Les funérailles du pape François rassembleront un éventail rare de l’humanité
OTTAWA — L’ambassadrice du Canada auprès du Saint-Siège a déclaré que le Vatican sera la capitale mondiale, samedi, lors des funérailles du pape François, qui a gagné le respect de personnes très différentes.
«Rome sera bel et bien caput mundi, la capitale du monde», a remarqué Joyce Napier à La Presse Canadienne lors d’une entrevue vendredi depuis la Ville éternelle, où une «file silencieuse et constante» de personnes était venue rendre hommage au Saint-Père.
«Il faut se demander: qui d’autre, quelle autre personne aurait pu attirer une telle foule?»
Le Vatican indique que 250 000 visiteurs sont venus rendre visite à la dépouille du pape François, placée dans une basilique pendant trois jours avant les funérailles de samedi.
Mme Napier a précisé que des dignitaires canadiens siégeront aux côtés de 135 délégations, dont 50 chefs d’État, lors d’un rassemblement présentant un éventail de nationalités et de points de vue que peu d’autres pourraient réunir.
La gouverneure générale, Mary Simon, dirige la délégation canadienne aux côtés de son mari et du président du Sénat. D’importants dirigeants autochtones seront également présents, tout comme le juge en chef de la Cour suprême, Richard Wagner.
Mme Napier a affirmé que le pape François avait déployé de réels efforts pour promouvoir la réconciliation, notamment en visitant l’Alberta, le Québec et le Nunavut en 2022 pour présenter des excuses pour le rôle de l’Église catholique dans les pensionnats autochtones.
Il a également reçu des représentants des Premières Nations au Vatican pour de longs entretiens des heures et a fait restituer certains artefacts à des nations du Canada.
«Rares sont ceux qui ont l’occasion de passer autant de temps avec le Saint-Père, a-t-elle indiqué. Il existe une relation particulière entre ce pape et le Canada, entre ce pape et nos communautés autochtones.»
L’humilité franciscaine
Le pape François a décidé de son nom pour honorer saint François d’Assise, connu pour son humilité. Mme Napier a rappelé que le pape avait prononcé son premier discours public par un «bonsoir» informel et que son premier voyage en poste avait eu lieu à Lampedusa, une île italienne où des milliers de migrants arrivent sur des bateaux clandestins en provenance de pays africains.
Il a ensuite souvent parlé des pauvres, des femmes victimes de maltraitance et des minorités persécutées, notamment les personnes LGBTQ+, a salué Mme Napier. Le pape a fait installer au des douches, des cliniques et des services de restauration pour les sans-abri lorsqu’il a appris que certains vivaient dans la colonnade autour de la place Saint-Pierre.
En 2018, lors d’une visite au Chili, le pape François a provoqué la colère des habitants en renvoyant un journaliste qui l’interrogeait sur un scandale d’abus sexuels. Mais il a ensuite présenté ses excuses, ordonné une enquête et licencié des dirigeants religieux du pays. À Pâques dernier, il s’est rendu dans une prison pour parler aux détenus, regrettant de ne pas être en assez bonne santé pour leur laver les pieds comme il l’avait fait cérémonieusement les années précédentes.
«Il a commencé son pontificat de cette façon et l’a terminé de cette façon, a noté Mme Napier. Il a décidé en quelque sorte de démystifier l’Église et de la rendre plus accessible, plus ouverte.»
Mme Napier dit avoir fait l’expérience de l’humilité du pape François.
Elle l’a rencontré en juin dernier pour lui présenter ses lettres de créance, une procédure standard pour les ambassadeurs, quelle que soit leur affectation.
Elle est arrivée d’avance, et le pape François l’attendait. Elle avait apporté une mantille de dentelle noire, que les femmes portent traditionnellement lorsqu’elles rencontrent le pape, et hésitait à la mettre ou à entrer.
«Il s’en fiche; vous entrez comme bon vous semble», lui a dit un huissier.
Elle se souvient que le pape s’était montré curieux au sujet des proches qu’elle amenait, qu’il écoutait ce qu’ils avaient à dire et qu’il avait un bon sens de l’humour.
«C’était si facile. Je pensais que ce serait si difficile, mais la conversation s’est déroulée comme sur des roulettes», a-t-elle raconté. Le pape marchait alors avec une canne.
Sept mois plus tard, il passait la plupart de son temps assis et éprouvant des difficultés à s’exprimer lors d’une réunion avec des ambassadeurs étrangers le 9 janvier il laissait un assistant lire son discours.
«Il serait bon de ne pas perdre de vue le message du pape. C’était un message de paix, de fraternité et de compassion», a déclaré Mme Napier.
«Le monde a perdu cette voix. Et ce, même si c’était une voix qui irritait parfois les dirigeants mondiaux, même si c’était une voix avec laquelle beaucoup de gens n’étaient pas forcément d’accord.»
Un rôle diplomatique unique
Le Vatican affirme que ses relations extérieures sont parmi les plus anciennes de la planète, ayant ouvert une mission diplomatique vers 1500 après J.-C.
Mme Napier a noté que ce petit État n’a pas de politique commerciale ni de politique officielle, mais qu’il exerce une influence considérable grâce à ses relations diplomatiques avec 184 États, dont l’Iran, la Russie, Israël et la Palestine. Elle a été surprise de l’ouverture du Vatican à son opinion et à celle de ses collègues du monde entier.
L’Église gère également un réseau d’hôpitaux et d’écoles dans de nombreux pays, ce qui permet au Saint-Siège d’avoir une perspective de terrain sur les crises majeures.
«C’est un État unique en son genre; si petit par sa superficie et ses mètres carrés, mais dont l’influence dépasse largement sa taille», a remarqué Mme Napier.
«Ils disposent d’un vaste réseau et d’une quantité considérable d’informations sur des lieux qui intéressent tout le monde.»
L’ancienne journaliste de CTV dirige une équipe de quatre personnes possédant des décennies d’expérience du fonctionnement du Vatican. Cette mission aide le Canada à se renseigner sur ce qui se passe dans les zones difficiles d’accès et à maintenir le contact avec des pays avec lesquels Ottawa a peu ou pas de contacts diplomatiques. La mission tente également de faire avancer des dossiers progressistes qui irritent les dirigeants du Vatican.
Malgré certaines ouvertures du pape sur les questions LGBTQ+, l’avortement et l’aide médicale à mourir constituent des points de friction majeurs, a rapporté Mme Napier, tout comme le rôle des femmes dans l’Église.
«Il y a des points sur lesquels le Canada et le Vatican ne s’entendent pas», a-t-elle maintenu, tout en précisant que les deux pays partagent des opinions similaires sur les réfugiés, le changement climatique et l’intelligence artificielle.
«Il existe de nombreux sujets sur lesquels nous pouvons entretenir un dialogue fructueux.»