L’éclosion de variole fait craindre une stigmatisation des hommes gais et bisexuels

Des militants des communautés LGBTQ craignent qu’une certaine stigmatisation des hommes gais et bisexuels dans l’éclosion de variole simienne ne constitue une menace pour la santé publique. 

Les autorités sanitaires enquêtent sur près d’une trentaine de cas confirmés de «variole du singe» au Canada, dans le cadre d’une éclosion sans précédent de cette maladie rare qui se propage rarement à l’extérieur de l’Afrique. Des complications graves de la maladie peuvent survenir dans de très rares cas, précisent les autorités de santé publique. 

Vingt-cinq infections avaient été confirmées jeudi au Québec depuis le 12 mai, toutes dans la grande région de Montréal. Un autre cas a été confirmé en Ontario, a indiqué jeudi l’Agence de la santé publique du Canada, prédisant que ce nombre augmentera dans les prochains jours.

Or, la santé publique au Québec a précisé que la grande majorité des cas touchaient «des hommes adultes qui ont eu des relations sexuelles rapprochées et prolongées avec d’autres hommes». 

La docteure Geneviève Bergeron, responsable des maladies infectieuses à la santé publique de Montréal, martelait par contre jeudi que «notre ennemi, c’est le virus, pas les personnes qui sont malades». Elle précisait que «la stigmatisation, c’est contre-productif dans nos objectifs de santé publique», qui visent avant tout à ce que les gens aillent se faire soigner.

Le spectre du VIH-sida

Mais pour certains membres des communautés LGBTQ, cette éclosion de variole soulève le spectre de la stigmatisation qui a fait des hommes gais et bisexuels les boucs émissaires lors de l’épidémie de VIH-sida, dans les années 1980 et 1990. 

D’autres, par contre, soutiennent que la détection précoce des cas de variole par les cliniques de santé sexuelle démontre comment la communauté LGBTQ a su se mobiliser pour promouvoir des pratiques sécuritaires, en évitant la honte.

L’administrateur en chef adjoint de la santé publique du Canada déclarait jeudi en conférence de presse qu’il était conscient du potentiel de stigmatisation et de discrimination dans le cas de la variole — tout en rappelant que la méthode de propagation du virus ne se limitait pas à un groupe ou à une orientation sexuelle spécifique.

Mais comme les premières données épidémiologiques suggèrent que le virus circule actuellement dans certaines communautés, les autorités s’efforcent de sensibiliser les personnes à risque élevé d’exposition, expliquait jeudi avec beaucoup de prudence le docteur Howard Njoo.

Une preuve de l’évolution ?

La maladie peut être contractée par contact étroit avec une personne malade, y compris — mais pas seulement — lors d’un rapport sexuel, a déclaré le docteur Njoo. Les scientifiques travaillent toujours pour déterminer comment le virus traverse les frontières.

Aaron Purdie, directeur de l’organisme de santé communautaire «Health Initiative for Men» en Colombie-Britannique, craint que la propagation de la peur et de la stigmatisation ne représente une menace plus grande que la maladie elle-même. «La stigmatisation se propage comme un virus, a-t-il dit. Oui, c’est traitable. Oui, c’est maîtrisable. Mais ça se propage quand même.»

M. Purdie croit que la stigmatisation peut être un obstacle majeur à la prévention et au traitement efficaces des maladies, en particulier pour les hommes homosexuels qui ont subi une discrimination systémique dans le réseau de la santé.

Dane Griffiths, directeur de l’Alliance pour la santé sexuelle des hommes gais de l’Ontario, croit quant à lui que le silence tend à perpétuer la stigmatisation. L’une des meilleures stratégies pour la combattre consiste donc, selon lui, à fournir des informations précises et opportunes sans «semer la honte ou jeter le blâme».

L’identification rapide des cas de variole simienne chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes témoigne selon lui du succès des efforts menés par la communauté pour améliorer l’accès aux tests de dépistage et aux soins de santé sexuelle.

«Des hommes gais et bisexuels, dans le monde entier, se sont présentés dans des cliniques et des cabinets de médecins, et sont donc vus et comptabilisés, a expliqué M. Griffiths. C’est une bonne chose — et c’est en fait à encourager au sein de notre communauté.»