Les conservateurs forcent de nombreux votes pour ralentir les travaux à Ottawa

OTTAWA — L’opposition officielle à Ottawa a continué jeudi à ralentir le processus d’adoption de plusieurs projets de loi du gouvernement dans le but de pousser le gouvernement libéral à retirer la tarification sur le carbone de tous les types de chauffage domestique d’ici la pause parlementaire du temps des Fêtes.

Les conservateurs y parviennent en forçant la tenue de 135 votes à la Chambre des communes jeudi, la plupart sur le budget des dépenses du gouvernement.

Le parti a soutenu que sa manœuvre forcera la tenue de votes successifs qui pourraient se poursuivre jusqu’à vendredi soir et nuire aux plans qu’avaient les libéraux jusqu’à la fin de la session parlementaire.

Lors d’une mêlée de presse dans les couloirs de la Chambre des communes, en fin d’après-midi jeudi, la leader en Chambre du gouvernement, Karina Gould, a déploré que les conservateurs aient rejeté sa motion qui proposait d’ajourner le débat à 23 h 59 jeudi afin qu’il reprenne à 7 h vendredi matin.

«Moi je suis enceinte de huit mois et demi, alors je vais être là pour me tenir debout pour mes concitoyens, mais les conservateurs ont eu l’opportunité d’appuyer la santé des députés, mais aussi la santé de tout le monde qui travaille ici», a-t-elle dénoncé, notant que les employés de la Chambre des communes devront également passer de nombreuses heures consécutives au travail.

Les votes que demandent les conservateurs concernent des montants de quelques dollars seulement — de très petites sommes lorsque l’on prend en compte les milliards de dollars de dépenses qui sont réservés à différents ministères gouvernementaux.

Dans certains cas, on parle de sommes de moins d’un dollar pour des ministères et des organismes comme Services aux Autochtones Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada.

Les conservateurs ont lancé leurs efforts visant à ralentir le travail législatif mercredi, affirmant qu’ils ne s’arrêteront pas tant que les familles, les agriculteurs et les Premières Nations ne seront pas exemptés de la tarification fédérale sur le carbone, qui, selon eux, augmente le coût de la vie.

Toujours mercredi, les députés conservateurs ont présenté plus de 20 000 amendements à un projet de loi gouvernemental de 11 pages visant à créer des emplois durables dans le cadre de la transition vers une économie à zéro émission nette.

Le député néo-démocrate Charlie Angus, qui siège au comité où les amendements ont été proposés, a accusé les conservateurs d’«abus législatif».

«Sous la direction de Pierre Poilievre, nous constatons des tactiques de voyous dans les comités. Nous constatons du harcèlement et de l’intimidation», a déploré M. Angus jeudi.

«Je tiens à dire que ce qui se passe actuellement au Parlement est une tendance très dangereuse. Une tendance à interrompre le travail que nous faisons.»

Appelé à réagir aux propos de M. Angus, un porte-parole conservateur a référé aux commentaires du député Garnett Genuis faits à la Chambre lors de la période des questions, jeudi.

M. Genuis avait accusé le NPD et les libéraux d’avoir fait adopter le projet de loi à toute vapeur «sous le couvert de l’obscurité», le qualifiant de «programme anti-énergie».

Le gouvernement libéral a estimé que les tactiques conservatrices ont finalement échoué mercredi, car bon nombre des 20 000 amendements étaient de nature similaire, ce qui signifie qu’il n’était pas nécessaire de voter sur chacun d’eux individuellement.

Des votes ont eu lieu sur environ 200 amendements, un processus qui a duré huit heures et a prolongé la réunion jusqu’à 14 h 30 jeudi. Le projet de loi ira de l’avant.

Mercredi, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que les conservateurs faisaient un coup de théâtre et que les députés libéraux étaient heureux de travailler tard.

L’abolition de la taxe sur le carbone pour tous les types de chauffage résidentiel est un cheval de bataille important pour M. Poilievre, qui parcourt le pays pour organiser des rassemblements lors desquels il promet de la supprimer.

En octobre, M. Trudeau a annoncé que le chauffage au mazout sera exempté pendant trois ans de la tarification sur le carbone. Il a soutenu que cette décision visait à permettre aux gens qui utilisent ce type de chauffage de passer vers des thermopompes électriques, mais ses adversaires y ont plutôt vu une tentative de plaire à son caucus de l’Atlantique, où le mazout est utilisé en plus forte proportion.

Ce débat sur la taxe sur le carbone survient alors que la hausse du coût de la vie est l’une des raisons qui expliquent la baisse des libéraux dans les plus récents sondages.