologiques et l’éducation», déclare Terry Smith, président-directeur général (PDG) de Destination Cap-Breton, l’organisation de marketing touristique de l’île.

Alors que les souvenirs des étangs bitumineux s’éloignent, la ville portuaire tente désormais de cultiver une ambiance haut de gamme, notamment en attirant les milliardaires et leurs biens. Elle veut devenir une destination pour les superyachts, les bateaux les plus chers et les plus luxueux du monde, qui sont devenus le symbole de statut ultime des célébrités de premier plan, des titans du web comme des oligarques moins connus.

Destination Cap-Breton a embauché Superyacht East Coast, basé à Halifax, pour attirer sur l’île ceux qui possèdent des bateaux comme l’Archimedes, un superyacht de 68 mètres estimé à environ 100 millions $. Selon Superyachts.com, le navire – aussi long qu’un bâtiment de 20 étages soit haut – dispose d’un jacuzzi en marbre, d’un piano à queue, d’une salle de sport fermée, d’un foyer au bois et de six cabines.

Comparé à certains superyachts dotés de hangars pour hélicoptères et d’ascenseurs en verre, l’Archimedes est considéré comme un bateau sobre.

Propriété du milliardaire américain James Simons, le navire a passé au moins une semaine l’été dernier au Cap-Breton, amarré au quai communautaire de Baddeck, en Nouvelle-Écosse, où il a fait sensation parmi les habitants.

«Les plus grands yachts sont ceux vers lesquels les gens ont tendance à se tourner, a déclaré Adam Langley, PDG de Superyacht East Coast. Ils accostent et soudain, des centaines de personnes achètent des crèmes glacées ou un déjeuner et profitent de l’environnement créé par ces bateaux.»

Et les avantages économiques ne s’arrêtent pas là, a indiqué M. Langley. Les propriétaires de ces demeures flottantes dépensent généralement une petite fortune en provisions après leur arrivée au port.

Une fois que l’Archimedes a terminé sa tournée de huit semaines sur la côte est du Canada, le capitaine a déclaré au magazine Saltscapes que son propriétaire avait dépensé 400 000 $ US en carburant, en épicerie, en visites, en guides et en divertissements.

«Considérez-les comme de grandes stations balnéaires flottantes, a illustré M. Langley dans une récente entrevue. Ils dépenseront des milliers de dollars pour des choses comme des fleurs.»

Une empreinte carbone à examiner

Tom Urbaniak estime qu’il faut engager une discussion plus large sur l’utilisation des fonds publics pour attirer les superyachts sur la côte est.

«Il s’agit en réalité d’un marketing auprès d’un groupe infiniment petit d’oligarques, de très riches, d’hypercélébrités et de gens qui se pâment devant eux», a expliqué M. Urbaniak, professeur de sciences politiques et directeur de l’Institut Tompkins de l’Université du Cap-Breton, à Sydney.

«Ce n’est pas seulement une célébration de la richesse. C’est une célébration d’un excès presque inimaginable.»

Le professeur affirme qu’à une époque où l’on demande aux Canadiens de faire des sacrifices pour composer avec les changements climatiques, cela n’a pas de sens de répondre aux besoins des riches qui affichent leur richesse sur des navires qui laissent une énorme empreinte carbone.

«Je n’ai rien vu de Destination Cap-Breton indiquant qu’il y aura une sorte de norme établie pour déterminer lesquels seront les bienvenus selon qu’ils paient des impôts… et s’ils souscrivent à la primauté du droit», a déclaré M. Urbaniak.

M. Smith affirme qu’attirer les superyachts n’est qu’une petite partie d’une stratégie plus large visant à amener davantage de plaisanciers dans la région. Et il a contesté l’argument selon lequel les propriétaires de superyachts représentent la pire catégorie de pollueurs.

«Je ne suis pas d’accord avec cela», a fait valoir M. Smith, dont l’organisation à but non lucratif tire la majeure partie de son budget d’un prélèvement imposé à ceux qui paient pour l’hébergement au Cap-Breton, ainsi qu’aux gouvernements provincial et fédéral. «Il existe désormais des superyachts électriques. Je pense que nous allons assister à une transformation en termes de carburants plus propres et de modes de fonctionnement plus propres.»

Quant au fait de courtiser des oligarques, M. Langley affirme qu’ils ne viendront pas au Canada atlantique de toute façon.

«Nous voyons davantage de yachts d’exploration qui ne sont pas les énormes superyachts de 600 et 400 pieds», a-t-il précisé, ajoutant que les constructeurs de superyachts souhaitent désormais utiliser la technologie de l’hydrogène pour propulser leurs bateaux.

«Ceux-ci mesurent généralement 200 pieds et moins, et ils appartiennent généralement à des personnes très sensibles à l’endroit où ils vont et ils sont exploités par des capitaines respectueux (de l’environnement).»

Pendant ce temps, M. Langley dit qu’il travaille sur une stratégie de tourisme maritime pour la Nouvelle-Écosse qui comprendra des sections sur la durabilité et les meilleures pratiques pour les marinas et les secteurs riverains.

«Je suis très sensible à cela, a-t-il déclaré. J’ai grandi en Nouvelle-Écosse le long du détroit de Northumberland et j’ai la chance d’avoir un logement à Baddeck… Ces endroits sont très spéciaux.»