Le commandant sortant du NORAD appelle à davantage de rapidité face aux menaces

OTTAWA — Dans un monde incertain, le Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD) peut compter chaque année sur une mission essentielle: suivre le parcours du père Noël.

Dimanche, des millions de personnes se connecteront au site web spécialisé et aux plateformes de réseaux sociaux qui décrivent le voyage magique du célèbre personnage jovial alors qu’il rend visite aux enfants un peu partout sur la planète avec ses rennes.

Plus de 60 ans après sa création, suivre la trajectoire du père Noël est une tradition du temps des Fêtes très appréciée. C’est aussi une occasion de relations publiques très intéressante pour l’agence binationale chargée de défendre l’espace aérien de l’Amérique du Nord.

Informer le public sur la mission du NORAD le reste de l’année a été une priorité pour le commandant, le général Glen VanHerck. À cet égard, le début spectaculaire de l’année 2023 s’est accompagné d’une opportunité inattendue.

Le 27 janvier, le NORAD a appris qu’un ballon de surveillance à haute altitude en provenance de la Chine se dirigeait vers l’Amérique du Nord. Il a été détecté le lendemain à son entrée dans l’espace aérien de l’Alaska et suivi lors de son passage au-dessus du Canada les 30 et 31 janvier.

Le NORAD a discrètement recueilli des données sur le ballon jusqu’à ce que des avions de chasse américains l’abattent au large de la Caroline du Sud le 4 février, soit trois jours après que le public a appris son existence pour la première fois. Les avions de chasse américains ont abattu trois autres objets non identifiés au cours des semaines suivantes, faisant les manchettes à l’international.

«Cela a permis de mieux faire connaître la mission du NORAD», a déclaré M. VanHerck lors d’une récente entrevue réalisée depuis le siège social de l’organisation à Colorado Springs, au Colorado.

«Il a permis de prendre conscience des lacunes en matière de connaissance du domaine. Elle nous a fait prendre conscience de la nécessité de partager et de collaborer à l’échelle mondiale sur les menaces qui pèsent sur l’Amérique du Nord», a-t-il poursuivi.

Ces lacunes sont d’ordre technologique (absence de radar à longue portée dans le Grand Nord) et humain.

«La communauté (du renseignement) savait que le (ballon) était là, a affirmé M. VanHerck. L’un de mes collègues commandants de combat le savait, mais il ne m’a transmis l’information que le 27 janvier.»

M. VanHerck a refusé de dire quel commandant était au courant de l’existence du ballon en janvier dernier. Mais «je ne pense pas que cela se reproduirait», a-t-il précisé.

Les souhaits du NORAD

Les processus et procédures internes du NORAD n’ont pas changé depuis l’incident du ballon, selon M. VanHerck. En ce qui le concerne, les choses se sont déroulées comme elles le devaient une fois que la menace a été détectée.

Cependant, il a une liste de souhaits pour l’agence que le père Noël ne pourra probablement pas exaucer cette année.

«Je manque d’infrastructures pour opérer. Je manque d’accès à des forces organisées, entraînées, équipées et prêtes à exécuter la mission. Et cela ne concerne pas seulement le Canada, mais aussi les États-Unis», a-t-il fait valoir.

Lors de la visite du président américain Joe Biden à Ottawa en mars, ce dernier et le premier ministre Justin Trudeau ont annoncé qu’un radar transhorizon dans l’Arctique devrait être opérationnel en 2028.

Ce projet s’inscrit dans le cadre du plan de modernisation du NORAD de 38,6 milliards $ sur 20 ans, annoncé par le Canada en 2022.

M. VanHerck ne sera plus aux commandes lorsque le nouveau système radar sera mis en service. L’administration Biden a nommé son successeur, le lieutenant-général Gregory Guillot, en mai dernier, mais le processus de nomination a été retardé pendant plusieurs mois au Sénat américain. Sa nomination a finalement été confirmée mardi.

M. Guillot a fait les manchettes lors de ses auditions de confirmation au Sénat en juillet, lorsqu’il s’est engagé à avoir des conversations difficiles avec ses homologues canadiens au sujet de ce qu’un sénateur a qualifié d’insuffisance des dépenses militaires.

M. VanHerck a déclaré avoir eu ces «conversations franches» avec le chef de la défense canadienne, le général Wayne Eyre, et les ministres de la Défense pendant son séjour à Colorado Springs.

«Je vous dirais que je ne pense pas que le fait d’atteindre un pourcentage spécifique du PIB ou quoi que ce soit d’autre soit un indicateur qui signifie nécessairement que nous faisons ce qu’il faut, a-t-il dit.

«Je pense que nous devons examiner la menace (…) nous devons examiner notre sécurité nationale et nous devons financer en fonction de cela.»

Pas assez vite

Le NORAD a également besoin d’une orientation politique claire de la part des deux gouvernements. La politique de défense du Canada, intitulée «Protection, sécurité, engagement», date de 2017. Et sa mise à jour qui devait être publiée à l’automne 2022 ne s’est pas encore concrétisée.

M. VanHerck a déclaré qu’il aimerait que cela se fasse «plus tôt que tard».

En attendant, il a demandé à chaque pays de dresser une liste des infrastructures essentielles à protéger afin que le NORAD puisse établir des priorités. Il a fallu environ deux ans de démarches pour que l’administration Biden fournisse des informations sur les seules infrastructures de défense stratégiques.

«Nous sommes trop lents. Nous ne sommes pas assez agiles en matière de décisions politiques, de modernisation et d’acquisitions», a mentionné M. VanHerck.

«Je partirai très fier de ce que les membres du NORAD et de la United States Northern Command ont pu accomplir, mais toujours déçu que nous n’allions pas assez vite.»

Note aux lecteurs: Ceci est une version corrigée. Au paragraphe 6, bien lire que le public a appris l’existence du ballon chinois trois jours avant qu’il soit abattu, et non le jour même comme indiqué précédemment. Au paragraphe 17, prendre note que la nomination du lieutenant-général Guillot a été confirmée mardi.