Les évêques du Québec s’opposent à l’idée d’interdire la prière en public
MONTRÉAL — Les évêques catholiques du Québec se sont prononcés contre la volonté du premier ministre François Legault de mettre fin à la prière dans les parcs et autres lieux publics.
Le président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, Martin Laliberté, s’est dit «stupéfait» par la récente suggestion de M. Legault d’interdire la prière dans les parcs et dans les rues des villes. Monseigneur Laliberté estime qu’une interdiction de la prière publique affecterait un large éventail d’activités pratiquées par des personnes de nombreuses confessions.
Le premier ministre a évoqué la possibilité de mettre fin à la prière publique lors d’une conférence de presse vendredi, au cours de laquelle il a commencé par dire qu’il voulait envoyer un «message très clair aux islamistes».
Le gouvernement Legault a promis d’introduire une nouvelle loi pour renforcer la laïcité dans les écoles, à la suite d’informations selon lesquelles la prière musulmane et d’autres pratiques religieuses ont eu lieu dans des écoles publiques du Québec.
Lorsqu’un journaliste lui a demandé s’il était également gêné par la prière dans les lieux publics, le premier ministre a déclaré que son gouvernement étudiait la possibilité d’interdire cette pratique. Il a déclaré que le Québec pourrait utiliser la clause dérogatoire pour protéger une interdiction contre les contestations constitutionnelles.
Mardi, le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, a accusé M. Legault de s’en prendre aux musulmans. «Je ne sais pas sur quoi M. Legault s’acharne. Il me semble que c’est constamment les musulmans», a-t-il déclaré aux journalistes à Ottawa, appelant au respect de la liberté d’expression et de religion.
Les images de musulmans priant dans les rues de Montréal ont suscité la controverse ces derniers mois, mais des membres d’autres confessions organisent également des événements publics au Québec, notamment la procession du chemin de croix dirigée par l’archevêque de Montréal le Vendredi saint.
M. Miller a fait référence aux pèlerins chrétiens qui montent à genoux les marches de l’oratoire Saint-Joseph de Montréal. «Est-ce que ça serait interdit ?», a-t-il demandé en remettant en question la manière d’appliquer une telle disposition.
Le ministre a également qualifié d’«ironique» le fait que M. Legault ait assisté à la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris samedi, le lendemain de sa déclaration aux journalistes selon laquelle le Québec doit être plus laïc.
«Qu’est-ce qu’une prière?»
Dans une lettre ouverte publiée mardi, l’Assemblée des évêques catholiques du Québec affirme qu’une interdiction de la prière publique ciblerait les groupes religieux minoritaires perçus par certains comme une menace pour l’identité québécoise.
Elle fait valoir que la liberté de religion est protégée par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, et qu’une interdiction de la prière publique serait inapplicable.
En entrevue, Monseigneur Laliberté, évêque du diocèse de Trois-Rivières, a dit que sa congrégation organise parfois des pique-niques dans le parc devant la cathédrale. «Si nous prions avant le repas, allons-nous être suspects?, a-t-il demandé. Allons-nous enfreindre la loi parce que nous prions? Qu’est-ce qu’une prière?»
Daniel Baril, président du Mouvement laïque québécois, un groupe qui fait la promotion de la laïcité, mentionne que les commentaires de M. Legault ont pris tout le monde par surprise, «comme un lapin sorti d’un chapeau». Il indique qu’il aurait besoin de voir les détails du plan avant de se faire une opinion.
M. Baril précise que son groupe ne s’oppose pas aux événements religieux publics, comme la procession du Vendredi saint, qui, selon lui, sont planifiés et reçoivent des permis.
Cependant, il n’appuie pas les événements «spontanés» qui bloquent les rues ou envahissent les parcs. Il a cité un exemple en juin dernier, lorsque des membres de la communauté musulmane de Montréal se sont réunis dans un parc de la ville pour célébrer l’Aïd al-Adha. L’événement a poussé la mairesse de l’arrondissement à réfléchir à l’interdiction de tout événement religieux dans les parcs publics.
«Ces espaces publics doivent rester accessibles à tous», soutient M. Baril.
Mais Mgr Laliberté a souligné que les gens vont souvent dans les parcs pour pratiquer le yoga ou le tai-chi, deux activités qui ont toutes deux des racines spirituelles.
«Est-ce qu’on pratique un acte religieux ou simplement une activité physique? C’est une pente glissante vers le non-respect des droits fondamentaux des individus», estime-t-il.
— Avec des informations de Michel Saba à Ottawa