Le retour des voyageurs représente un baume pour Aéroports de Montréal

MONTRÉAL — Tous les indicateurs d’Aéroports de Montréal (ADM) ont pris leur envol après deux années de misère.

En annonçant ses résultats du premier trimestre de 2022, jeudi, ADM a fait état d’un bond de 414 % du nombre de passagers par rapport au premier trimestre de 2021, soit un total de 2,2 millions de passagers pour les trois premiers mois de l’année.

Pour le seul mois de mars, l’augmentation atteint 823 % comparativement à mars 2021, soit un peu plus d’un million de passagers, ce qui représente près de 60 % du nombre de passagers en mars 2019, l’année de référence pré-pandémique.

«Aujourd’hui, les signes de reprise sont réunis. La situation sanitaire, bien que volatile, semble demeurer sous contrôle. Les gens ont envie de voyager», a proclamé la présidente du conseil d’ADM, Danielle Laberge.

La revanche des voyageurs

Cette soudaine affluence, alimentée par la levée de nombreuses mesures sanitaires, s’inscrit dans le mouvement mondial de «revenge travelling» ou voyage de revanche. C’est le président-directeur général d’ADM, Philippe Rainville, qui a évoqué cette expression qui fait référence à la ruée de voyageurs frustrés de n’avoir pu s’envoler durant la pandémie.

«Les gens ont envie de faire un pied de nez à la pandémie en s’offrant une escapade. Nous sommes très contents d’accueillir les voyageurs et de leur procurer cette forme de défoulement», a dit M. Rainville avec le sourire, précisant que la période de Pâques en particulier avait été très forte.

M. Rainville dit s’attendre à un retour aux niveaux de 2019 à compter de 2024, mais n’écarte pas que ce retour puisse survenir dès 2023 si le phénomène se poursuit et qu’il s’accompagne d’une reprise des voyages d’affaires. Bien que l’aéroport de Dorval soit principalement un aéroport de tourisme, les voyages d’affaires représentent tout de même de 25 % à 30 % de l’achalandage et la reprise de ce côté demeure incertaine, selon M. Rainville.

REM: report de l’échéancier

La situation financière «très précaire» d’ADM a ainsi mené au report et à la révision de nombreux projets d’investissements et la station aéroportuaire du REM ne pourra pas être mise en service à la fin de 2024 comme il était initialement prévu. Un nouvel échéancier doit être présenté à l’automne.

Pas question, toutefois, de reculer, a affirmé Philippe Rainville: «La station REM Montréal-Trudeau, nous y tenions. Nous y tenions absolument. Un lien rapide et hors trafic avec l’aéroport international, c’est essentiel pour une métropole moderne.»

M. Rainville a cependant précisé qu’il avait dû rappeler à plusieurs reprises aux pouvoirs publics qu’il lui était impossible de construire la station de 600 millions $ sans aide financière. Les pouvoirs publics ont entendu cet appel et contribueront 500 millions $ sous forme de subventions (100 M$ du fédéral) et de prêts subordonnés (100 millions $ d’Investissement Québec et 300 millions $ de la Banque d’infrastructure du Canada). 

De plus, le projet a dû être entièrement revu pour pouvoir respecter le budget tout en tenant compte de la forte poussée inflationniste. «Nous avons travaillé avec des architectes locaux et des ingénieurs de renom pour optimiser le design de la station au maximum afin de minimiser les risques du chantier et de contenir les coûts tout en léguant une architecture de qualité», a-t-il affirmé.

Mirabel sauvée par la pandémie

Fait à noter, les volumes de fret qui ont transité par l’autre composante d’ADM, l’aéroport de Mirabel, ont dépassé en 2021 ceux de 2019, après une légère baisse en 2020, une augmentation qui est directement attribuable au coronavirus.

«La pandémie aura été pour YMX (Mirabel) un moment pour consolider son rôle de plaque tournante du transport de marchandises, a avancé le PDG. YMX a notamment été le lieu de réception de nombreuses livraisons de vaccins et d’équipement médical.» 

Cette reprise n’efface évidemment pas les résultats désastreux de 2020 et de 2021. M. Rainville a rappelé que l’aéroport international de Montréal avait été désigné comme l’un des quatre aéroports canadiens devant demeurer en opération pour les vols internationaux. Avec une baisse de près de 75 % du nombre de voyageurs en 2021 par rapport à 2019 et une obligation de maintenir l’ensemble des services, ADM s’est retrouvé avec «presque deux fois plus de dépenses que de revenus», a-t-il fait valoir.

«Même quand on arrête tout ce qu’on peut arrêter, on a encore tout près d’un demi-milliard de dépenses. On a même donné les 140 plantes qui étaient dans nos bureaux pour diminuer les coûts d’entretien ménager. Elles sont allées embellir une maison de soins palliatifs à Kirkland», a raconté Philippe Rainville. 

Bénéfice en hausse de 423 %

Quant aux résultats financiers du premier trimestre de 2022, le bénéfice avant impôts, charges financières, amortissement, dépréciation et quote-part des résultats d’une coentreprise (BAIIA) s’est chiffré à 35 millions $, soit une hausse de 45,8 millions $ ou 423 % par rapport à la perte de 10,8 millions $ pour la même période l’an dernier.

Les produits consolidés se sont élevés à 102,8 millions $ pour les trois premiers mois de 2022, en hausse de 63,7 millions $ ou 163,0 % par rapport à l’an dernier, une augmentation directement attribuable à la reprise du trafic de passagers. Les charges d’exploitation, elles, ont atteint 47 millions $, une augmentation de 10,2 millions $ ou de 27,7 % par rapport au même trimestre de 2021 qui est principalement attribuable à la hausse des frais de services aux passagers, aussi engendrée par le retour des voyageurs.

Ginette Maillé, cheffe de la direction financière d’ADM, a par ailleurs expliqué qu’Ottawa n’avait pas reconduit, en 2021, le congé de loyer de 21 millions $ accordé de mars à décembre 2020, «ce qui fait qu’en cette deuxième année de crise, nous devrons remettre un montant de 25 millions $ à Transport Canada en paiement de loyer. Comme mesure d’allègement, le gouvernement a plutôt proposé qu’il lui soit payé en 10 versements égaux en 10 ans.»

La dette nette d’ADM au 31 mars 2022 était de 2,43 milliards $, comparativement à 2,45 milliards $ au 31 décembre 2021.