Legault prêt à bonifier son offre; 570 000 travailleurs du secteur public en grève

MONTRÉAL — Alors que la grève dans le secteur public a touché jeudi 570 000 travailleurs, le premier ministre François Legault se dit maintenant prêt à bonifier son offre si les syndicats concernés font preuve de plus de «flexibilité».

Les syndicats qui composent le front commun attendent de voir concrètement ce qui sera déposé aux tables de négociation avant de juger.

En point de presse jeudi, le premier ministre a dit avoir besoin de cette «flexibilité» de la part des infirmières, pour combler les quarts de travail défavorables notamment, et de la part des enseignants, dans la distribution des classes.

«En échange de cette flexibilité, on est prêt à bonifier notre offre», a -t-il assuré.

Celle-ci est de 10,3 % d’augmentation sur cinq ans, plus un montant forfaitaire unique de 1000 $ la première année. À cette somme, il ajoute un montant équivalant à 3 % réservé à des priorités gouvernementales, dont certains titres d’emploi seulement bénéficieraient. Québec présente donc son offre comme valant maintenant 14,8 %.

«Faut absolument avoir plus de flexibilité dans nos conventions collectives. C’est la seule façon qu’on va pouvoir améliorer les services à la population», a ajouté le premier ministre.

À ses côtés, la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel, a renchéri: «ça prend une ouverture de leur part pour la flexibilité et, à ce moment-là, on pourra globalement discuter du tout, incluant les salaires».

À leur tour, la CSN, la FTQ, l’APTS et la CSQ ont fait preuve d’attentisme. «On va attendre de voir cette fois-ci», a lancé la présidente de la FTQ, Magali Picard.

«On va attendre de voir ce qui va être déposé à la table de négociation», a ajouté le vice-président de la CSN, François Enault.

«La flexibilité, ça fait longtemps qu’on en a», a lancé Mme Picard.

«Ce n’est pas vrai que nos membres vont rentrer sans pouvoir d’achat protégé», a lancé M. Enault, pour qui les deux doivent être améliorés: le salaire et les conditions de travail.

Éric Gingras, de la CSQ, a déploré le fait que le gouvernement Legault cherche à présenter les syndicats comme «des gens qui ne bougent pas». Les syndicats aussi veulent améliorer l’organisation du travail, fait-il valoir, sauf qu’«on ne s’entend pas sur les solutions» avec le gouvernement.

Les grèves

Entre-temps, la grève dans le secteur public a atteint son point culminant, jeudi, alors que les syndicats représentant près de 570 000 travailleurs étaient en grève en même temps.

La Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui représente quelque 66 000 enseignants des niveaux primaire et secondaire, a amorcé jeudi une grève générale illimitée.

La FAE est la première organisation syndicale du secteur public à lancer une grève générale illimitée. Les autres organisations y sont d’abord allées par des coups de semonce de quelques journées de grève.

«Les profs, quand ils sont partis de leur classe, les profs partaient avec l’idée de rester à la rue le temps qu’il faudrait pour avoir une entente», a rapporté la présidente de la FAE, Mélanie Hubert, en entrevue jeudi.

Ses neuf syndicats membres sont l’Alliance des professeurs de Montréal, le Syndicat de l’enseignement de l’Ouest de Montréal, le Syndicat de l’enseignement de la Pointe-de-l’île, le Syndicat de l’enseignement de la région de Laval, le Syndicat de l’enseignement des Basses-Laurentides, le Syndicat de l’enseignement des Seigneuries, le Syndicat de l’enseignement de l’Outaouais, le Syndicat de l’enseignement de la Haute-Yamaska et le Syndicat de l’enseignement de la région de Québec.

Néanmoins, durant la grève, la FAE va consulter ses syndicats affiliés «à toutes les semaines» pour s’ajuster, le cas échéant. Les négociations se poursuivent avec Québec.

Mais Mme Hubert ne se fait pas d’illusion. «On sera à la rue quelques jours assurément parce qu’on n’est pas sur le bord de conclure une entente. Il y a encore du travail à faire pour y arriver.»

FIQ, front commun et SPGQ

La Fédération interprofessionnelle de la santé (FIQ), qui représente 80 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques, est en grève jeudi et vendredi

Au cours d’un point de presse devant l’Hôpital Santa-Cabrini à Montréal, la présidente, Julie Bouchard, a dit faire cette grève non seulement pour les conditions de travail et de salaire de ses membres, mais aussi pour pouvoir dispenser de meilleurs services et soins à la population.

«Le temps de la vocation, c’est terminé», a-t-elle lancé, ajoutant qu’il faudra améliorer tant les conditions de travail que les salaires.

Au gouvernement qui réclame plus de «flexibilité» dans l’organisation du travail, Mme Bouchard réplique que «ce qui est sur la table, c’est de la désorganisation du travail», des équipes de soins moins stables.

«Ce n’est pas en déplaçant des professionnelles en soins d’un bord puis de l’autre, comme ça leur tente, comme ça leur chante, qu’on vient faire en sorte qu’on donne de meilleurs soins et qu’on va venir créer de l’attraction et de la rétention dans le réseau», a tonné Mme Bouchard.

Dans le cas de la grève des infirmières, des services essentiels sont prévus, en proportions variables selon les unités de soins. Le Tribunal administratif du travail a déjà approuvé les listes de services à dispenser.

Aussi, le front commun intersyndical, qui représente 420 000 travailleurs par le biais de ses quatre organisations membres — la CSN, la CSQ, l’APTS et la FTQ — tient la dernière de ses trois journées de grève consécutives jeudi. Ses membres seront de retour au travail vendredi.

Le front commun est présent dans tous les secteurs: santé, services sociaux, cégeps et écoles primaires et secondaires. Il représente notamment la majorité des enseignants, les préposés aux bénéficiaires, ainsi que des dizaines de milliers d’employés de soutien, de techniciens et professionnels dans la santé et les services sociaux.

Un autre syndicat s’est ajouté aux groupes de grévistes. Ainsi, 700 professionnels dans 10 collèges, membres du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ), se joindront aux grévistes, jeudi et vendredi.