Les membres de l’OTAN réitèrent leur appui à l’adhésion de l’Ukraine en temps et lieu

VILNIUS, Lituanie — Les membres de l’OTAN ont convenu mardi d’adresser à l’Ukraine une invitation à rejoindre l’alliance militaire «lorsque les alliés l’auront décidé et que les conditions seront réunies» — sans toutefois préciser ce calendrier.

Les dirigeants des pays membres de l’alliance militaire, réunis à Vilnius, en Lituanie, pour leur assemblée annuelle, se sont seulement engagés à aider l’Ukraine à mettre en œuvre des réformes «et à avancer sur le chemin de sa future adhésion».

Les pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) se sont par ailleurs engagés à augmenter leurs dépenses militaires, même si le Canada et d’autres pays n’ont pas atteint l’objectif précédent de 2 % du PIB, fixé il y a plusieurs années.

«Nous avons réaffirmé que l’Ukraine deviendrait membre de l’OTAN et avons convenu de supprimer l’exigence d’un ‘plan d’action’ pour son adhésion, a déclaré mardi le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. La voie d’adhésion de l’Ukraine passera maintenant d’une voie en deux étapes à une voie en une seule étape», a-t-il annoncé.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui se rendait à Vilnius pour l’assemblée annuelle, a déploré cette décision. «C’est sans précédent et absurde, qu’un échéancier ne soit fixé ni pour l’invitation ni pour l’adhésion de l’Ukraine», a écrit M. Zelensky sur Twitter.

«Alors qu’en même temps, une formulation vague sur les ‘conditions’ est même ajoutée pour inviter l’Ukraine, a-t-il déclaré, faisant référence à la déclaration des dirigeants de l’OTAN publiée mardi. Il semble qu’il n’y ait aucune volonté réelle d’inviter l’Ukraine à l’OTAN ou d’en faire un membre de l’Alliance.»

La déclaration publiée mardi par les dirigeants des pays de l’OTAN indique également que les membres s’engagent, «dans la durée, à consacrer chaque année au moins 2 % de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense». Un cinquième de ces sommes devrait aller aux «équipements majeurs et à la recherche et développement» en défense.

Les alliés conviennent qu’il est «urgent de faire plus» si les pays membres veulent continuer d’honorer leurs engagements en tant que membres de l’OTAN.

Mais environ le tiers seulement des 31 pays membres de l’OTAN consacrent actuellement 2 % ou plus de leur PIB à la défense. Le Canada a accepté cette cible, mais n’a pas établi de plan pour l’atteindre; ses dépenses militaires actuelles se situent à un peu moins de 1,3 %.

La première ministre estonienne, Kaja Kallas, a déclaré que son message aux alliés était que la menace de la Russie est réelle et qu’il en fallait plus.

Mme Kallas a rencontré son homologue Justin Trudeau, plus tôt mardi, et elle l’a remercié pour l’engagement du Canada à déployer plus de militaires et consacrer plus d’argent à la mission de l’OTAN en Lettonie voisine.

Le premier ministre Justin Trudeau et la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, écartent sans relâche les allégations selon lesquelles le Canada ne fait pas sa juste part. Mais certains observateurs estiment que le temps est venu pour le Canada de signaler à ses alliés qu’il est sérieux quant à l’atteinte de ses objectifs.

Approvisionnement difficile

«Je ne pense pas que le Canada puisse simplement garder la tête basse et éviter cette question», croit Tim Sayle, spécialiste de l’OTAN et professeur d’histoire à l’Université de Toronto. Il prévoit que des alliés intensifieront probablement leur pression sur des pays comme le Canada, l’Allemagne, le Danemark et la Belgique, qui sont à la traîne en matière de dépenses militaires.

De vieux problèmes nationaux jouent également un rôle dans la réputation mondiale du Canada, a déclaré Stephen Saideman, professeur à l’Université Carleton. Le gouvernement canadien «n’a pas fixé les processus d’approvisionnement», soutient-il. «Et il y a une pénurie de personnel. Mis ensemble, ces deux facteurs rendent difficile, tout simplement difficile, de dépenser de l’argent. Même si vous allouez beaucoup d’argent, la dépense réelle est difficile.»

Les changements attendus lors du sommet de cette année à Vilnius comprennent de nouveaux plans de défense européens et un plan d’action pour la production en défense, ce qui, selon Jens Stoltenberg, «augmentera la capacité et facilitera la collaboration».

Les processus d’approvisionnement en matière de défense au Canada sont notoirement longs et souvent semés de controverses, car des acteurs nationaux et étrangers se disputent de lucratifs contrats. «À certains égards, il pourrait y avoir des solutions intéressantes pour que le Canada travaille avec d’autres alliés dans le domaine du développement et de l’approvisionnement, selon le professeur Sayle. Le problème que nous rencontrons est que l’approvisionnement constitue une partie importante de la politique intérieure.»

Ainsi, à l’heure actuelle, la société canadienne Bombardier s’associe à General Dynamics dans le but d’encourager le gouvernement fédéral à les laisser soumissionner sur un contrat pour remplacer la flotte vieillissante d’avions de surveillance Aurora. Ottawa a insisté sur le fait qu’il poursuivait un processus ouvert d’appel d’offres, mais il a pris des mesures pour obtenir l’approbation du département d’État américain afin d’acheter jusqu’à 16 avions P-8A Poseidon, de Boeing.

Lors d’une séance d’information précédant l’ouverture du sommet de l’OTAN, de hauts responsables gouvernementaux ont fait remarquer qu’Ottawa avait augmenté les dépenses de défense de 70 % depuis 2014.«C’est certainement vrai que ce gouvernement a dépensé plus d’argent dans la défense — du moins qu’il a essayé de dépenser plus d’argent», a estimé le professeur Saideman.

Lundi, le premier ministre Trudeau a annoncé l’intention du gouvernement de dépenser 2,6 milliards $ sur trois ans pour renforcer la présence canadienne sur le front oriental de l’OTAN, en transformant en «brigade apte au combat» d’ici 2026 le groupement tactique multinational dirigé par le Canada en Lettonie.

Le gouvernement Trudeau a aussi promis environ 40 milliards $ pour la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), ainsi que des milliards pour l’achat d’avions de chasse F-35 et la construction de nouveaux navires de guerre. Toutes ces promesses devraient nécessairement augmenter les dépenses militaires du Canada.

Plus tôt cette année, un article du «Washington Post» a cité des documents divulgués selon lesquels M. Trudeau avait dit en privé à des responsables américains que le Canada n’atteindrait pas l’objectif de dépenses de 2 % du PIB.

«C’était en partie une question d’honnêteté quant à nos limites, et en partie les priorités de ce gouvernement», estime le professeur Saideman. M. Trudeau «ne veut pas dépenser 2 % pour l’armée, car cela signifierait soit augmenter les impôts, soit dépenser moins d’argent pour autre chose».

Dans un communiqué publié lundi, le porte-parole conservateur en matière de défense, James Bezan, et son collègue porte-parole en matière d’affaires étrangères, Michael Chong, ont fait valoir que la stature du Canada en tant que partenaire de confiance de l’OTAN s’était affaiblie sous le gouvernement Trudeau. 

«Nos troupes ont du mal à faire le travail que leur pays leur demande en raison de la pénurie de personnel et du manque d’équipement, indique le communiqué. Le premier ministre Trudeau a l’occasion, lors du sommet de Vilnius, de s’engager à remédier à cette négligence.»