Mélanie Joly déplore la réforme judiciaire du gouvernement Netanyahou en Israël

OTTAWA — La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, presse Israël d’abandonner sa réforme controversée du système judiciaire, après deux mois d’importantes manifestations.

Mme Joly s’est entretenue jeudi au téléphone avec son homologue israélien, Eli Cohen, et selon un compte-rendu officiel de cet entretien, la ministre aurait souligné «le soutien du Canada à la démocratie, à la primauté du droit et aux institutions qui les sous-tendent».

Une source d’Affaires mondiales Canada familière avec cet entretien a indiqué que la ministre Joly avait spécifiquement souligné qu’Ottawa surveillait de près la réforme judiciaire d’Israël. 

«Elle a également indiqué que le Canada considérait le dialogue et la recherche de consensus comme des outils essentiels pour mener des changements soutenus par la population», a déclaré cette source.

Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a jusqu’ici rejeté tout compromis visant à résoudre l’impasse sur ses projets de réforme du système judiciaire du pays, qui permettrait au Parlement de passer outre un arrêt de la Cour suprême.

Le changement proposé, qui a été aussi critiqué par le président américain Joe Biden, concentrerait le pouvoir en Israël entre les mains de la coalition parlementaire dirigée par M. Netanyahou. Selon le premier ministre israélien, cette réforme est nécessaire pour contrer ce qu’il considère comme un pouvoir excessif confié à des juges, non élus.

L’ancien procureur général Avichaï Mandelblit a récemment accusé le premier ministre Netanyahou de proposer cette réforme afin de contrecarrer le procès criminel en cours dans lequel il fait face à des accusations de corruption.

Le président du pays, Isaac Herzog, a averti que «l’abîme est à portée de main» en Israël et qu’une guerre civile est possible. Et l’ancien premier ministre israélien Ehud Olmert a exhorté jeudi les dirigeants mondiaux à boycotter M. Netanyahou.

Palestiniens

Selon le compte-rendu d’Ottawa, la ministre Joly aurait aussi dénoncé, lors de son entretien, «les gestes unilatéraux qui compromettent les efforts de paix», comme l’expansion par Israël des colonies juives, qui sont illégales au regard du droit international.

«Mme Joly a exprimé les profondes préoccupations du Canada face à la récente escalade de violence en Israël et en Cisjordanie, et elle a souligné la nécessité de s’engager dans des actions significatives pour rétablir le calme et apaiser les tensions», indique le compte-rendu fédéral.

Pendant des décennies, le Canada a préconisé la «solution à deux États» au Proche-Orient, qui verrait la création d’un État de Palestine aux côtés d’Israël.

Une série d’attaques palestiniennes au printemps dernier a conduit à une année d’affrontements violents et de raids israéliens en Cisjordanie, tandis que les Israéliens de droite continuent d’étendre les colonies juives dans les territoires occupés.

La semaine dernière, à Ottawa, la ministre norvégienne des Affaires étrangères, Anniken Huitfeldt, a déclaré que le conflit était au pire depuis trois décennies, et que de nombreux pays en développement trouvaient hypocrite que les États condamnent l’invasion russe de l’Ukraine sans condamner aussi les colonies israéliennes. «Nous devons être très fermes lorsqu’il s’agit d’occupation, partout.»

Plus tôt ce mois-ci, des militants pro-Palestiniens ont critiqué trois sénateurs canadiens pour avoir invité au Canada un politicien de droite, lors de leur visite en Israël. Amir Ohana, président du Parlement israélien, a déjà suscité la controverse en affirmant dans des entrevues que les musulmans étaient enclins à une «culture meurtrière». À titre d’ancien ministre de la Sécurité publique, il avait modifié la liste de vaccination prioritaire contre la COVID-19 pour en exclure les prisonniers palestiniens.

Le président du Sénat canadien, le non-affilié George Furey, et le leader des conservateurs au Sénat, Don Plett, n’ont pas voulu commenter ces critiques, mais la sénatrice non affiliée Patti LaBoucane-Benson a indiqué que la délégation avait exhorté les Israéliens à œuvrer pour la paix.

«Nous avons travaillé avec des responsables consulaires dans le but d’entendre diverses perspectives, tout en gérant les considérations logistiques et de sécurité», avait-elle déclaré à l’époque, ajoutant que la délégation voulait rencontrer des responsables palestiniens, mais n’avait pas pu le faire.

La menace iranienne

Dans l’entretien téléphonique de jeudi, Israël avait ses propres critiques des politiques canadiennes. 

Bien qu’Israël n’ait pas publié son propre compte-rendu de l’appel, M. Cohen a écrit sur Twitter que les deux ministres avaient discuté du Hezbollah ainsi que des capacités nucléaires de l’Iran. 

Le ministre Cohen soutient qu’il a exhorté Mme Joly à inscrire le Corps des gardiens de la révolution islamique du pays dans la liste des entités terroristes.

Les libéraux ont toujours résisté, en plaidant que cette désignation punirait les Iraniens qui sont enrôlés dans cette milice pour des rôles non combattants. 

Le gouvernement libéral a plutôt interdit à plus de 10 000 anciens gardiens de la révolution d’entrer au Canada.