Les familles des victimes de la tragédie du vol PS752 demandent toujours justice

OTTAWA — Les familles des victimes du vol PS752 marqueront les trois ans de la tragédie en participant ce week-end à des rassemblements afin d’exhorter le gouvernement fédéral à prendre des mesures encore plus sévères contre l’Iran.

«Le périple a été long pour les familles, mais nous gardons toujours espoir», résume Hamed Esmaeilion, président de l’Association des familles des victimes du vol PS752.

La femme et la fille de M. Esmaeilion figurent parmi les 176 personnes tuées lorsque l’armée iranienne a abattu un avion de la compagnie Ukraine International Airlines, peu de temps après son décollage de l’aéroport de Téhéran, en janvier 2020.

La majorité des passagers s’en revenaient au Canada, via l’Ukraine. On comptait parmi eux 55 citoyens canadiens et 30 résidents permanents.

Dans une entrevue à La Presse Canadienne, M. Esmaeilion a remercié les Canadiens pour leur appui au cours des trois dernières années.

«De voir que les gens s’en préoccupaient nous a tous réchauffé le cœur.»

Le Canada s’est joint le mois dernier à d’autres pays pour réclamer formellement un arbitrage contraignant dans ce dossier. Si l’Iran n’accepte pas la demande dans les six mois, l’affaire pourra être portée devant la Cour internationale de Justice.

Le gouvernement fédéral s’en était abstenu jusqu’à alors. Il soutenait que donner du temps à la négociation pourrait aider les plaignants si le cas devait être jugé par un tribunal.

«Nous avons notamment demandé à l’Iran de se soumettre à un arbitrage contraignant pour régler le différend relatif à la destruction du vol PS752 par 2 missiles sol-air lancés illégalement et intentionnellement par des membres de l’unité de défense aérienne du Corps des Gardiens de la révolution islamique de l’Iran», pouvait-on lire dans le communiqué du 28 décembre.

Le régime iranien a parfois changé sa version de la tragédie. Il l’a décrite comme un accident avant de prétendre que l’avion se déplaçait de façon suspecte, deux versions qui contredisent les preuves découvertes par l’Organisation de l’aviation civile internationale.

Même si on ignore si le tribunal pourrait vraiment contraindre l’Iran à verser une compensation, la demande pourrait lancer une plus vaste enquête et projeter une nouvelle lumière sur ce qui s’est déroulé.

«Cette étape était attendue depuis longtemps. Cela dit, c’est un pas dans la bonne direction, souligne M. Esmaeilion. Ce crime absurde qu’ils ont commis sans pitié nous a enlevé nos êtres chers.»

Il loue le gouvernement canadien pour avoir imposé des sanctions financières contre 62 individus et 25 entités liés au régime iranien. Selon lui, environ le tiers des 30 personnes identifiées par son groupe comme ayant participé à la tragédie du vol PS752 n’ont pas été sanctionnées.

Il ajoute que les Irano-Canadiens savent que d’anciens officiels du régime et leur famille continuent de se déplacer en toute liberté de Vancouver à Halifax. «Il n’y a pas de place pour eux dans un pays libre comme le Canada», lance M. Esmaeilion.

Le gouvernement fédéral a promis de mettre en place un nouveau bureau doté d’un financement de 76 $ millions $, afin que le gouvernement puisse agir plus rapidement pour geler et saisir des biens de personnes faisant l’objet de sanctions.

En octobre, le Canada avait interdit l’accès au pays à plus de 10 000 anciens membres du Corps des Gardiens de la révolution islamique, mais il hésite à inscrire le corps à sa liste des organisations terroristes parce qu’il craint de punir aussi ceux qui y sont enrôlés par force ou ne sont pas combattants.

Des avocats spécialistes des droits des migrants affirment que des Canadiens nés en Iran ont éprouvé des difficultés à embarquer dans un avion ou à entrer aux États-Unis à cause de leur appartenance passée avec les Gardiens de la révolution.

Des députés conservateurs et des militants comme M. Esmaeilion arguent qu’une mesure législative pourrait être adoptée pour protéger ceux qui ont été conscrits contre leur volonté. 

Les médias britanniques ont annoncé cette semaine que le Royaume-Uni inscrirait le Corps des gardiens de la révolution islamique sur sa liste des groupes terroristes. Plusieurs espèrent que le Canada emboîtera le pas.

Kaveh Shahrooz, de l’Institut Macdonald-Laurier, reproche au gouvernement fédéral de traîner les pieds dans ce dossier.

«Au cours des trois dernières années, on a agi très lentement, dit-il. La GRC n’a pas lancé d’enquête criminelle (sur le vol PS752). Il n’y a aucune raison pour laquelle on ne peut pas suivre deux routes parallèles.»

Justin Trudeau  a rencontré vendredi des familles des victimes en compagnie des ministres Mélanie Joly et Omar Alghabra ainsi que le haut-commissaire du Canada au Royaume-Uni, Ralph Goodale.

«Quand j’ai parlé aux familles des victimes aujourd’hui, je leur ai promis de poursuivre sans relâche notre quête de vérité, de justice et de reddition de comptes», a écrit M. Trudeau sur Twitter.