Menaces tarifaires: QS propose la hausse du prix de l’électricité vendue aux É.-U.

MONTRÉAL — En réponse aux menaces tarifaires brandies par le président élu Donald Trump, Québec solidaire (QS) demande au premier ministre François Legault de songer à augmenter le prix de l’hydroélectricité vendue aux États-Unis.

La co-porte-parole de QS, Ruba Ghazal, invite le premier ministre à envisager cette mesure, dans le cas où le président américain mettrait à exécution sa menace d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les produits canadiens.

«Face à ces menaces de hausses tarifaires de Donald Trump, il faudrait qu’on utilise le levier le plus puissant que possède le Québec, et c’est notre hydroélectricité», a affirmé Mme Ghazal, en entrevue, dimanche.

Elle a indiqué que le Québec pourrait se positionner en disant que, si les États-Unis appliquent leur menace de tarifs douaniers, la province arrêterait de «faire des cadeaux» sur les tarifs de l’hydroélectricité.

«On le sait, il y a des États, notamment New York, la Nouvelle-Angleterre, qui dépendent de l’énergie propre du Québec», a dit la députée solidaire.

Hydro-Québec précise d’ailleurs sur son site web qu’environ la moitié des exportations d’électricité du Québec est destinée à la région de la Nouvelle-Angleterre, qui inclut le Maine, le Vermont, le New Hampshire, le Massachusetts, le Connecticut et Rhode Island.

Alors que les premiers ministres des provinces doivent se rendre à Washington le 12 février dans le cadre d’une mission dirigée par le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, Mme Ghazal estime que M. Legault n’a pas à attendre cette rencontre pour faire sa proposition sur les tarifs d’hydroélectricité.

«Les intérêts des différentes provinces canadiennes des fois ne sont pas enlignés, on n’a pas besoin d’attendre d’avoir un consensus», a-t-elle soutenu.

Mme Ghazal a indiqué que le contexte actuel met en lumière que la meilleure façon pour le Québec de défendre ses intérêts est d’être indépendant.

«Pour Québec solidaire, c’est clair que l’indépendance du Québec va faire en sorte qu’on va pouvoir parler d’une voix forte et unie au Québec pour défendre nos propres intérêts, qui ne sont pas les mêmes que ceux des autres provinces au Canada», a-t-elle dit.

Toutefois, comme l’indépendance de la province n’aura pas lieu rapidement, la co-porte-parole de QS invite le Québec à mettre de l’avant le levier de l’hydroélectricité dans les négociations avec les États-Unis et à être proactif.

«Dans la situation urgente où Donald Trump va devenir président officiellement le 20 janvier, utilisons nos propres leviers, utilisons ce que nous possédons qui nous permet d’éviter cette hausse tarifaire sans attendre après le reste du Canada», a-t-elle plaidé.

Dans une réponse écrite transmise à La Presse Canadienne, la porte-parole du cabinet de la ministre l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, a affirmé qu’il fallait garder la tête froide. «Attendons de connaître les véritables actions de M. Trump. En ce moment, toutes nos énergies doivent être consacrées à éviter que ces tarifs soient imposés», dit-on.

Hydro-Québec a pour sa part refusé de commenter cette proposition.

Pas une mesure judicieuse, selon un expert

Pour Dan Kraft, chargé de cours à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, cette idée d’augmenter les tarifs d’hydroélectricité aux États-Unis correspond à des «fanfaronnades politiques».

«En vérité, ça n’a aucun effet. La meilleure chose à faire, ce serait d’essayer de parler, de créer un espace de dialogue avec le gouvernement fédéral ou les futurs représentants du gouvernement fédéral, pour essayer d’établir un agenda constructif avec les États-Unis», affirme-t-il, en entrevue.

Il souligne que le fait d’ajouter des frais douaniers pour l’exportation de l’énergie aux États-Unis pourrait engendrer des bagarres juridiques «si on change le contrat de façon soudaine», et ainsi des pertes pour Hydro-Québec.

«Créer un tarif, ça ne dépend pas d’un parti politique, et ça ne dépend pas de la province de Québec. Ce serait une question au fédéral», précise-t-il.

M. Kraft estime qu’il est nécessaire d’observer ce que fera M. Trump une fois qu’il sera entré en fonction.

«Je suis sûr que, quand M. Trump va devenir président, la réalité va se présenter autrement, de façon assez différente, parce qu’il peut dire n’importe quoi pour le moment. Mais à partir du moment où il prend le pouvoir, il y a des règles à suivre», explique-t-il, en citant les règles inscrites dans l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) et celles de l’Organisation mondiale du commerce.