Les feux au Québec deux fois plus susceptibles de se produire en raison du climat

Les changements climatiques rendent les étés comme celui qui a conduit à la saison historique des incendies de forêt au Québec cette année au moins sept fois plus susceptibles de se reproduire, selon une nouvelle analyse scientifique.

L’étude du groupe britannique World Weather Attribution, publiée mardi, révèle que les émissions de gaz à effet de serre ont rendu les conditions météorologiques dans la province environ 50 % plus propices aux incendies entre mai et juin.

Les pires journées étaient deux fois plus susceptibles de se produire et étaient environ 20 % pires qu’elles ne l’auraient été sans les niveaux actuels de carbone dans l’air.

Ces résultats devraient alerter les gouvernements sur la nécessité de réduire les émissions et de se préparer aux conditions météorologiques des prochaines années, a soutenu une chercheuse qui a participé à l’étude.

«Le risque d’incendie augmente en raison des changements climatiques», a souligné Dorothy Heinrich, l’une des 17 co-auteurs du rapport.

«Des stratégies d’adaptation seront nécessaires pour réduire les facteurs de risque et diminuer leurs impacts.»

Des incendies de forêt se sont produits dans presque toutes les provinces du pays cet été et ont brûlé plus de 137 000 kilomètres carrés de forêt, soit environ le double du précédent record établi en 1995.

Certains des plus gros incendies qui se sont déclenchés au Québec ont eu lieu tôt dans la saison estivale.

En date du 16 août, la province avait perdu 53 000 kilomètres carrés de forêt, dont 12 000 kilomètres carrés lors d’un seul incendie. La fumée des feux s’est propagée au-delà de la province, affectant la qualité de l’air jusqu’à Toronto et forçant l’annulation de matchs de baseball à New York.

Nouvelle discipline

Les climatologues prévoient depuis longtemps une augmentation des incendies de forêt.

Il y a environ 20 ans, les scientifiques ont donc commencé à chercher des moyens de mesurer la contribution des changements climatiques pour certains phénomènes météorologiques extrêmes.

Depuis, des centaines d’articles sur «l’attribution» ont été révisés par des pairs et publiés.

Des gouvernements de partout dans le monde, notamment le Royaume-Uni, l’Australie, les Pays-Bas, la Corée du Sud, le Japon et les États-Unis, ont recours à la science de l’attribution. Le Canada a aussi mis en place son propre bureau sur cette discipline.

La science de l’attribution fonctionne en comparant des modèles climatiques. Un premier modèle utilise des données tirées d’enregistrements réels, tandis qu’un autre, autrement identique, est construit sans l’influence des gaz à effet de serre.

Des simulations sont effectuées à l’aide de ces deux ensembles et la différence entre les résultats révèle les impacts des changements climatiques sur un événement précis. Cela permet aux scientifiques de dire dans quelle mesure la présence des gaz à effet de serre dans l’air a augmenté la probabilité que l’événement en question se produise.

Impact considérable

C’est ce que le groupe a fait pour analyser les incendies qui ont eu lieu cet été au Québec. Pour ce cas précis, ils ont eu recours à cinq modèles climatiques différents.

Les chercheurs se sont penchés sur les indicateurs qui sont déjà utilisés par les experts forestiers pour mesurer les risques d’incendies de forêt.

Il s’agit notamment de mesures liées aux conditions météorologiques telles que la température, l’humidité, le vent et les précipitations, ainsi que d’indices plus spécialisés.

Presque toutes ces mesures laissaient entrevoir un risque d’incendie extrême, apprend-on dans le rapport. Par exemple, le Canada a connu son mois de juin le plus chaud jamais enregistré, après un hiver qui a laissé le deuxième moins d’eau de fonte des neiges depuis 1950.

«Tous les composants de l’indice météo-incendie, lorsqu’on en fait la moyenne à l’échelle nationale, établissent des valeurs record et parfois avec des marges énormes», peut-on lire dans le rapport.

Les effets des changements climatiques étaient clairement visibles dans l’analyse qui en a résulté, ont indiqué les scientifiques.

«Les changements climatiques ont rendu la gravité cumulative de la saison des incendies au Québec en 2023, jusqu’à la fin juillet, environ 50 % plus intense. Des saisons de cette gravité sont au moins sept fois plus susceptibles de se produire», est-il écrit dans le rapport.

«Les pics d’incendies comme ceux qui ont eu lieu cette année sont au moins deux fois plus probables.»

Selon Yan Boulanger, co-auteur de l’étude et scientifique du Service canadien des forêts, il n’était pas pertinent de se demander si les incendies ont été déclenchés par un autre brasier, un accident ou un incendie criminel.

«Il faut des conditions très sèches, très chaudes ou très venteuses pour avoir des incendies importants comme nous en avons eu cette année, quelle qu’en soit la source», a-t-il expliqué.

«C’est à cause des conditions météorologiques que ces incendies se sont propagés, pas à cause de leur source.»

Guilbeault plaide pour un front commun

En réaction à cette nouvelle étude, le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault, a affirmé que les conclusions illustrent bien le fait que tous les ordres de gouvernement doivent unir leurs forces pour trouver des façons de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de mieux adapter les communautés à la nouvelle réalité climatique.

«Le gouvernement fédéral ne peut pas tout faire seul, a-t-il plaidé. On va avoir besoin de la collaboration de tout le monde. C’est la clé.»

Il a qualifié les résultats dévoilés mardi «d’avertissements».

«Les effets sur le climat que nous observons actuellement sont le résultat d’une augmentation des températures d’un degré. Les gens veulent-ils vraiment voir à quoi ressemble un monde à deux degrés de plus ?»

Les auteurs de l’étude ont d’ailleurs rappelé que leurs conclusions sont conservatrices.

«Nous rapportons ce que nous considérons comme des limites inférieures», a souligné Clair Barnes, qui a participé à la rédaction du rapport.

Les données présentées mardi suggèrent aussi que de futurs étés aussi destructeurs sont probables, à mesure que le climat continue de se réchauffer.

«Les défis posés par les incendies de forêt de cette année, ainsi que l’augmentation des risques météorologiques liés aux incendies de forêt, soulèvent d’importantes questions concernant l’adaptation», indique le rapport.