Manifestation contre les frais pour les étudiants des universités anglophones

MONTRÉAL — Des centaines de manifestants ont marché jusqu’au bureau montréalais du premier ministre François Legault lundi après-midi pour s’opposer à la décision du gouvernement de faire passer de 8992 $ à près de 17 000 $ dès l’an prochain la facture annuelle pour les nouveaux étudiants canadiens d’universités anglophones.

Des dizaines d’étudiants de l’Université Bishop’s, reconnaissables parmi les autres par leur coton ouaté et leur tuque mauve, ont fait le trajet de Sherbrooke à Montréal en autobus scolaire lundi pour participer à la marche au centre-ville.

Parmi eux, il y avait Sophia Stacey, qui craint pour la survie de son université si Québec double les droits de scolarité des étudiants venant d’autres provinces canadiennes.

«C’est 180 ans d’histoire qui va disparaître», s’est inquiétée la présidente du Conseil représentatif des étudiants de l’Université Bishop’s, en expliquant que les frais décourageront les étudiants de venir au Québec.

Répondant en français aux questions de La Presse Canadienne, l’étudiante en science politique et psychologie économique a expliqué que nombre d’étudiants comme elle apprennent le français pendant leur parcours universitaire dans les Cantons de l’Est.

«Je ne parlais pas en français dans ma famille en Alberta, mais j’ai déménagé au Québec pour l’apprendre», a indiqué Sophia Stacey qui soutient avoir appris la langue en travaillant pendant trois ans dans une épicerie de Sherbrooke.

«Si tu marches dans les rues de Lennoxville ou Sherbrooke, tu entends le français partout, même si tu marches sur le campus, tu entends le français partout, même si tu étudies en anglais», a ajouté Sophia Stacey qui a souligné «aimé beaucoup le Québec».

Catherine Bibeau-Lorrain, présidente de l’Union étudiante du Québec, un regroupement d’associations étudiantes universitaires totalisant plus de 94 000 membres à travers le Québec, prenait également part à la manifestation.

«On dirait de l’improvisation. La ministre de l’Enseignement supérieur (Pascale Déry) a fait cette annonce-là sans chiffre à l’appui, sans analyse d’impact à l’appui» et «nous, on est contre toutes hausses des frais de scolarité», a fait valoir la présidente de l’Union étudiante du Québec.

Près d’elle, des étudiants distribuaient des carrés rouges, symbole de la lutte à l’augmentation des droits de scolarité proposée par le gouvernement libéral en 2012.

La députée libérale Marwah Rizqy, qui participait à la marche, est d’avis que la mesure du gouvernement serait «dévastatrice» pour l’Université Bishop’s, mais elle serait aussi néfaste, selon elle, pour la réputation de la province. 

«Il y a 30 %  des étudiants (de l’Université Bishop’s) qui viennent d’en dehors du Québec, du reste du Canada, et ce sont aussi des ambassadeurs lorsqu’ils décident de retourner dans leur province. Ça nous permet justement de réduire ce qu’on appelle les deux solitudes parce qu’on a des gens qui ont habité au Québec, qui ont pris part à la culture québécoise et qui repartent enrichis de leur expérience québécoise.»

La députée de Saint-Laurent a souligné à nouveau ce qu’elle perçoit comme un paradoxe dans le discours du gouvernement.

«Le premier ministre Legault dit que ces étudiants repartent» après leurs études à Montréal et que les contribuables québécois ne devraient pas avoir à subventionner les étudiants de l’extérieur de la province, a souligné la députée.

«Mais le ministre de la Langue française, François Roberge, dit que le problème est qu’ils restent à Montréal et qu’ils anglicisent Montréal, alors il faudrait peut-être que ce petit groupe ministériel se parle entre eux», a indiqué Marwah Rizqy.

Legault: arrêter le déclin du français est «non négociable»

Les mesures annoncées par le gouvernement ont été largement critiquées, non seulement par les universités anglophones et le milieu des affaires, mais par le gouvernement Trudeau à Ottawa et les partis d’opposition à Québec.

Lors d’un point de presse lundi à Québec, le premier ministre Legault a répondu aux critiques de cette façon: «Actuellement, il y a un déclin du français au Québec. Et entre autres, il y a beaucoup d’étudiants anglophones. Donc l’idée des mesures annoncées, c’était d’arrêter la progression du nombre d’étudiants anglophones au Québec.  Est-ce qu’il y a d’autres moyens d’y arriver? Moi, ça me fera plaisir dans les prochaines semaines de rencontrer les trois recteurs (des universités anglophones) pour voir s’ils ont d’autres suggestions à faire. Mais pour moi, c’est non négociable, notre gouvernement va renverser le déclin du français au Québec».

Le premier ministre a ajouté que «si on parle des ayants droit,  il y a 9 % d’anglophones au Québec», mais que «25 % des places dans les universités au Québec» sont dans les trois universités anglophones.

«Est-ce qu’on laisse monter ça à 30 %, à 40 %?» , a demandé le premier ministre en réitérant «qu’il faut arrêter et renverser le déclin du français».

Il y a deux semaines, Québec a indiqué qu’à compter de l’automne 2024, la politique des droits de scolarité sera moins généreuse pour les nouveaux étudiants non québécois qui étudient ici dans une université anglophone.

La mesure touchera les nouveaux étudiants internationaux et les étudiants des autres provinces qui viennent étudier dans une université anglophone du Québec, au premier cycle et au deuxième cycle professionnel.

Ainsi, les étudiants canadiens paieront l’équivalent de ce que leur formation coûte au gouvernement du Québec, soit 17 000 $ plutôt que 8992 $.

Il s’agit d’un tarif «plancher», avait précisé en conférence de presse à Montréal la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, puisque les universités conservent le droit de facturer des «montants discrétionnaires».

Les étudiants internationaux paieront 20 000 $.