L’«immunité hybride» ne protège pas toujours les personnes âgées en milieux de vie

Des personnes âgées qui vivent dans des centres de soins de longue durée ou des résidences pour aînés ont contracté la COVID-19 même si elles avaient été infectées quelques mois plus tôt par un sous-variant d’Omicron, suggère une nouvelle étude publiée lundi.

Ces résultats ont «énormément surpris» les chercheurs, car ils remettent en question le concept d’«immunité hybride» au coronavirus, a déclaré Dawn Bowdish, auteure principale de l’étude et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur le vieillissement et l’immunité à l’Université McMaster, à Hamilton, en Ontario.

L’immunité hybride se produit lorsque des personnes ont été vaccinées contre le SRAS-CoV-2 et ont aussi été infectées par le coronavirus. 

Cette immunité hybride est censée offrir une protection accrue contre la réinfection et les maladies graves, selon de nombreux experts en santé publique, en maladies infectieuses et en immunologie.

Or, cette étude observationnelle a révélé le contraire chez 750 personnes âgées vivant dans 26 centres de soins de longue durée et résidences pour aînés en Ontario, a déclaré Mme Bowdish.

Les personnes âgées vaccinées qui avaient été infectées par des variants d’Omicron au début de 2022 — qui jouissaient donc de l’immunité hybride — ont été environ 20 fois plus susceptibles d’être réinfectées par un autre variant d’Omicron plus tard cette année-là que les personnes âgées vaccinées qui n’avaient jamais été infectées, a déclaré la professeure Bowdish.

Bien des inconnues

L’étude, évaluée par des pairs et publiée dans la revue en libre accès «eClinicalMedicine» du Lancet, démontre que beaucoup de choses sont encore inconnues sur la façon dont ce virus infecte les gens, a déclaré Mme Bowdish.

«La stratégie de vaccination (au Canada) repose sur cette hypothèse selon laquelle le fait d’avoir eu une infection récente vous protégera d’une infection au moins pendant une courte période. Notre étude montre que pour certains variants, chez certaines personnes, ce n’est tout simplement pas vrai», a-t-elle déclaré. 

Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) recommande actuellement des injections de rappel au moins six mois après la dose précédente ou une infection connue — selon la plus récente éventualité.

Cette recommandation inclut les personnes âgées de 65 ans et plus en général — y compris celles qui vivent dans des centres de soins de longue durée et des résidences pour aînés. Or, sur la base des résultats de l’étude, on pourrait envisager des doses de rappel plus fréquentes pour ces populations vulnérables, a suggéré la professeure Bowdish.

Limites de l’étude

L’une des limites de l’étude est qu’on ne sait pas si les mêmes réinfections se produiraient dans une population plus jeune ou si le phénomène est spécifique aux personnes âgées, a-t-elle précisé.

Une autre limite, a-t-elle dit, est que l’étude n’a examiné que des sous-variants spécifiques d’Omicron — ceux qui circulaient au moment où la recherche a été menée. Les chercheurs ont voulu savoir si les résidents qui avaient déjà été infectés par les variants d’Omicron BA.1 ou BA.2 au début de 2022 avaient été réinfectés par un variant suivant d’Omicron, le BA.5, trois à six mois plus tard.

Il n’y a aucun moyen de savoir sans étude plus approfondie si une infection antérieure augmente ou diminue le risque de réinfection par d’autres sous-variants d’Omicron, telles que les XBB et EG.5 actuellement en circulation, a précisé Mme Bowdish.

Mais «si le virus développe cette capacité (de réinfecter) une fois, rien ne dit qu’un autre variant ne pourrait pas avoir aussi cette capacité», a-t-elle déclaré.

D’autres facteurs

L’équipe de recherche a exclu le plus de variables possible, a précisé Mme Bowdish.

Mais de nombreux facteurs auraient pu influencer les résultats de l’étude, a précisé la docteure Allison McGeer, spécialiste des maladies infectieuses et microbiologiste à l’hôpital Mount Sinai de Toronto, qui n’a pas participé à la recherche.

«L’un des énormes problèmes avec les études sur la COVID qui ne sont pas randomisées, c’est que non seulement vous ne pouvez pas contrôler l’exposition, mais vous ne pouvez souvent pas mesurer l’exposition», a déclaré Mme McGeer.

Il est «particulièrement difficile» d’identifier et de suivre les variables d’exposition à la COVID-19 dans les établissements de soins de longue durée et les résidences pour aînés, a-t-elle souligné.

«Ça dépend où vous mangez, ça dépend avec qui. Ça dépend combien de temps met l’ascenseur pour descendre manger, ou le temps qu’il met pour arriver, ou avec qui vous faites des activités ou le nombre de soignants (…) Ce sont toutes des choses que nous ne pouvons pas mesurer», a souligné la docteure McGeer.

Les conclusions de l’Université McMaster sont plausibles, a-t-elle admis, mais les réinfections pourraient aussi être attribuables aux différences d’exposition dans ces milieux de vie.

Angela Rasmussen, virologue à l’Université de la Saskatchewan, estime quant à elle que les résultats de l’étude sont «cohérents avec notre compréhension de l’immunité conférée par l’infection seule», sans vaccination.

«Certaines personnes développeront une réponse immunitaire suffisante pour offrir une protection équivalente à la vaccination, mais d’autres non, probablement en raison d’une combinaison de variables, y compris la gravité ou la robustesse de l’infection initiale, et la réponse [immunitaire] de la personne infectée», a écrit dans un courriel Mme Rasmussen, qui n’était pas non plus impliquée dans l’étude.

«Dans l’ensemble, ce que je retiens, c’est qu’on ne devrait pas compter sur l’immunité hybride pour fournir une protection supplémentaire, en plus des vaccins, dit-elle. L’immunité hybride peut être bénéfique pour certaines personnes, mais ce n’est pas un moyen infaillible de se protéger contre les infections.»

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