Les libéraux accusent les conservateurs de délaisser l’Ukraine dans des publicités

OTTAWA — S’ils accusaient déjà les conservateurs de «tourner le dos à l’Ukraine», les libéraux ont choisi de faire passer leur message dans des publicités qui sont diffusées dans près d’une vingtaine de circonscriptions des Prairies où vivent d’importantes communautés ukrainiennes.

Les publicités ont été placées dans des journaux qui sont publiés dans 18 circonscriptions conservatrices.

Celles-ci soutiennent que le chef de l’opposition officielle, Pierre Poilievre, et son parti abandonnent l’Ukraine parce qu’ils ont voté contre un projet de loi visant à mettre en œuvre la nouvelle mouture de l’accord commercial entre le Canada et ce pays déchiré par la guerre.

Les publicités en noir et blanc présentent les visages des députés conservateurs des Prairies aux côtés de M. Poilievre et de gros caractères sur lesquels on peut lire «abandonner l’Ukraine».

Un porte-parole du Parti libéral a affirmé dans une déclaration que les conservateurs «tournent le dos à l’Ukraine en cette période difficile».

«En cette période mondiale difficile, les Canadiens ont besoin d’un dirigeant qui a fait ses preuves et qui défendra les intérêts du Canada sur la scène internationale et qui se tiendra aux côtés de nos alliés», a déclaré Parker Lund, qui a confirmé qu’il s’agissait de la première campagne publicitaire dans les journaux lancée par les libéraux en un an.

À partir de mercredi, les annonces devaient paraître dans quatre journaux, dont le Yorkton This Week, le Winnipeg Sun, le Sherwood Park News et le Saskatoon Star Phoenix.

Invité à commenter les publicités, un porte-parole de M. Poilievre a accusé les libéraux d’utiliser la campagne pour diviser et distraire les Canadiens.

«(Le premier ministre) Justin Trudeau et ses libéraux déconnectés cherchent désespérément à détourner l’attention de la misère et de la douleur qu’ils infligent aux Canadiens après huit ans au pouvoir», a soutenu Sebastian Skamski dans une déclaration, mercredi.

M. Skamski a également réaffirmé le soutien de son parti à l’Ukraine dans sa guerre contre les envahisseurs russes.

La législation commerciale attend toujours un vote final à la Chambre des communes.

Les libéraux ne sont pas les seuls à demander aux conservateurs de revoir leur position, l’ambassadeur d’Ukraine et le Congrès ukrainien canadien demandant également à M. Poilievre d’appuyer le projet de loi.

L’ancien ministre conservateur et député Peter Kent s’est également prononcé contre le vote du parti d’opposition, affirmant sur les réseaux sociaux que la politique partisane l’emportait sur «l’unité de principe et le soutien à une démocratie vaillante».

La tarification du carbone en cause

Les conservateurs s’opposent au projet de loi concernant la modernisation de l’accord commercial Canada-Ukraine, puisqu’il stipule que les deux pays vont «promouvoir la tarification du carbone».

Le Canada et l’Ukraine ont déjà leurs propres plans de tarification du carbone.

La ligne d’attaque des conservateurs sur la tarification du carbone est un leurre, a déclaré Carlene Variyan, stratège libérale chez Summa Strategies et ancienne employée libérale.

«Je n’ai pas entendu parler d’un seul Canadien qui a acheté cette ligne, et je ne pense pas qu’ils réussiront à utiliser cela comme excuse ou comme bouc émissaire», a-t-elle indiqué.

Toutefois, même si les conservateurs ont fait quelques faux pas dans ce dossier, leur position ne concerne pas l’Ukraine ou sa guerre, a soutenu Duane Bratt, politologue à l’Université Mount Royal de Calgary.

«Les conservateurs aimeraient voter contre tout ce qui inclut le mot « carbone », et cela vient d’être pris dans ce dossier», a-t-il soutenu.

M. Poilievre a défendu à plusieurs reprises le bilan de son parti sur l’Ukraine à la Chambre des communes, affirmant que son parti avait poussé le Canada à envoyer à l’Ukraine des armes meurtrières avant même que la Russie ne lance son invasion à grande échelle au début de l’année dernière, et promettant que «nous défendrons les Ukrainiens». 

Pour M. Bratt, il s’agit surtout des libéraux qui cherchent une faille dans l’armure des conservateurs à un moment où ils deviennent de plus en plus populaires.

«Les libéraux sont loin derrière dans les sondages et c’est une sorte de pousse verte qu’ils voient et qu’ils tentent d’exploiter», a expliqué M. Bratt.

«Je ne pense tout simplement pas que ça va marcher.»

Un soutien hésitant vu aux États-Unis

Les libéraux tentent depuis des semaines de profiter de la position des conservateurs sur l’accord commercial avec l’Ukraine.

Avec leur nouvelle campagne, ils associent explicitement les députés conservateurs à ce que les annonces dans les journaux décrivent comme des «politiciens d’extrême droite» aux États-Unis – et ce n’est pas la première fois.

Le soutien à l’Ukraine est fort depuis longtemps au Capitole. Mais le flux persistant de l’aide militaire et gouvernementale américaine est en train de perdre la faveur de certains législateurs républicains, ainsi que de certains Américains.

Dans ce contexte, M. Trudeau a accusé M. Poilievre de jouer le jeu du Kremlin. 

La leader du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, a affirmé dans une récente entrevue avec La Presse Canadienne qu’il s’agissait en quelque sorte d’un «cadeau» pour le président russe Vladimir Poutine.

«Parce qu’il constate des divisions et un soutien hésitant à l’égard de l’Ukraine, et je pense que les députés conservateurs doivent vraiment y réfléchir», a-t-elle déclaré.

Au cours des dernières semaines, les libéraux ont également attaqué M. Poilievre sur les réseaux sociaux pour avoir qualifié l’Ukraine de «pays étranger lointain» lors de la période des questions à la Chambre des communes plus tôt ce mois-ci.

Les partisans ont lié le langage de M. Poilievre à celui de l’ancien président américain Donald Trump.

Ils ont également évoqué le premier ministre britannique Neville Chamberlain, qui, en 1938, avait décrit de manière tristement célèbre l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’Allemagne comme une «querelle dans un pays lointain entre des gens dont nous ne savons rien».

«Honte à eux d’utiliser le langage de l’apaisement et de l’isolement», a dit la vice-première ministre Chrystia Freeland au Parlement, la semaine dernière.