Les véhicules électriques sont toujours trop chers pour plusieurs Canadiens

TORONTO — Le marché canadien des véhicules électriques ne cesse de croître, mais ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour les consommateurs, ou pour l’environnement.

Les constructeurs s’appuient fortement sur les véhicules utilitaires sport (VUS), les camions et les grosses voitures électriques, ce qui signifie des prix et des bénéfices élevés pour les constructeurs automobiles.

Cette tendance a contribué à faire grimper le prix moyen d’un véhicule électrique à près de 73 000 $, selon le Canadian Black Book, ce qui le rend hors de portée pour la plupart des ménages. Cela est vrai même si les baisses de prix de Tesla exercent une pression à la baisse.

Les experts affirment que des options moins coûteuses seront cruciales si le Canada veut abandonner le moteur à combustion. Ils indiquent que les constructeurs automobiles chinois pourraient combler le vide si les acteurs établis ne se mobilisent pas.

«Nous devons absolument trouver un moyen de produire des véhicules plus abordables», a déclaré Rebekah Young, responsable de la résilience économique à la Banque Scotia.

Dans un rapport récent, son équipe a calculé que les prix des véhicules électriques devront baisser d’environ un tiers pour être abordables pour les ménages à revenu moyen, et de moitié pour ceux des tranches de revenus les plus faibles.

Le besoin de véhicules moins chers se fait sentir alors que les Canadiens sont contraints d’assumer d’autres coûts élevés, tels que celui de leur logement. Mme Young a toutefois déclaré que la baisse des prix des véhicules électriques ne serait pas facile : les constructeurs automobiles sont confrontés à une pression croissante sur les coûts des matériaux et la main-d’œuvre, jusqu’aux énormes efforts de recherche et de modernisation des usines nécessaires à la transition vers les véhicules électriques.

Ces enjeux, ainsi que les problèmes de chaîne d’approvisionnement, ont contribué à pousser les constructeurs automobiles à se concentrer sur des véhicules plus gros.

Les options pour les véhicules électriques canadiens sont passées de neuf modèles, en 2018, à 32 modèles, en 2022, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Au cours de la même période, le nombre d’options de VUS est passé de deux à 19, tandis que le nombre de modèles de petites voitures a diminué, passant de trois à deux.

L’AIE a averti dans son dernier rapport sur les véhicules électriques que la «domination écrasante des VUS et des grands modèles» est une préoccupation majeure dans les efforts visant à s’éloigner des combustibles fossiles.

Les constructeurs automobiles affirment qu’ils utilisent des véhicules plus chers pour aider à financer la transition et qu’ils pourraient proposer des options moins chères à l’avenir.

Toutefois, les entreprises nord-américaines n’ont peut-être pas le luxe de disposer de suffisamment de temps.

Le marché européen est déjà sous la pression des constructeurs chinois qui cherchent de plus en plus à se développer au-delà de leur marché national après des années de croissance intensive soutenue par l’État, qui a conduit à des véhicules radicalement moins chers.

BYD, une société chinoise soutenue par l’investisseur milliardaire Warren Buffett, a lancé une voiture à hayon appelée Seagull au salon automobile de Shanghai, en avril. Le prix de ce modèle commence à l’équivalent d’environ 14 600 $ pour une version à autonomie de 305 kilomètres.

La société a fait la promotion de son modèle Dolphin en Europe, bien qu’à un prix nettement plus intermédiaire d’environ 30 000 euros, rejoignant ainsi une forte poussée sur le continent de MG, propriété du plus grand constructeur automobile chinois SAIC Motor, ainsi que de la société mère de Volvo, Geely, et de nouveaux venus tels que NIO. 

La Commission européenne a déclaré le mois dernier que le marché était «inondé de voitures électriques chinoises moins chères», alors qu’elle lançait une enquête anti-subventions.

Il ne sera cependant pas si facile de faire la même chose en Amérique du Nord, car le gouvernement américain impose des droits de douane de 27,5 % sur les importations chinoises de véhicules électriques et ses programmes d’incitation aux acheteurs sont liés aux véhicules produits au pays.

Le Canada n’a pas les mêmes mesures protectionnistes, mais ce n’est probablement pas un marché assez grand pour que les constructeurs automobiles chinois puissent se lancer ici seuls, a indiqué Sam Fiorani, vice-président des prévisions mondiales de véhicules chez AutoForecast Solutions.

Les constructeurs automobiles chinois gagnent cependant déjà du terrain au Mexique, a-t-il dit, ce qui mènera probablement dans les prochaines années à une usine de production qui leur donnera accès à l’ensemble du marché nord-américain.

«Les importations chinoises au Mexique ont augmenté à un tel rythme qu’il est inévitable que nous assistions à l’annonce d’une usine», a affirmé M. Fiorani.

Une vague de véhicules chinois moins chers pourrait aider le Canada à atteindre ses objectifs en matière de véhicules électriques, mais entraînerait la perte des avantages de la production nationale sur laquelle le gouvernement canadien mise tant, a souligné Mme Young.

Les gouvernements et les entreprises doivent utiliser le temps dont ils disposent désormais pour trouver des solutions, plutôt que de simplement essayer d’écarter la concurrence, a-t-elle plaidé.

«On peut ériger des barrières, ce qui fait gagner un peu plus de temps, mais cela n’accélère pas nécessairement de manière significative l’innovation.»