Legault visite le bureau de De Gaulle et réinterprète son «vive le Québec libre»

PARIS — Le premier ministre François Legault a effectué un pèlerinage historique samedi matin à Paris.

En mission de quatre jours en France, il a visité la pièce où le général de Gaulle travaillait de 1947 à 1958, et s’est même permis de commenter le fameux « Vive le Québec libre ! » que le président français avait lancé en 1967.

Cette visite était symbolique: pour la toute première fois, un chef du gouvernement du Québec déambulait dans les espaces de la Fondation Charles de Gaulle.

Ce petit musée n’est pas ouvert au grand public. Leader de la France libre durant la Seconde Guerre mondiale, le général s’était retiré de la vie politique par la suite et s’était installé à cette adresse jusqu’à ce qu’on l’appelle par la suite pour reprendre les rênes en 1958, lorsqu’il sera élu président et fondera la Ve République.

«De Gaulle a été une inspiration pour tous les Québécois», a déclaré M. Legault, qui a eu droit à un tour guidé mené par le président de la fondation, Hervé Gaymard.

«À plusieurs degrés»

M. Legault, qui se définit comme nationaliste depuis qu’il a quitté le giron indépendantiste du Parti québécois, s’est même permis de réinterpréter le fameux discours du général sur le balcon de l’hôtel de ville de Montréal, en 1967, quand il a alors lancé le célèbre «vive le Québec libre».

«On peut le prendre à plusieurs degrés», a-t-il lancé dans un échange avec M. Gaymard et devant ses interlocuteurs, notamment le délégué général du Québec à Paris, Henri-Paul Rousseau.

«Je pense que René Lévesque l’a pris au premier degré, c’est correct, mais c’était aussi pour dire le peuple, la nation québécoise doit s’affirmer dans le Canada.»

Or, rappelons que ce n’était pas du tout ainsi que les autorités fédérales à Ottawa l’avaient perçu à l’époque.

C’était un incident diplomatique sérieux et on accusait De Gaulle d’encourager un mouvement sécessionniste qui menaçait le Canada, qui célébrait alors le centenaire de la Confédération.

Le général avait même dû écourter sa visite officielle et, par la suite, on a maintes fois rapporté qu’il soutenait bel et bien l’indépendance du Québec.

Différents artefacts de la fondation reliés au Québec ont été présentés à M. Legault, notamment une lettre manuscrite de René Lévesque à la veuve du général de Gaulle, ainsi que divers ouvrages sur le Québec que possédait le chef d’État français.

Elle avait été déposée sur le bureau de travail, situé au fond d’une pièce assez vaste où se trouvent aussi une bibliothèque et plusieurs objets de collection rappelant le parcours du général.

Leçon de sondage

Un échange a pris un tour ironique au moment où M. Gaymard rappelait les nombreuses épreuves qu’a dû affronter de Gaulle et son retour inattendu à la vie politique quand la France traversait une crise en 1958.

À peine quelques mois avant, dans un sondage, seulement 10 % des Français considéraient Charles de Gaulle comme une figure d’avenir, a fait remarquer M. Gaymard.

«Il ne faut jamais croire les sondages», s’est exclamé M. Legault, tandis que son épouse Isabelle Brais ajoutait: «voilà!»

«Je retiens ça», a conclu en riant le premier ministre, alors que depuis 2023, les enquêtes d’opinion laissent entendre que son gouvernement est au plus bas et peine à remonter la pente.

Encore cette semaine, la maison Angus Reid suggérait que le taux de satisfaction envers le chef caquiste avait atteint un nouveau creux, à 25 %, une chute de 13 % par rapport à mars.

Il serait ainsi bon dernier parmi tous les premiers ministres provinciaux.

M. Legault est à Paris pour un programme essentiellement économique de quatre jours, mais il a rencontré vendredi son homologue français François Bayrou.

Il a aussi pris part à Vivatech, un salon des entreprises en technologies, et lundi, il participera au Salon du Bourget, le grand rendez-vous international de l’aéronautique.

Samedi et dimanche, son programme était plus léger.