Le budget muet sur le projet de loi pour une assurance médicaments, promis pour 2023

OTTAWA — L’une des promesses des libéraux pour 2023 contenues dans leur entente avec le NPD était manifestement absente du budget de mardi.

L’«entente de soutien et de confiance» conclue en mars dernier prévoyait notamment que le gouvernement libéral dépose un projet de loi sur l’assurance médicaments d’ici la fin de 2023. En échange, l’entente assurait au gouvernement libéral minoritaire le soutien du Nouveau Parti démocratique (NPD) lors de votes clés à la Chambre des communes.

Les deux partis soutiennent aujourd’hui que ce projet d’assurance médicaments est toujours sur la bonne voie. Mais ils expliquent que même si un projet de loi était déposé d’ici décembre, on ne saurait pas à quel moment un éventuel régime d’assurance médicaments pourrait être en vigueur et opérationnel.

Le chef du NPD, Jagmeet Singh a déclaré mercredi que lorsque l’entente a été conclue, il y a tout juste un an, les libéraux n’allaient pas au-delà de la promesse d’un cadre législatif.

M. Singh s’était accordé du mérite, mardi, puisque le budget fédéral prévoyait des milliards de dollars pour le nouveau programme de soins dentaires.

Alors que des experts politiques et l’opposition conservatrice estiment que ce budget est essentiellement d’inspiration néo-démocrate, le NPD soutient que s’il s’agissait vraiment de son budget, il y aurait déjà de l’argent prévu pour l’assurance médicaments.

«Les libéraux ne semblent pas être aussi engagés», a soutenu M. Singh mercredi. 

Interrogé sur les raisons pour lesquelles le budget contenait plusieurs autres priorités du NPD, mais pas l’assurance-médicaments, le chef néo-démocrate a affirmé: «Ce que nous avons pu forcer le gouvernement à faire, c’est ce que nous avons pu négocier.»

Point de divergence

L’assurance-médicaments demeure l’un des seuls enjeux qui continuent de diviser les deux partis, expose David Tabachnick, professeur de sciences politiques à l’Université Nipissing.

«Le NPD et les libéraux sont devenus un tout sauf le nom», analyse-t-il. 

Les libéraux, dans leur plateforme électorale de 2019, ont fait campagne sur la promesse de mettre en œuvre un régime national universel d’assurance-médicaments. Des engagements similaires sont apparus dans des discours du Trône et des lettres de mandat au ministre fédéral de la Santé.

Un groupe d’experts nommé par les libéraux a recommandé en 2019 qu’un système public d’assurance-médicaments universel et à payeur unique soit créé au Canada pour remplacer la mosaïque actuelle de régimes d’assurance-médicaments.

Le groupe d’experts, dirigé par l’ancien ministre de la Santé de l’Ontario, Eric Hoskins, a fait valoir qu’un tel plan permettrait aux Canadiens d’économiser environ 5 milliards $ chaque année.

Selon Lydia Miljan, professeur de sciences politiques à l’Université de Windsor, le projet a été mis de côté en partie à cause de la pandémie. 

Elle souligne que le gouvernement s’attend à un déficit de 40 milliards $ pour le prochain exercice financier. 

«Ils n’ont pas d’argent, et ils devraient négocier avec les provinces, un peu comme pour les services de garde. Ce ne sont pas des demandes de financement ponctuelles. C’est structurel et cela engagerait les futurs gouvernements, ce qui est difficile à vendre aux provinces.»

Le premier ministre Justin Trudeau a continué de contourner le sujet, déclarant mercredi que son gouvernement s’efforcerait de faire baisser les prix des médicaments pour les Canadiens tout en assurant faire la liaison avec d’autres juridictions.

Les experts estiment qu’un an après le début de l’accord entre les libéraux et le NPD, qui devait initialement se prolonger jusqu’en 2025, il semble que l’assurance-médicaments soit devenue la carotte que les libéraux placent devant les néo-démocrates pour conserver leur soutien.

Ils se demandent si les libéraux adopteront réellement une loi, même s’ils présenteront un projet de loi.

Au bout du compte, le gouvernement libéral ne donnera pas au NPD tout ce qu’il veut, affirme David McGrane, professeur d’études politiques à l’Université de la Saskatchewan. Selon lui, le gouvernement ne veut pas donner l’impression qu’il est sous contrôle.

«Les libéraux ont été très lents avec l’assurance-médicaments, a déclaré M. McGrane. Ils en font le moins possible, mais suffisamment pour remplir l’accord.»

Qui plus est, souligne-t-il, les libéraux voudront peut-être garder ce projet politique dans leur poche arrière pour l’utiliser lors d’une prochaine campagne électorale.

«Pourquoi ne pas organiser une autre élection et dire; ‘‘nous allons faire des progrès en matière d’assurance-médicaments‘’’ ?», avance M. McGrane, même si l’assurance-médicaments ne sera peut-être pas la «pièce maîtresse» de la prochaine campagne libérale. 

«Si vous concluez l’accord sur l’assurance-médicaments, vous ne pourrez pas faire campagne sur cette promesse aux prochaines élections», ajoute-t-il.