Les évêques canadiens sollicitent des dons auprès de ceux qui veulent voir le pape

OTTAWA — La Conférence des évêques catholiques du Canada, qui organise la visite au pays du pape François, qui devrait s’excuser pour le rôle de l’Église dans les pensionnats pour Autochtones, sollicite des dons de ceux qui espèrent le voir.

Selon RoseAnne Archibald, cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations, des personnes qui veulent réserver des places pour ces événements sur le site Ticketmaster lui ont dit qu’elles avaient été invitées à donner de l’argent à un organisme de bienfaisance enregistré bien précis.

Or, cet organisme de bienfaisance est la dénomination sociale de la Conférence des évêques catholiques du Canada.

Dans une récente lettre à l’archevêque d’Edmonton, Richard Smith, Mme Archibald a exprimé son inquiétude, qualifiant cette sollicitation d’«inappropriée».

La cheffe Archibald rappelle que les membres des Premières Nations et leurs communautés font face à des traumatismes qui leur ont été infligés par les pensionnats fédéraux dirigés justement par l’Église catholique.

«En tant que membres des Premières Nations, nous sommes tous des survivants de traumatismes intergénérationnels, et nous pleurons collectivement la douleur et la souffrance que les institutions catholiques d’assimilation et de génocide ont perpétrées», écrit-elle.

Une porte-parole des organisateurs de la visite papale a déclaré que ces dons constituent un moyen pour les Canadiens et les catholiques de contribuer aux coûts et que ces dons sont entièrement facultatifs. «Aucun fonds collecté de cette manière ne sera utilisé pour d’autres initiatives ou programmes de l’Église», assure-t-on.

Les organisateurs ont ajouté que contrairement à d’autres visites papales, aucuns frais d’admission ne sont exigés pour ses événements.

«Ce n’est pas le moment» 

On estime qu’environ 60 % des pensionnats fédéraux pour Autochtones au Canada étaient dirigés par des membres de l’Église catholique. Plus de 150 000 enfants autochtones ont été contraints de fréquenter ces établissements, où des milliers d’entre eux ont subi des agressions physiques et sexuelles, ainsi que de la malnutrition et de la négligence.

Le pape François a été invité à venir au Canada et à s’excuser pour le rôle de l’Église dans la gestion de ces pensionnats. Ces excuses en terre canadienne faisaient partie des 94 «appels à l’action» contenus en 2015 dans le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, qui avait recueilli les témoignages de milliers de survivants des pensionnats fédéraux.

Mme Archibald soutient que le but premier de la visite papale est de se concentrer sur la réconciliation. Ce n’est pas le moment, selon elle, «de promouvoir les efforts de collecte de fonds de l’Église».

Elle a ajouté qu’il était «particulièrement blessant de demander aux survivants des Premières Nations, à qui les réparations de l’Église sont déjà dues, de faire un don».

Les survivants ont déjà exprimé leur déception devant l’incapacité de l’Église catholique à atteindre l’objectif de collecte de fonds auquel elle s’était engagée en vertu de la Convention de règlement relative aux pensionnats.

En 2006, 48 entités catholiques avaient accepté de déployer «leurs meilleurs efforts» pour amasser 25 millions $ dans le cadre du programme de compensation aux survivants des pensionnats. En 2015, un tribunal a statué que les sociétés catholiques pouvaient être libérées de leurs obligations financières restantes, la campagne de financement ayant totalisé moins de 4 millions $, malgré les «meilleurs efforts» déployés.

La Conférence des évêques catholiques du Canada, qui affirme ne pas être l’une des parties signataires de l’entente sur les pensionnats, a depuis renouvelé son engagement financier. 

En septembre dernier, les évêques se sont engagés à consacrer 30 millions $ sur cinq ans à des initiatives liées à la réconciliation. Ils ont déclaré que 73 diocèses contribueraient à l’objectif, chacun promettant son propre montant.

Dans un souci de transparence, les évêques ont alors créé le Fonds de réconciliation avec les Autochtones, enregistré en tant que fondation publique et supervisé par un conseil autochtone. À ce jour, les diocèses ont investi 4,6 millions $ dans ce fonds. 

Les évêques canadiens ont déclaré que la collecte de dons pour la visite papale était distincte des efforts de collecte pour le Fonds de réconciliation.